La Procédure civile a été réformée par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, entrant en vigueur au 1er janvier 2020. Six thèmes principaux sont impactés par la réforme.
I. La fusion des tribunaux d’instance et de grande instance : une volonté de simplification des modes de saisine.
Le décret institue le tribunal judiciaire, issu de la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance.
Les Tribunaux d’instance des Mairies ferment ainsi leurs portes et sont centralisés au sein des Palais de Justice.
Le Tribunal judiciaire conserve les principales caractéristiques des procédures applicables devant ces juridictions, avec une volonté de simplification.
Avant la réforme, une partie avait le choix pour intenter une action en justice entre :
La déclaration au greffe : constituait une procédure simplifiée et rapide permettant de saisir un tribunal. Il suffisait pour une partie d’exposer au greffe une demande ainsi que les motifs correspondants. Le greffe se chargeait par la suite d’en informer la partie adverse et de convoquer les parties devant le juge ;
La présentation volontaire des parties : elle représentait un acte de procédure par lequel les parties se présentaient volontairement devant le juge pour faire trancher leur litige ;
L’assignation : c’est un acte introductif d’instance par lequel une partie, le demandeur, cite le défendeur à comparaître devant le juge par le biais d’une convocation par huissier ;
La requête : acte qui permet de saisir le juge sans information préalable de la partie adverse.
La réforme supprime les deux premiers modes de saisine pour ne conserver que l’assignation et la requête, conduisant les justiciables à détailler de manière écrite les faits et leurs demandes préalablement à leur démarches procédurales.
La saisine se fait par principe par voie d’assignation.
Néanmoins, l’Article 750 du Code de Procédure civile prévoit la possibilité de saisir le Tribunal par voie de requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5.000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement.
Lorsque le demandeur saisit le tribunal par requête : l’Article 757 du Code de Procédure civile impose, à peine de nullité, que l’acte comporte :
Un exposé sommaire des motifs de la demande ;
Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions.
Lorsque le demandeur saisit le tribunal par assignation, dans une procédure avec représentation obligatoire : l’Article 752 du Code de Procédure civile impose, à peine de nullité, que l’acte comporte :
La constitution de l’avocat du demandeur ;
Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat.
Autre simplification, l’Article 751 du Code de Procédure civile prévoit que lorsque la demande est formée par voie d’assignation, les justiciables pourront obtenir, par l’intermédiaire d’un huissier ou d’un avocat, une date d’audience dès l’introduction de leur demande une date d’audience.
II. La simplification des exceptions d’incompétence : nouveau dispositif préventif des questions de compétence.
Lorsque le dossier pose une question relative à la compétence de la juridiction saisie, le juge peut avant l’audience trancher cette question et renvoyer le dossier devant la bonne juridiction, afin d’éviter un renvoi du dossier pour incompétence et rallonger les délais procéduraux.
L’Article 82-1 du Code de Procédure civile prévoit qu’avant la première audience, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie, renvoyer l’affaire par simple mention au dossier, devant le juge compétent :
Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine ;
Le dossier de l’affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné ;
La compétence du juge à qui l’affaire a été renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de 3 mois ;
La décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel.
Remarque : le renvoi par simple mention au dossier ne pourra pas se faire si l’incompétence est découverte à l’audience. Ainsi, pour le bon fonctionnement de ce nouveau dispositif, il est essentiel que la question de la compétence du juge soit vérifiée au préalable.
III. L’instauration du principe de l’exécution provisoire de droit.
L’Article 514 du Code de Procédure civile prévoit désormais le principe selon lequel les décisions de premières instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Ainsi, en principe, toutes les décisions rendues par les juridictions civiles bénéficieront de l’exécution provisoire de droit.
Néanmoins, la consécration du principe de l’exécution provisoire de droit ne supprime pas la faculté de demander la suspension de l’exécution provisoire devant le Premier Président de la Cour d’appel. Par ailleurs, il subsiste des cas dans lesquels la loi prévoit que l’exécution provisoire est facultative.
En ce sens, le Code de Procédure civile prévoit des exceptions judiciaires à ce principe :
Article 514-1 du Code de procédure civile : le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire ;
Article 514-3 du Code de procédure civile : en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entrainer des conséquences manifestement excessives.
Pour les avocats, l’enjeu ne sera donc plus de plaider l’exécution provisoire, mais au contraire de solliciter et de justifier la suspension de l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Il existe également des exceptions légales, l’exception provisoire de droit n’est pas applicable aux :
Décisions en matière de nationalité ;
Rectification et annulation judiciaire des actes d’état civil ;
Déclaration d’absence, de prénom, de modification de la mention du sexe dans les actes d’état civil ;
Déclaration d’absence, de filiation, d’adoption ;
Décisions du juge aux affaires familiales en matière de divorce, de séparation de corps, de liquidation des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un PACS ou entre concubins ;
Décisions rendues en matière de sécurité sociale.
IV. Le développement des modes amiables de résolution des litiges.
Tentative préalable obligatoire de résolution amiable du litige.
L’Article 750-1 du Code de Procédure civile pose une obligation préalable, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, de procéder à une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative lorsque la demande en justice tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5.000 euros.
