[Tribune] La profession d’avocat ne sait pas communiquer !

Michèle BAUER

Avocate à la Cour

Généraliste, titulaire d\’un certificat de spécialisation en droit du travail

Blog : http://michelebaueravocatbordeaux.fr

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Explorer : # communication # profession d'avocat # internet # profession juridique

Un petit billet d’humeur, de mauvaise humeur sur notre profession et sur notre incapacité à communiquer, à valoriser notre savoir faire, à arrêter ces braconniers du droit qui envahissent la toile et sont dangereux pas seulement pour notre petit marché du droit, notre fonds de commerce mais pour ceux qui ont recours à ces rebouteux sans foi ni loi et sans déontologie de surcroît.

-

Pourquoi notre profession représentée par le CNB (Conseil National des Barreaux) n’arrive toujours pas à communiquer et nous valoriser ?

La réponse à cette question est très facile à donner, notre profession et nos représentants vivent au siècle dernier, siècle durant lequel les avocats étaient des notables établis, garant du savoir, du droit...

Ils étaient peu nombreux, quelques centaines au Barreau de Bordeaux et il se partageaient un grand gâteau dont chaque avocat avait l’avantage de pouvoir manger de grandes parts jusqu’à l’indigestion.

Ce monde était le monde merveilleux (pour les anciens) où les Palais de Justice étaient ouverts, on y entrait comme dans un moulin, la salle des pas perdus était un lieu de rencontre, de discussions...

Les greffiers n’avaient pas peur de nous, ils nous parlaient, nous aidaient, n’étaient pas aussi débordés qu’aujourd’hui, avaient les moyens matériels et humains de travailler.

Les clients venaient spontanément voir l’avocat qui avait posé sa petite plaque, généralement car c’était l’avocat de la famille, l’avocat qui était le fils de...on était avocat car papa l’était aussi ( un peu moins maman car à l’époque, une femme avocate, vous n’y pensez pas...).

Ce monde merveilleux est devenu au fil des années de plus en plus accessible, les femmes sont arrivées, les fils et filles de personnes aussi, la société a changé, internet est passé par là, la mondialisation...

Alors fini, les quelques centaines d’avocats à Bordeaux, nous sommes 1500 aujourd’hui, voir plus, je ne connais plus le chiffre exact, à Paris, ils sont 25 0000 et seront 35 000 en 2020.

Le gâteau est toujours aussi grand mais plus de personnes à nourrir et certains n’ont que des miettes et ne risquent pas de s’étouffer en les mangeant.

Internet a complètement changé la donne, le réflexe du citoyen aujourd’hui n’est plus de marcher dans la rue de voir une plaque d’avocat et de sonner ou encore de demander quel était l’avocat de papa dans les années 70... Non, le citoyen surfe sur internet, il tape une question de droit avant de venir consulter un avocat.

Internet est un outil qui donne des informations (parfois erronées) rapidement et sans que nous ayons à nous déplacer. Qui d’entre vous n’est pas allé sur internet pour rechercher à partir de certains symptômes quelle était la maladie dont il pouvait souffrir (début de cancer ?...)

Pour le droit, c’est pareil, le citoyen qui souhaite divorcer tapera une question sur le divorce : comment, quel coût, l’avocat est-il obligatoire ?

Lorsque l’internaute tape cette question, il est désolant qu’il ne tombe pas sur le site d’un avocat, il tombe d’abord sur les sites de ces braconniers du droit qui l’informe gratuitement dans un premier temps et l’oriente alors vers certains confrères qui acceptent de s’allier à ces sites et intervenir dans une procédure de divorce pour quelques euros car le miettes ne sont pas assez nourrissantes, une mie de pain une fois dans le mois c’est toujours bon à prendre.

Et pendant ce temps, pendant que le citoyen tape une question de droit, tombe sur un braconnier du droit, que fait notre institution représentative, le CNB ?

