Silencieuse, historique et inquiétante : la baisse de l’encours de crédit immobilier, en 2024.
Depuis 2019, la France est entrée hypocritement dans la restriction du crédit immobilier aux consommateurs. Les tickets de rationnement en crédit sont distribués par le Haut Conseil de Stabilité Financière, ou HCSF [1]. Pour quelle raison ? Officiellement, la masse des emprunteurs particuliers français détenait trop de crédit [2]. Agitation macroprudentielle [3] consternante et malvenue.
Ces décisions administratives encastrent le droit européen du crédit immobilier aux consommateurs. Elles présentent une façade supposément bonne : protéger le système financier des « vulnérabilités liées au secteur immobilier résidentiel ». Il s’agit, en réalité, d’installer la pénurie de crédit immobilier, pour tenter de faire baisser les prix de l’immobilier, objectif plutôt populaire. Et totalement raté. La France connaît la restriction du crédit immobilier et les prix de l’immobilier n’ont pas sérieusement chuté. Ils demeureront élevés tant qu’il manquera des biens pour répondre aux élémentaires besoins de logements des Français. La restriction du crédit immobilier, conjuguée à une longue cohorte d’autres décisions ou inactions négatives, installe durablement la crise du logement. La Banque de France s’extasie : « L’année 2024 se termine avec une production mensuelle de crédit immobilier aux ménages en hausse et des taux d’intérêt encore en baisse » [4] L’univers est en ordre.
Avec cette formule de commentaire (factuellement irréprochable), le commentateur escamote un fait historique : la baisse de l’encours des crédits immobiliers aux particuliers. L’encours, c’est le stock des crédits : c’est la masse du capital restant dû de tous les crédits octroyés. Il résulte naturellement de la production de nouveaux crédits et du remboursement de crédits octroyés. C’est un indicateur bancaire d’importance considérable. La masse des crédits immobiliers aux particuliers baisse, à fin 2024, pour la première fois depuis des dizaines d’années. Descendu à 1.283 milliards d’euros [5] cet encours reflète les conséquences de l’effondrement de l’octroi des nouveaux crédits immobiliers aux particuliers : même pas 14 milliards d’euros accordés, pour le dernier mois de 2024 [6]. Il paraît que c’est un retour « à la normale » (la normale, c’est donc lorsque le marché du crédit immobilier est congestionné). Le nombre de ménages détenteurs d’un crédit immobilier est au plus bas, à moins d’un tiers (29,7% [7]).
Certes, le crédit immobilier n’a pas disparu. Il reste accessible, heureusement. Sans aucune réserve, protéger les demandeurs insolvables est indispensable. Le surendettement est au plus bas et n’a pas pour cause le crédit. Cet objectif ne justifie pas de priver de prêt immobilier des emprunteurs solvables, notamment des investisseurs qui fournissaient naguère le marché locatif. Les ménages étaient, en 2019, supposément trop endettés. Clairement, en 2025, ils ne le sont plus. Le Haut Conseil de Stabilité Financière a disparu des ondes. Ses « mesures » restrictives demeurent. Le logement est en plein chanstique [8].
Silencieuse, historique et réconfortante : la transformation de la distribution du crédit en France.
La France dispose d’une chance : un dynamique dispositif de distribution bancaire indépendant, notamment de crédit. Il est formé par les courtiers en crédit, par les mandataires de banques, ainsi que par leurs équipes, salariés ou mandataires. L’utilité de ces intermédiaires bancaires est grande et devrait être davantage saluée [9], dans toutes les configurations économiques : taux élevés, taux bas, taux en hausse, taux en baisse, banques prêteuses ou distantes. Les réseaux des agences directes des banques rétrécissent sans arrêt. Les banques déconsidèrent leurs équipes commerciales et leurs clients avec la même énergie.