Néanmoins, le texte prévoit quatre cas de dispense à l’obligation de tentative préalable de résolution amiable du litige :
Si l’une des partie au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;
Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
En cas de motif légitime.
Le décret réformant la procédure civile précise la notion de motif légitime, le demandeur peut invoquer un tel motif dans plusieurs circonstances :
Une situation d’urgence manifeste ;
Les circonstances de l’espèce rendent impossible une tentative de résolution amiable ;
La décision sollicitée doit être prise au terme d’une procédure non contradictoire (ordonnance sur requête ou injonction de payer par exemple) ;
L’indisponibilité de conciliateurs de justice.
L’incitation par le juge de faire usage de la procédure participative.
La procédure participative permet aux parties de fixer une convention par laquelle elles s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige. Cette convention est conclue pour une durée déterminée (C. civ., art. 2062).
L’article 2064 du Code civil pose le principe selon lequel, toute personne, dès lors qu’elle est assistée de son avocat, peut conclure une convention participative sur les droits dont elle a la libre disposition.
L’Article 1544 du Code de procédure civile précise que la procédure participative a pour objet d’aboutir à un accord conjoint entre les parties, mettant un terme au différend qui les oppose.
Les parties, par l’intermédiaire de leurs avocats négocient en communiquant leurs pièces et écritures, dans le respect du contradictoire et du calendrier qu’elles ont préalablement et librement prévu.
Le décret réformant la procédure civile rend la procédure participative plus attractive, notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.
V. L’extension de la représentation obligatoire par avocat.
Le Nouvel Article 760 du Code de procédure civile pose le principe selon lequel les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire, la constitution de l’avocat emporte alors élection de domicile. En pratique, c’est ainsi l’avocat qui recevra l’intégralité des actes de procédure.
Néanmoins, l’Article 761 du même code pose une série d’exceptions, les parties sont dispensées de constituer avocat devant le tribunal judiciaire :
Dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
Dans les matières énumérées par les Articles R211-3-13 à R211-3-16, R211-3-18 à R211-3-21 et R211-3-23 et Code de l’organisation judiciaire ;
Lorsque la demande des parties porte sur un montant inférieur à 10.000 euros, elles ne sont pas tenues de constituer avocat.
En revanche, pour les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les parties sont tenues de constituer avocat, quel que soit le montant de leur demande.
Le décret consacre l’extension de la représentation obligatoire par un avocat devant certaines juridictions spécialisées.
Désormais, la représentation par avocat est obligatoire en matière de :
Contentieux sur la fixation des loyers commerciaux : modification apportée aux Articles R145-26, R145-27, R145-29 et R145-31 du Code de commerce ;
Contentieux familial pour la demande de révision de la prestation compensatoire et dans la procédure de retrait total ou partiel de l’autorité parentale : modification des Articles 1139, 1140 et 1203 du Code de procédure civile. En revanche, les demandes de délégation de l’autorité parentale restent exemptées de la représentation obligatoire ;
Contentieux de l’établissement de l’impôt : modification des Articles R202-2 et R202-4 du Livre des procédures fiscales ;
Procédures devant le JEX (Juge de l’Exécution), exception faite des demandes relatives à l’expulsion ou lorsque la demande concerne une créance d’un montant inférieur à 10.000 euros.
Procédure devant le tribunal de commerce, pour les litiges portant sur une demande d’un montant supérieur à 10.000 euros et pour les référés : modification de l’article 853 du Code de procédure civile.
Sont donc exclus de représentation obligatoire par avocat devant les juridictions spécialisées :
La saisie des rémunérations ;
Les procédures inférieures d’un montant inférieur à 10.000 euros pour les litiges relatifs à la tenue du RCS ;
Les procédures sur requête en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession : nouvelle rédaction de l’Article 874 du Code de procédure civile ;
Les procédures relevant du juge des contentieux de la protection.
En outre, le nouvel Article 817 du Code de procédure civile prévoit que lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat, la procédure est orale, sauf dispositions contraires.
VI. L’extension des pouvoirs du juge de la mise en état.
La modification majeure du décret réformant la procédure civile est celle prévue à l’Article 789 du Code de procédure civile, donnant la compétence au juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir.
Désormais, le juge de la mise en état peut éviter qu’une instance se prolonge inutilement alors qu’elle fait l’objet d’une irrecevabilité.
Le décret prévoit l’hypothèse dans laquelle une fin de non-recevoir nécessiterait de s’interroger sur le fond du litige. Dans ce cas, une procédure particulière donne au juge de la mise en état la possibilité de statuer à la fois sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir. Le principe de l’autorité de la chose jugée s’imposera alors à la question de fond tranchée par le juge de la mise en état, la formation de jugement sera alors dans l’impossibilité de revenir sur ce point.
En revanche, pour les litiges qui ne relèvent pas du juge unique, une partie peut s’opposer à cette procédure particulière. Ainsi, par exception, le juge de la mise en état renverra l’affaire devant la formation de jugement qui statuera sur la question de fond et sur la fin de non recevoir, sans clore l’instance.
Discussion en cours :
Merci pour ce condensé très instructif et très clair.
Ce décret et celui du 20 décembre 2019, recèlent d’innombrables pièges, plus ou moins visibles....
Arnaud GUYONNET
Avocat Spécialiste en procédure d’appel