- il décide de supprimer la blogosphère des avocats, ben oui ça marchait bien alors pourquoi la garder ? Affinitiz l’hébergeur rencontre des difficultés économiques, il faut en profiter, ça coûte trop cher et il n’entre pas dans le rôle du CNB de promouvoir la profession et de créer des blogs, non... alors nous nous sommes mobilisés, le Syndicat des Avocats de France a publié un communiqué, a œuvré au sein du CNB avec ses élus, une action en justice a été diligentée... et puis les promesses sont venues : les articles des blogs seront restitués à leurs auteurs (quand même) sous un fichier xml exportables sur blogger et wordpress... ok et nos référencements alors ? Marche arrière du CNB, deuxième marche arrière, OK on transfère la blogosphère avocats.fr sur Blogavocats (ICI toujours en maintenance). A la date du 3 mai 2014 : toujours pas de fichiers restitués, toujours pas de blogosphère qui fonctionne sur blogavocats.fr et nos anciens blogs sont mourants. Je passerai sur les mises en lignes du CNB durant la procédure de référés, où les articles étaient tous mélangés, on m’attribuait des articles de mon Confrère KUCHUKIAN...Cette migration semble être entre de bonnes mains c’est sûr... En conclusion, pour moi, la blogosphère a disparu en ce jour du 4 mai 2014.

- autre décision du CNB : VOXAVOCATS, un réseau privé des avocats a été mis en ligne pour concurrencer HUB et quel réseau, dommage si vous n’êtes pas avocats, vous n’y avez pas accès mais cela vaudrait le détour : design du siècle dernier, ça rame, c’est moche et personne n’y va, le désert et la traversée de ce désert est plus que longue. Ce réseau privé ne sert à rien car les articles publiés ne sont pas publics et on peut chercher longtemps la valorisation de la profession... si c’est pour faire part de notre savoir faire aux Confrères, l’intérêt est limité, limité à la postulation.

- Et une autre décision : RPVA Mobile : ENFIN, je dirais... Le CNB nous a dit pendant des années que notre réseau privé virtuel d’avocats (qui sert en fait à communiquer avec le greffe du TGI) ne pouvait pas être accessible de notre mobile et de l’extérieur pour d’obscures raisons de sécurité. Après 8 ans, enfin nous pouvons accéder avec notre portable au RPVA mais seulement lire nos messages car en écrire... pas encore attendons 10 ans peut-être que ça viendra, d’ici là on ne communiquera peut-être même plus par le RPVA. Mais encore une fois, ce RPVA et ces améliorations informatiques ne vont pas nous aider à lutter contre les braconniers du droit et à faire valoir notre savoir faire à l’extérieur !

En conclusion, le CNB a une politique de communication orientée que vers l’intérieur, vers ses Confrères : RPVA, VOXAVOCATS... et l’extérieur et bien on s’en fiche un peu.

On va me dire, si, le CNB s’intéresse au citoyen consommateur de droit car il a édité un livre blanc de la justice du XXIème siècle oui mais seuls les initiés le liront et certainement pas le citoyen moyen ou l’internaute moyen.

A quand la mise en place d’une véritable communication digne de ce nom, d’un site internet du CNB qui pourrait aussi et surtout "parler" au justiciable, au citoyen, au consommateur...

En fait à quand la remise en fonctionnement de la Blogosphère avocats.fr ?

Michèle BAUER

Avocate à la Cour

Généraliste, titulaire d\’un certificat de spécialisation en droit du travail

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Discussions en cours :

  • par Patrice DUPONCHELLE Avocat , Le 9 août 2015 à 21:38

    La profession d’avocat est capable d’innover la création du CNB avait donné beaucoup d’espoirs à un grand nombre d’avocats car si nous sommes fiers de notre indépendance avouons qu’un organisme national n’était pas de trop pour définir une politique commune.
    Rapidement le CNB a déçu doux euphémisme .....
    Le CNB n’a aucun sens de la communication sauf pour communiquer sur ses divisions la suppression de la blogosphére en est le plus bel exemple.
    Le CNB ne défend pas les avocats au moment de la réforme de la carte judiciaire il a démontré son incapacité.

