Résiliation judiciaire pour non respect du forfait jours.

Par Aurélie Arnaud, Avocat.

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Explorer : # forfait jours # résiliation judiciaire # charge de travail # discrimination

Le non respect des règles relatives au suivi de la charge de travail d’un salarié au forfait jours peut entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail.

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Quelles sont les règles du Code du travail en matière de forfait jours ? Rappel.

Avec le forfait jours, la durée du travail du cadre n’est pas comptabilisée en heures, mais en nombre de jours travaillés dans l’année.

ll est de la nature même du forfait annuel en jours de ne comporter aucune référence horaire. Les salariés sont tenus de travailler un certain nombre de jours dans l’année (maximum légal de 218 jours travaillés par an).

L’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail [1].

L’accord collectif autorisant la mise en place de forfaits en jours doit fixer les modalités selon lesquelles [2] :
- l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
- l’employeur et le salarié échangent périodiquement sur la charge de travail du salarié, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sa rémunération, ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
- le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

Ce point a notamment été rappelé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 mars 2021 (n°19-17672).

La décision de la Cour d’Appel de Paris.

Par un arrêt du 13 janvier 2022 (RG 19/02490) devenu définitif, la Cour d’Appel de Paris a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail d’une Directrice d’Association en raison notamment de l’absence de contrôle du forfait jours de la salariée et de l’absence de tenue d’entretiens annuels sur la charge de travail.

La Cour rappelle en effet que

« le contrôle du temps de travail ressort de la responsabilité de l’employeur, que le courrier de celui-ci communiqué par Mme X établit la connaissance qu’avait la hiérarchie de Mme X du travail fourni par celle-ci, que l’employeur ne produit aucun élément de nature à établir la réalité des jours de travail de sa salariée et ne justifie pas davantage de la tenue des entretiens annuels sur la charge de travail.

La Cour retient de ce qui précède que les faits sont établis et que Mme X a travaillé au-delà de son forfait annuel de 2012 à 2015 comme elle le prétend au vu et au su de l’employeur qui ne lui a de surcroît jamais accordé d’entretien spécifique ».

La Cour a également retenu que la salariée, compte tenu de sa charge de travail, avait continué à travailler pendant ses arrêts de travail.

Elle n’avait en outre pas perçu sa prime annuelle en 2016 au motif qu’elle avait été absente une partie de l’année. La Cour retient que Mme X avait travaillé pendant une partie de l’année 2016, jusqu’en juin 2016, de sorte que l’employeur ne peut valablement invoquer la suspension du contrat de travail pour justifier l’absence de versement de la prime au moins partiellement, tout comme pour la prime exceptionnelle versée en 2017 à tous les salariés, sauf Mme X.

La Cour juge que ce fait est constitutif de discrimination du fait de l’état de santé, ce qui doit emporter les effets d’un licenciement nul du fait de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

La Cour a ainsi condamné l’Association à verser à son ancienne salariée qui disposait de 7 ans d’ancienneté les sommes suivantes :
- 6.000 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté pour l’année 2016 outre 600 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
- 700 euros à titre de rappel de prime exceptionnelle de septembre 2017 outre 70 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
- 12.294,44 euros brut au titre du solde du compte épargne temps,
- 53.106 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 5 310,60 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 55.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
- 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Aurélie Arnaud
Avocat à la Cour
www.2a-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Article L3121-60 du Code du travail.

[2Article L3121-64.

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