La décision-cadre, rendue publique [1], du Défenseur des droits s’impose à tous [2] les employeurs de droit public ou privé. Cette décision qui se veut pédagogique revêt donc une grande importance [3]. Pragmatique, elle est rédigée de façon explicative, comportant 49 recommandations précises, certaines écrites au conditionnel, d’autres rédigées sous forme impérative.
En tant que praticienne, j’appelais de tous mes vœux une intervention qui rappelle aux employeurs leurs obligations en matière de prévention dans ce domaine et mette de l’ordre dans le traitement des enquêtes. Cette décision remplit cet office et sonne le glas des pseudo-enquêtes aux effets désastreux, réalisées sans compétences, méthodologie, déontologie, à coup de questionnaires préformatés, de « ressentis » et sans formation juridique…
Désormais, en dehors des initiatives telles que par exemple : le Vade-mecum du CNB [4] ou la charte de l’ANAES [5], il existe enfin un cadre général sur lequel les professionnels et les enquêteurs internes vont pouvoir s’appuyer, la Loi n’étant pas suffisante pour nous éclairer.
La décision du Défenseur des droits rappelle de façon claire, les mesures de prévention qui s’imposent à l’employeur, par exemple :
La nécessité d’adopter et de mettre en œuvre une procédure de recueil et de traitement des alertes, par des personnes formées [6] (avec une adaptation possible, pour les petites entreprises) et de communiquer régulièrement auprès de salariés pour rendre la procédure le plus effective possible.
Prendre des dispositions y compris disciplinaires pour contraindre les managers à remonter auprès de la direction les signalements, quelle qu’en soit la forme, dont ils ont connaissance.
Mettre en place un véritable plan anti-discrimination au travail.
La décision du Défenseur des droits rappelle par ailleurs de façon claire, les mesures qui s’imposent à l’employeur en cas de révélation de faits de harcèlement, de discrimination. Par exemple, dès lors que l’employeur ne dispose pas des éléments suffisants lui permettant d’être éclairé sur la situation, une enquête interne d’ordre civil [7] devra être réalisée avec célérité (externalisée ou non). Il conviendra d’adopter des mesures conservatoires de protection non discriminantes pour la victime présumée ou la personne à l’origine des révélations, ainsi que les témoins [8]. La personne visée par les faits devra faire également l’objet d’une attention particulière.
Le Défenseur des droits définit l’objet de l’enquête :
« L’enquête interne vise à déterminer si la discrimination est constituée au sens civil et répréhensible au regard du règlement intérieur de l’entreprise, du code du travail, du statut de la fonction publique et des règles déontologiques (…) Elle permet de recueillir de façon sécurisée la parole des victimes et témoins et de les protéger d’éventuelles représailles, de matérialiser les faits, de décourager leur réitération, de respecter la présomption d’innocence, de justifier la sanction ou l’absence de sanction décidée contre la personne mise en cause et de remplir l’obligation de sécurité prévue pour l’employeur privé et public ».
Véritable Vade-mecum, la décision du Défenseur des droits donne la recette d’une enquête fiable et impartiale, rappelant également le rôle joué par les représentants du personnel, référents, médecin du travail, administration du travail… L’enquête devra être externalisée lorsqu’elle met en cause la direction ou des personnes chargées habituellement de l’enquête.
Le Défenseur des droits met en avant l’importance de l’approche pluridisciplinaire des enquêteurs. Et de préciser que l’enquêteur devrait être formé aux techniques d’audition et de recueil de la parole, tout en soulignant l’importance de la compétence juridique. Je ne peux que m’en féliciter, tant la pratique des enquêtes m’a enseigné que les connaissances et la rigueur du droit ont tout à gagner de la pluridisciplinarité, pendant l’enquête et pour son efficacité.
Le déroulement de l’enquête est décrit point par point, passant en revue les droits de la défense, mis en balance avec la protection des témoins, jusqu’à la qualification des faits, la restitution de l’enquête et les suites que devra donner l’employeur.
Enfin, le Défenseur des droits martèle qu’il n’est plus question de considérer que la personne qui dénonce des faits de harcèlement ou de discrimination pour elle-même peut se considérer comme lanceur d’alerte, ce qui a nécessairement une influence sur l’enquête.
Cette décision-cadre est un modèle à suivre pour sécuriser les enquêtes en droit social, de façon plus générale qu’en matière de discrimination et de harcèlement sexuel. Merci Madame la Défenseure des Droits !