L’expertise en crédit immobilier se trouve désormais chez les courtiers en crédit. Il reste encore à atteindre un bon équilibre des relations entre les banques et les intermédiaires en opérations de banque, lequel s’installe petit à petit, par la pression des évolutions. Le modèle historique de la banque de détail français a vécu. L’accès aux opérations de banque, au crédit, passe désormais par les intermédiaires bancaires, dans une relation coopérative avec les salariés des banques. Dans un contexte de crédit immobilier restreint, les courtiers en crédit rassurent les candidats à l’emprunt, préparent efficacement leurs demandes et optimisent l’octroi de crédit.
La faible lutte contre la propagation de la fraude au crédit : un phénomène préoccupant.
Cet engouement des clients pour les intermédiaires en opérations de banque indépendants survient en même temps qu’un phénomène inquiétant : la profusion des escroqueries. Ces dernières s’étendent au crédit. Ce phénomène de fraude n’est pas nouveau ; il empire. Il rencontre peu d’obstacles. La fraude bancaire se réalise, nécessairement, sous la forme d’ordres de paiements malheureux : des victimes remettent de l’argent à des escrocs. En France, la fraude aux paiements dépasse allégrement le milliard d’euros chaque année [10]. Le nombre de victimes, sans doute sous-estimé, augmente de 8% par an, depuis 2016 [11]. En crédit, le montant moyen de fraude serait de 19.000 euros par victime [12]. La croyance populaire n’envisage pas le crédit comme motif d’une fraude : comment un emprunteur pourrait-il être amené à verser des sommes ? Illusion. La force d’une fraude [13] réside avant tout dans son scénario astucieux (son : « ingénierie sociale »), dans sa capacité à influencer la victime jusqu’à l’acte de dépossession. Le désir de crédit, conjugué à la présentation de factices « sécurités » ou « garanties », pousse des demandeurs de crédit à effectuer des paiements pour obtenir ces crédits.
Les fraudeurs se présentent soit comme des « conseillers » bancaires, soit comme des Intermédiaires en opérations de banque. Ils s’immiscent dans d’authentiques pages de sites internet ou appellent avec de vrais numéros de téléphones : c’est le « spoofing ». Des mesures de protection récentes [14] devraient diminuer cette pratique, pour les lignes téléphoniques fixes. Autre approche : les escrocs diffusent des sites internet de banque fictive ou de courtier inexistant ; ils correspondent par des adresses mails qui ressemblent à celles de Professionnels bancaires : c’est le « phishing ». En crédit, principalement, les escrocs cherchent soit à capter des « apports personnels » sollicités en vue d’un faux crédit (crédit immobilier), supposément objets de « séquestres » protecteurs, soit à obtenir le reversement d’un authentique crédit obtenu par l’emprunteur (« rachat » de crédit ou regroupement de crédits). La vente d’équipements d’énergies renouvelables est connue comme un nid pour ces manœuvres.
Il faut bien admettre que la prévention des fraudes et l’information des clientèles sont manifestement défaillantes. L’efficacité de la répression contre les fraudeurs est, pour sa part, mal connue [15]. La prévention, donc la protection des consommateurs, est insuffisante. Celle-ci repose principalement sur la diffusion de « listes noires » ou de registres publics des professionnels bancaire. Les « listes noires » sont des catalogues d’escrocs mis à jour scolairement par les autorités chargées de la protection des consommateurs [16]. En réalité, aucune victime ne les connaît ni ne pense à les consulter. La protection passe également par la consultation du registre national public des intermédiaires immatriculés [17] ou par celui des établissements de crédit agréés [18]. Pareillement : peu de consommateurs en connaissent l’existence. Finalement, ces mesures publiques de protection des Consommateurs s’illustrent surtout par leur inefficacité flagrante. Plus les fraudes bancaires se répandent, plus la communication à propos de ces « mesures » s’intensifie. Le programme d’action annuelle de l’entité chargée de la protection des clientèles bancaires se cantonne à une ligne lapidaire (« prévention des escroqueries financières »). La protection des consommateurs d’opérations de banque n’est décidément pas une priorité pour l’entité qui en est chargée [19]. Tout mécanisme de fraude repose sur la sollicitation d’un paiement. De toute évidence : il faut donc aider les particuliers à progresser dans la sécurité et dans la vigilance en matière de paiements.