Au-delà des règles générales du Code de procédure civile ou pénale, chaque magistrat impose parfois son propre modèle de présentation des conclusions et des pièces. Cette situation engendre une insécurité procédurale qui complique considérablement l’exercice de la profession.
Une prolifération de normes procédurales.
Les obligations qui découlent du Code de procédure civile ou pénale imposent déjà une discipline stricte aux avocats. Ces codes, bien qu’indispensables à la régulation du système judiciaire, comportent des règles détaillées sur les délais, les formalités, et la structure des écritures. Toute erreur ou omission peut être fatale : une pièce non annexée, une conclusion mal rédigée ou transmise hors délai peut entraîner l’irrecevabilité d’un dossier, voire la perte d’une affaire pour le client.
Cependant, à cette complexité intrinsèque s’ajoutent les attentes spécifiques des juges. Certains magistrats exigent, par exemple, une numérotation particulière des pièces ou une présentation visuelle particulière des conclusions (police, interligne, sommaire détaillé). Ces exigences varient non seulement entre les juridictions, mais parfois entre les juges au sein d’un même tribunal, créant un véritable casse-tête pour les avocats.
Une disparité qui accroît les tensions.
Cette absence d’harmonisation dans les pratiques judiciaires est une source de frustration pour les avocats. Ce qui est accepté dans une juridiction peut être rejeté dans une autre. Un avocat habitué à plaider devant un tribunal particulier peut se retrouver déstabilisé lorsqu’il est confronté aux exigences d’un autre magistrat. Dans certains cas, il est même nécessaire de réimprimer les conclusions ou de reformater entièrement les dossiers pour répondre à des demandes spécifiques. Cette surcharge de travail administratif, souvent inutile, détourne les avocats de leur cœur de métier : défendre les intérêts de leurs clients.
De plus, ces divergences augmentent le risque de décisions procédurales défavorables, non pas à cause du fond des arguments, mais en raison de détails de forme. Cela peut nuire à la perception d’un système judiciaire équitable et accessible, notamment pour les justiciables.
La digitalisation : un remède partiel, mais pas sans effets secondaires.
La numérisation croissante des procédures, si elle a apporté des gains d’efficacité dans certains cas, a également introduit de nouveaux défis. Les plateformes telles que Télérecours ou le RPVA (Réseau Privé Virtuel des Avocats) imposent des contraintes techniques supplémentaires. Chaque plateforme a ses propres spécifications en termes de format des documents, de poids des fichiers ou de modalités de dépôt.
Certains juges demandent des copies physiques en plus des dépôts numériques, augmentant ainsi la charge de travail des avocats. Cette dualité entre numérique et papier ne fait qu’ajouter à la confusion et au sentiment de surcharge.
Une réponse nécessaire pour protéger la profession.
Face à cette situation, plusieurs pistes pourraient être envisagées pour alléger le quotidien des avocats et harmoniser les pratiques judiciaires :
1. Uniformisation nationale des pratiques : instaurer un guide de présentation standardisé des conclusions et des pièces, applicable à toutes les juridictions. Cela garantirait une plus grande prévisibilité et une équité procédurale.
2. Formation des juges et des greffes : sensibiliser les magistrats et les greffes aux difficultés rencontrées par les avocats et promouvoir une application uniforme des règles procédurales.
3. Renforcement des outils numériques : simplifier et unifier les plateformes numériques pour éviter les disparités techniques et garantir une transition complète vers le tout-numérique.
4. Dialogue entre les acteurs du droit : encourager les échanges entre avocats, magistrats et greffes pour mieux comprendre les attentes et ajuster les pratiques en conséquence.
Conclusion
Plaider pour les avocats est aujourd’hui un parcours semé d’embûches, marqué par des contraintes procédurales et des attentes variables. Ces obstacles, qui pèsent sur l’efficacité et la sérénité de leur travail, menacent à terme l’équilibre du système judiciaire lui-même. Il est urgent d’harmoniser les pratiques et de recentrer le débat sur l’essentiel : la qualité de la justice rendue aux justiciables. Une telle réforme nécessitera un effort collectif, mais elle est indispensable pour garantir que l’exercice de la profession d’avocat reste à la hauteur de ses principes fondateurs.
Discussion en cours :
Bonjour Maître,
Je vois que vous vous définissez notamment comme "polémiste", le polémiste étant la personne qui aime ou pratique la polémique, i.e. "Discussion, débat, controverse qui traduit de façon violente ou passionnée, et le plus souvent par écrit, des opinions contraires sur toutes espèces de sujets" (TLFI).
Vous écrivez ainsi, dans un chapitre intitulé "Normes procédurales" : "Cependant, à cette complexité intrinsèque s’ajoutent les attentes spécifiques des juges. Certains magistrats exigent, par exemple, une numérotation particulière des pièces ou une présentation visuelle particulière des conclusions (police, interligne, sommaire détaillé). Ces exigences varient non seulement entre les juridictions, mais parfois entre les juges au sein d’un même tribunal, créant un véritable casse-tête pour les avocats."
Au-delà du fait qu’une exigence particulière d’un juge ne peut être considéré au sens strict comme une norme, je vois que vous contentez de déclarations à l’emporte-pièce, d’allégations dirions-nous, sans AUCUN exemple concret et précis auquel vous auriez été effectivement confronté.
Je ne prétends évidemment pas connaître l’intégralité des juridictions, mais en tant que défenseur syndical, je n’ai jamais été au courant d’une exigence de numérotation, ou d’une définition de police d’écriture, chose qui serait d’ailleurs inexigible, puisque 1) Elle n’est prévue par aucun code 2) Le juge ne peut refuser de juger au prétexte d’une mauvaise présentation, ce serait un déni de justice 3) comme les parties viennent avec leurs écritures à l’audience, c’est trop tard pour exiger quoi que ce soit.
Vous proposez le dialogue entre avocats et juges ; peut-être qu’un dialogue fructueux pourrait être favorisé par le fait de ne pas se livrer à des accusations non étayées, pour commencer, fussent-elles formulées pour le plaisir de la polémique.