Papier fin
Du bout des doigts je tourne les innombrables feuilles de ces livres rouges empilés sur mon bureau
Tels des mille feuilles fourrés à la crème juridique
Ces mots qui mis l’un à côté de l’autre forment des phrases
Des phrases qui disposées les unes après les autres constituent les règles qui régissent notre société
Qui décident de ce qui est bien ou mal
Ce qui est bon ou mauvais
Limites ou droits
Droits ou limites
Possibilités ou interdictions
Censées montrer un chemin
Une voie permettant de vivre ensemble
Dans le meilleur des mondes.
Pourtant, ce matin
Le téléphone sonne
Une voix dit Maître, c’est injuste !
Combien de fois cette phrase est prononcée ?
Tous les jours nous voyons nos clients, les justiciables, se déchirer
La Justice est-elle si juste ?
Le droit est-il si droit ?
La Justice permet-elle à chacun de se sentir écouté, d’avoir le sentiment d’être satisfait, reconnu, respecté ?
La Justice, le système judiciaire et d’élaboration des lois, les lois elles-mêmes parfois, permettent-ils aux justiciables, aux avocats que nous sommes, et à ceux qui rendent cette Justice, les magistrats, d’être satisfaits ?
Contents d’avoir œuvré pour un monde meilleur et un monde juste.
Il ne me semble pas.
Il ne me semble plus.
Combien de décisions sont-elles vraiment appliquées ?
Combien de décisions sont-elles vraiment applicables ?
Combien de règles de droit ne veulent plus rien dire ou sont inintelligibles ?
Combien de règles de droit déresponsabilisent au lieu de responsabiliser ?
N’est-ce pas là la traduction d’un malaise ?
Ne devrions nous pas écouter ce murmure ?
Un murmure d’injustice justement ?
A force de donner trop souvent à la Justice le pouvoir décider de ce qui est juste ou non, les justiciables, vous, moi, sommes devenus des acteurs passifs.
Des cerveaux disponibles pour la Justice et le droit.
Consommer, encore.
Sauf qu’il ne s’agit pas de cerveaux disponibles
Ou de consommation
Mais de vies, de destins parfois
De nos vies ensemble
Or, la Justice ne se consomme pas.
Car ce qui est juste est une quête. Le fruit d’une réflexion. Une réflexion personnelle, une réflexion commune.
C’est un chemin
Des concessions
Pour vivre ensemble
Pour vivre mieux
De mes besoins, je vais aller vers une solution qui tienne compte des besoins de mon prochain, celui qui vit avec moi dans ce monde et qui le partage avec moi, même si je ne l’ai pas choisi.
Peut-on arriver à la Voie du Milieu ? Une voie qui soit juste pour lui, pour moi, pour le monde dans lequel nous vivons.
Laisser mon sort uniquement entre les mains de la Justice est-elle une solution ?
Il ne me semble pas.
Il ne me semble plus.
Forts de ce constat
Forts de cette réflexion
Peut-être devrions-nous ensemble auxiliaires de justice, justiciables, magistrats,
Revoir notre copie.
Repenser notre façon d’aborder le droit et la Justice.
Proposer aux justiciables des outils, un accompagnement afin d’inventer leur solution, sur-mesure.
Celle qui sera le plus juste pour vous et votre ennemi d’aujourd’hui, qui sera sûrement votre partenaire de demain
Une solution que vous aurez envie de respecter
Que votre partenaire aura envie de respecter
Car vous aurez œuvré ensemble pour la trouver.
Apprendre à construire la paix plutôt que de servir le conflit.
Et si malgré tous vos efforts
Si malgré ce chemin parcouru ensemble
Aucune solution ne se dessinait
Alors saisissons la Justice
En ultime recours.
Discussions en cours :
Approche courageuse et humaine de la Justice.
Un combat pour des règlements amiables.
J’approuve.
Olivier
Bravo à l’auteur pour cet article et plus globalement à tous les professionnels de la justice qui prennent conscience que le conflit peut se régler autrement par la décision d’un juge.
La médiation professionnelle se développe en France, elle est complémentaire du travail des avocats qui retrouveront leur rôle de conseil auprès de leurs clients.
Un monde sans règle c’est de l’anarchie,
Aimer son voisin "peace and love" ca fait un peu soixantehuitard
l’alimentation de la justice c’est un peu les auxiliaires de justice qui alimentent la machine judiciaire
la réplique de la société américaine a amené la société française à se juridicaliser ce qui a amené obligatoirement l’engorgement que nous constatons
Comme le précédent commentaire j’ai aimé la forme
je suis en effet d’accord avec l’auteur, il me semble que dorénavant, parce que les personnes y sont plus ou moins incitées, le recours à la justice est fait pour tout et n’importe quoi, bon nombre de conflits pourraient se régler autrement,à l’aide du simple bon sens ou avec l’aide d’un tiers.
les instances judiciaires sont saturées et au lieu de trouver d’autres solutions, une nouvelle loi vient encore modifier, voire complexifier les choses.......... arrêtons et laissons à la justice les vrais et réels problèmes qui ne sauraient trouver de solution sans elle.
au delà du fond très intéressant, j’ai apprécié la forme, c’est bien écrit.
Un très bel article qui montre que la justice peut se construire au niveau du citoyen dans une réflexion centrée sur l’apaisement et un futur harmonieux.