L’obligation de formation, née à l’occasion de l’arrêt « Expovit » imposant aux employeurs « d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leurs emplois » (Chambre sociale, 25 février 1992 - no 89-41.634) fût complétée à l’occasion de la loi de 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie.
L’article L.6321-1 du Code du travail dispose désormais que l’employeur doit certes assurer l’adaptation des salariés à leur poste, mais doit également veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. Il s’agit alors de former les salariés afin qu’ils soient en capacité de trouver un nouvel emploi à l’issue de leur contrat de travail.
En l’espèce, un ouvrier déclaré inapte au travail avait saisi la juridiction prud’homale notamment en vue de l’obtention de dommages-intérêts pour non-respect par l’employeur à son obligation de formation.
La cour d’appel de Bastia, après avoir observé que le salarié avait pu bénéficier d’une formation professionnelle de deux jours en 2011, relevait que l’employeur n’avait pas proposé d’autres actions de formation ou d’alphabétisation, visées par l’article L.6321-1 du Code du travail.
La cour rejetait pourtant la demande du salarié en observant que les actions de formations visées par l’article L.6321-1 du Code du travail n’ont pas de caractère impératif et ne constituent qu’une faculté de l’employeur.
En effet, l’article L.6321-1 du Code du travail est rédigé de la manière suivante :
« L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu’à la lutte contre l’illettrisme (…) ».
Au visa de cet article, la chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bastia, en affirmant : « Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts du salarié pour non-respect par l’employeur de son obligation de formation, l’arrêt retient que les formations visées par l’article L. 6321-1 du Code du travail restent une simple faculté et non une obligation pour l’employeur ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au maintien de sa capacité à occuper un emploi pendant toute la durée de la relation de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
La solution de la Cour de cassation est logique dès lors que si l’obligation de formation visée par l’alinéa 3 ne constitue qu’une simple faculté, il n’en demeure pas moins que le Code du travail à l’employeur de veiller à la capacité des salariés à occuper un emploi en vertu de l’article L.6321-1, alinéa 1 er 2.
Or, en l’espèce, aucune formation ni aucune action n’avait été offerte au salarié afin qu’il conserve sa capacité à occuper un emploi. Ainsi que l’observe la chambre sociale, une seule formation de sécurité de deux jours avait été proposée au salarié, en 25 ans de carrière.
Il apparaissait donc incontestable que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de formation.
Le Code du travail met donc à la charge des employeurs une obligation de formation de résultat, l’employeur ne peut s’en exonérer au motif que les formations participant au développement des compétences et à la lutte contre l’illettrisme ne seraient pas obligatoires.
La Cour de cassation réaffirme là une solution déjà rendue à propos de salariés d’origine malienne n’ayant pu évoluer dans l’entreprise du fait de leur illettrisme, au sujet desquels la Cour avait affirmé que « le fait que les salariés n’avaient bénéficié d’aucune formation professionnelle continue pendant toute la durée de leur emploi dans l’entreprise établit un manquement de l’employeur à son obligation de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi »
Chambre sociale, 2 mars 2010 - n° 09-40.914
Sur le fondement du même article, la Cour de cassation avait déjà développé une jurisprudence exigeante.
Elle avait ainsi pu juger : « le fait qu’un salarié présent dans l’entreprise depuis douze ans n’ait bénéficié au cours de cette période que d’un stage de formation continue de trois jours établit un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat de travail ».
En outre, pour la Cour, ce manquement entraîne pour le salarié un préjudice distinct du préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail et doit donc être réparé comme tel.
Chambre sociale, 23 octobre 2007 – n° 06-40.950
Enfin et de manière encore plus récente, la chambre sociale est venue rappeler que l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi relève de l’initiative de l’employeur. Le fait qu’un salarié n’ait effectué aucune demande de formation n’est donc pas de nature à exonérer l’employeur de son obligation
Chambre sociale, 18 juin 2014 n°13-14.916
Compte tenu de cette obligation de résultat, en cas de litige l’employeur devra apporter la preuve qu’il a effectivement mis à disposition de ses salariés des actions de formation dans le but d’atteindre les objectifs d’adaptation au poste et de maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.
A défaut, l’employeur sera automatiquement rendu responsable, et ce même si le salarié n’a jamais effectué aucune demande de formation.
Il est donc impératif que les employeurs se saisissent de cette obligation afin de se parer à tout litige éventuel dans le futur.