  • Bonjour,

    Votre billet transpire à la fois l’envie et le mépris pour ces "braconniers du droit" qui osent venir chercher les miettes d’un gâteau que vous jugez déjà trop modeste pour vous et vos confrères...

    Obnubilée par cette chasse aux sorcières dictée par vos instances ordinales, vous en perdez tout sens de la nuance et de la mesure.

    Voici donc quelques - modestes - réflexions destinées à alimenter le débat sur l’avenir de cette belle et grande profession qui est la vôtre.

    Tout d’abord, même si elle ne ménage pas ses efforts pour le faire consacrer, votre profession ne dispose pas d’un monopole sur le "marché" du droit auprès de nos concitoyens.

    Ensuite, ne vous en déplaise, une part non négligeable voire une majorité de ces "rebouteux sans foi ni loi" sont non seulement des professionnels légitimes, mais aussi et surtout des concurrents loyaux qui méritent en tant que tels votre reconnaissance, et votre respect.

    Enfin, plutôt que de rechercher un ou des boucs-émissaires à vos - tout relatifs - malheurs (outre les "pirates du droit" sur internet, les notaires et les experts-comptables sont aussi des cibles privilégiées des avocats...), je pense qu’un minimum de remise en cause personnelle et d’auto-critique permettrait à votre profession d’entrer enfin du bon pied dans ce XXIe siècle.

    Vous voyez là qu’il ne s’agit pas d’un simple problème de communication "générationnelle", mais d’un vrai travail de fond.

    Bon courage !

    • Je n’envie pas les braconniers du droit et si vous avez bien lu mon billet j’indique que notre profession n’a pas su s’adapter aux nouvelles technologies...

      Le problème de notre profession c’est que nous sommes de plus en plus nombreux à devoir nous partager ce fameux gâteau, alors si je devais faire de l’auto-critique , je critiquerai l’examen d’entrée au Centre de Formation des Avocats ou la passerelle article 98 qui permet à des juristes d’entreprises d’accéder à notre profession sans passer par l’examen et qui devrait être supprimée car nous sommes trop nombreux

      Les braconniers ne me font pas peur car je suis avocate, j’ai le titre et l’internaute est toujours plus confiant à l’égard de notre profession qu’à l’égard de ces braconniers qui s’improvisent juristes, qui n’ont pas d’assurance, pas de secret professionnel !

      Le marché du droit contrairement à ce que vous pensez n’est pas ouvert, l’avocat a le monopole de la consultation aux côtés d’autres professionnels du droit et ceux qui donnent des consultations sans faire partie des professions réglementées sont des braconniers du droit et exercent illégalement la profession d’avocat ( c’est susceptible de sanctions pénales et civiles !)

      Donc, si vous êtes un de ces braconniers, en effet, faites attention la chasse est ouverte par le CNB !

    • par SURCOUF , Le 10 mai 2014 à 10:18

      Le problème est là, et il n’aura fallu qu’un seul commentaire pour vous y amener.

      Votre profession ne sait pas (ou très mal) envisager l’échange autrement que de façon conflictuel. En l’espèce, vous ne concevez pas qu’un simple citoyen, effectivement juriste, puisse s’intéresser aux problématiques de nos temps perturbés, et n’avez d’autre argument que de jeter une suspicion digne d’une autre époque...

      Concrètement selon moi, votre guerre contre ces "pirates" est aussi dépassée et improductive que celle des exploitants de taxis contre les "vtc". Il s’agit de combats d’arrière-garde qui n’ont d’autre objet que de maintenir voire élargir des privilèges professionnels totalement injustifiés face à la nécessité actuelle - communément admise - de libéraliser notre économie.

