PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011
CONTRIBUTION FONCIERE DES ENTREPRISES POUR LES PROFESSIONS LIBERALES
Dispositif actuel :
La cotisation économique territoriale (CET) a remplacé la taxe professionnelle au 1er janvier 2010. La CET est composée, d’une part, de la contribution foncière des entreprises (CFE) calculée sur la valeur locative des biens soumis à taxe foncières et, d’autre part, de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) calculée sur la valeur ajoutée des entreprises lorsque leur chiffre d’affaire excède 500 000 euros.
Pour les sociétés civiles professionnelles, sociétés civiles de moyens et des groupements réunissant des membres de professions libérales, l’imposition est établie au nom de chacun des membres (article 1476 du Code général des impôts alinéa 1 pour la CFE, article 1586 ter du Code général des impôts), sauf en cas d’option pour l’impôt sur les sociétés.
La CVAE est calculée en fonction du chiffre d’affaires et de la valeur ajoutée allouée à chacun des membres.
Modification proposée :
Le gouvernement propose de modifier le redevable de la CET qui devient le groupement réunissant des professions libérales (au lieu de ses membres) : les différents éléments servant au calcul de la CET (valeur locative, chiffre d’affaires et valeur ajoutée) seraient donc appréciés au niveau de la structure.
Sont notamment visés les notaires, les avocats, les avoués, les conseils en propriété intellectuelle, les médecins, les chirurgiens dentitse, les auxiliaires médicaux, les architectes etc...
Conséquences de la modification proposée :
Si la mesure envisagée n’a pas d’incidence sur le montant global de la contribution foncière, elle a en revanche pour effet d’augmenter mécaniquement le taux d’imposition à la CVAE.
En effet, la CVAE est calculée en application d’un taux effectif d’imposition progressif qui est fonction du chiffre d’affaires du redevable. Concrètement, plus le chiffre d’affaires est élevé, plus le taux d’imposition appliquée à la valeur ajoutée produite est élevé (en raison d’un abattement dégressif fonction du chiffre d’affaires intégré dans le calcul du taux applicable).
Cette mesure aurait pour conséquence de priver les avocats exerçant en groupe du bénéfice de l’application des taux d’imposition les plus bas dans la mesure où le taux applicable serait déterminé par le chiffre d’affaires réalisé par la structure et non plus par le chiffre d’affaires alloué à chaque associé en fonction de ses droits à profits.
Les structures réalisant plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires (quelque soit le nombre d’associés) deviendront donc de nouveaux redevables de la CVAE (bien que le chiffre d’affaires alloué à chaque associé soit inférieur à 500 000 euros, seuil en-dessous duquel s’applique l’exonération de CVAE).
Les structures réalisant un chiffre d’affaires supérieurs à 500 000 en moyenne par associé se verront donc appliqué un coefficient multiplicateur de leur charge de CVAE allant de 8 à 33 fois leur charge de CVAE 2010.
Il sera simplement rappelé que la CVAE porte sur la valeur ajoutée dont le calcul ne tient compte ni de la masse salariale ni des loyers qui constituent pourtant les charges les plus significatives des professions libérales. A l’occasion de la réforme de la taxe professionnel, le législateur avait émis clairement le souhait de mettre à contribution les activités génératrice de la valeur ajoutée (secteur des services et professions libérales). L’ajustement proposé à la réforme va bien au-delà de cet objectif en aggravant la charge de 700 à plus de 3 200 % et méconnait la spécificité des professions libérales.
L’accroissement significatif de la charge fiscale en résultant pénalise fortement les groupements de professionnels libéraux dans un contexte économique dégradé et rend l’exercice en groupe plus dissuasif alors même que le mode d’exercice (en groupe ou individuel) se doit de rester neutre s’agissant des professions libérales.
Le législateur ne peut valablement encourager le regroupement des professions libérales en structures d’exercice indépendantes et économiquement viables dans un contexte concurrentiel exacerbé et pénaliser de la sorte de tels regroupements.
L’ampleur de cet accroissement est, au demeurant, de nature à avoir un impact sur l’emploi dans les secteurs concernés.
En outre, contrairement à la réforme de la taxe professionnelle effective au 1er janvier 2010, aucun dispositif transitoire n’est prévu pour atténuer l’impact de cet « ajustement » pour les professionnels libéraux.
Le dispositif d’écrêtement des pertes mis en place lors de la réforme de la taxe professionnelle ne pourrait s’appliquer pour les raisons suivantes :
a) l’augmentation de la charge fiscale ne concerne pas le même redevable et est donc dépourvue de lien avec le passage de la taxe professionnelle à la CET ;
b) seules les entreprises éligibles à l’écrêtement au titre de l’année 2010 peuvent y prétendre pour les années 2011 à 2013, ce qui exclut ipso facto les nouveaux redevables.
Avis :
Le mode d’exercice des professions libérales (individuel ou en groupe) doit impérativement rester neutre quant à la charge fiscale.
Il convient de demander le retrait pur et simple d’une mesure contreproductive en termes de maintien d’emploi et de compétitivité.
Florence Bernigard
Avocate
f.bernigard chez bernigard-avocats.fr