Perquisition fiscale chez l’avocat : un même JLD ne peut effectuer une saisie et statuer sur sa contestation.

Depuis la loi n°1729 du 22 décembre 2021 sur la confiance dans l’institution judiciaire, le JLD (juge des libertés et de la détention) joue un rôle encore plus important dans les perquisitions chez l’avocat.
Depuis le 1er mars 2022, le JLD autorise les perquisitions au domicile ou en cabinet d’avocats et, en cas de contestation du Bâtonnier ou de son délégué, il statue sur les pièces saisies.

Néanmoins, en matière de perquisition fiscale, le JLD peut-il effectuer lui-même une perquisition en cabinet d’avocats sur le fondement des article 16B du Livre des procédures fiscales et 56-1 du Code de procédure pénale ?

Oui, répond le Conseil constitutionnel dans une décision n° 2022-1031 du 19 janvier 2023 mais il émet une réserve.

1) Le JLD peut-il effectuer une perquisition fiscale en cabinet d’avocats et statuer sur la saisie ?

En mai 2022, un avocat est perquisitionné à son domicile et à son cabinet, par un JLD et l’administration fiscale, sur le fondement des articles 56-1 du CPP et 16 B du livre des procédures fiscales au domicile et à son cabinet.

L’avocat plaidait que la combinaison de l’article L16 B du CGI et de l’article 56-1 du CPP était contraire au principe d’impartialité des juridictions qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, dès lors que la perquisition doit elle-même être autorisée et, dans le cas où elle intervient à la demande de l’administration fiscale, effectuée par un juge des libertés et de la détention.

Dans son arrêt du 25 octobre 2022 (22-83.757), la Chambre criminelle de la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la QPC.

2) Décision du conseil constitutionnel n° 2022-1031 du 19 janvier 2023 : un même JLD ne saurait effectuer une perquisition chez l’avocat et statuer sur sa contestation.

C’est une réponse en 3 temps que fait le conseil constitutionnel.

2.1) Le principe d’impartialité est indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles.

Aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Le principe d’impartialité est indissociable de l’exercice de fonctions juridictionnelles.

L’article L16 B du livre des procédures fiscales prévoit que le juge des libertés et de la détention peut autoriser les agents habilités de l’administration fiscale à effectuer des visites en tous lieux, même privés, où sont susceptibles d’être détenus des pièces et documents se rapportant à des agissements frauduleux en matière d’impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de taxes sur le chiffre d’affaires et à procéder à leur saisie. La visite et la saisie s’effectuent alors sous l’autorité et le contrôle de ce magistrat.

Il résulte de l’article 56-1 du Code de procédure pénale que, lorsque ces opérations de visite et de saisie ont lieu dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile, elles sont effectuées par un juge des libertés et de la détention en présence du bâtonnier ou de son délégué, qui peut s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet s’il estime que cette saisie serait irrégulière.

En vertu des dispositions contestées de cet article, il appartient à un juge des libertés et de la détention de statuer sur cette contestation par ordonnance motivée.

2.2) Le JLD qui a autorisé la perquisition peut statuer sur la contestation d’une saisie.

Le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une perquisition statue sur la contestation d’une saisie effectuée à cette occasion par un autre juge des libertés et de la détention.

2.3) Un même JLD ne peut pas effectuer une saisie en cabinet d’avocat et statuer sur sa contestation.

En revanche, les dispositions contestées ne sauraient, sans méconnaître ce principe, être interprétées comme permettant qu’un même juge des libertés et de la détention effectue une saisie et statue sur sa contestation.

Sous cette réserve, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’impartialité des juridictions doit être écarté.

Par conséquent, les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent, sous cette même réserve, être déclarées conformes à la Constitution.

3) Analyse.

Cette solution reste critiquable.

En pratique, les JLD concernés travaillent quotidiennement ensemble dans des bureaux souvent au même étage, voir contiguë.

Un JLD est-il impartial quand il statue sur la saisie de son collègue de travail ?

Pour le justiciable avocat, ceci est difficile à admettre.

Surtout, les JLD concernés peuvent être aussi embarrassés à statuer sur la saisie de leur collègue.

Une modification législative sur ce point serait, selon nous, nécessaire.

Source.

Cass. crim. 25 oct. 2022, n° 22-83.757.

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