      D’ailleurs, l’un de vos confrères a eu le courage de l’écrire :
      http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0203354134876-taxis-et-avocats-meme-mauvais-combat-655294.php

      Dans ce contexte, votre "inquisition" perd nécessairement de sa crédibilité, y compris auprès des justiciables.

      Pour finir, vos exemples choisis ne doivent pas occulter qu’il existe bel et bien des non-avocats qui sont des professionnels compétents et surtout légitimes : http://www.lemondedudroit.fr/droit-a-entreprises/distribution/186840-demanderjusticecom-relaxe-dun-site-daide-aux-justiciables-pour-exercice-illegal-du-droit.html

      Notez que j’en resterai là car contrairement à vos insinuations, je ne suis pas directement concerné.

    • par Michèle BAUER , Le 28 mai 2014 à 10:29

      étrange votre commentaire et vos renvois vers des sites qui commentent la décision demander en justice... mentionnez aussi la décision de la Cour d’appel d’Aix qui condamne le site divorce discount.. mais oups j’oubliais vous n’êtes pas un braconnier

  • Dernière réponse : 17 mai 2014 à 13:22
    par Benoît Van de Moortel , Le 12 mai 2014 à 21:15

    Je me permets une petite et amicale suggestion. S’agissant de communiquer en direction des justiciables et autres consommateurs de droit, la profession d’avocat serait bien inspirée, me semble-t-il, d’abandonner l’expression "braconniers du droit" pour désigner les personnes et entreprises qui, sans répondre aux exigences de la loi du 31 décembre 1971, pratiquent la consultation ou la rédaction d’acte juridique.
    Car, si ces praticiens illégaux du droit sont des braconniers, cela signifie que les praticiens légaux, que sont notamment les avocats, les notaires et les huissiers, s’en distinguent essentiellement par la détention d’un permis de chasse en bonne et due forme. D’où il ressort que le public ciblé (c’est le cas de le dire) est de toute façon envisagé comme du gibier (même s’il n’est plus « de potence » depuis belle lurette).
    On ne confondra pourtant pas le CNB (Conseil National des Barreaux) avec le CNB (Club National des Bécassiers), même si la devise de ce dernier, « chasser le plus possible tout en tuant le moins possible », n’est pas dépourvue d’une certaine sagesse.
    Bref, le message cynégétique risque d’être mal perçu par ceux qu’il … vise.
    Et c’est ainsi que la communication peut avoir du plomb dans l’aile.
    Benoît Van de Moortel
    Juriste

    • par Michèle BAUER , Le 17 mai 2014 à 13:22

      et vous avez raison nous avons un permis de chasser... non pas le gibier mais le droit et ses failles, la profession fait référence aux braconniers du droit et non aux braconniers des clients du droit, si les mots ont un sens

  • Bonjour,

    Pouvez-vous nous donner quelques exemples des braconniers du droit s’il vous plait ?
    Je connais le site demanderjustice.com dont la société éditrice a été relaxée.

    Et il existe des sites qui accompagnent les sociétés et startup en préparant des statuts rédigés par des avocats partenaires.
    Faites vous allusion à ce type de sociétés ?

    Pouvez vous nous donner quelques noms pour éviter justement que des entrepreneurs ou particuliers se fassent avoir ?

    Je vous remercie

  • par francis , Le 6 mai 2014 à 14:50

    Bonjour,

    je partage tout à fait votre point de vue.

    Et c’est pas fini puisqu’il semblerait que la loi autorisant la publicité puisse être vidée de son contenue par des "recommandations" du CNB...
    Sinon, concernant HUBAVOCAT, je tenais à préciser qu’il s’agit d’une société commerciale, susceptible d’utiliser tout modèle d’acte mis à disposition par des confrères... sur un site de modèles gratuits... Et le pire ? c’est que mon barreau a donné à cette société les coordonnées (nom+mail avocat-conseil) de tous les avocats inscrits.

    Bon courage

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