La restitution du dépôt de garantie incombe toujours au dernier bailleur.

Par Dimitri Seddiki.

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Explorer : # dépôt de garantie # bailleur cessionnaire # restitution # transfert de créances

Par un arrêt du 26 mai 2014, la Cour de cassation étend à l’ensemble des baux une solution jusque là uniquement établie pour les baux d’habitation soumis à la loi du 6 juillet 1989.

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Note : cet arrêt a été proposé dans le cadre de l’examen d’entrée 2014 du CRFPA de Lille.

Depuis une loi de 2009, il est établi que c’est au cessionnaire du bail réglementé par la loi du 06 juillet 1989 de restituer le dépôt de garantie au terme du bail.

Avec cet arrêt du 26 mars 2014, la Cour de cassation aligne l’ensemble des baux sur cette solution légale.

En l’espèce une commune avait racheté à une SCI un immeuble donné à bail à une association.
Soutenant que l’acte de vente ne contenait aucune stipulation particulière quant au sort du dépôt de garantie versé par l’association lors de son entrée dans les lieux, la commune avait assigné l’association pour obtenir paiement d’un nouveau dépôt de garantie.

Déboutée de ses demandes par une Cour d’appel, la commune va former un pourvoi en cassation en reprochant d’abord aux juges du fond d’avoir considéré – à tort – que le dépôt de garantie avait été transféré à la commune par l’acte de vente de l’immeuble et ensuite de ne pas avoir répondu à l’argument selon lequel dès lors que le bailleur originaire demeure tenu de rembourser le dépôt de garantie au locataire, qui n’est pas transmis de plein droit au nouvel acquéreur, le dépôt de garantie litigieux constituerait une créance détenue par l’association sur le bailleur originaire, en redressement puis liquidation judiciaire, laquelle se trouvait éteinte faute d’avoir été déclarée au passif de la bailleresse, de sorte qu’elle n’avait pu lui être transférée.

Toute la question était alors de savoir si le cessionnaire était en droit d’exiger du locataire le nouveau versement d’un dépôt de garantie.

Une question de transfert de créances...

Les thèses en concurrence.

Toute la difficulté de l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt ici commenté consiste dans la détermination des éléments relatifs au dépôt de garantie ayant été ou non transférés au bailleur cessionnaire par l’effet du contrat de vente de l’immeuble ayant emporté cession du bail.

Deux conceptions opposées s’affrontaient.

Pour le bailleur cessionnaire, le fait que le bailleur originaire ne lui ait pas transféré la somme d’argent qu’il avait lui-même reçu au titre dépôt de garantie avait pour conséquence pratique la survie de l’obligation du locataire de verser cette somme.

En d’autres termes, pour le bailleur cessionnaire, en l’absence de clause contraire, c’est sur le locataire que pesait la charge de réclamer les sommes qu’il avait versées au bailleur originaire – qui n’avait plus aucune raison de les conserver – après avoir payé une seconde fois sa dette, mais auprès du bailleur cessionnaire cette fois.

Pour la Cour d’appel au contraire, le cessionnaire ne pouvant avoir plus de droits que son auteur, il ne pouvait tout simplement pas réclamer au locataire un second paiement.

Cette fois donc, c’est le bailleur cessionnaire qui devait se charger de la mission – particulièrement périlleuse – de réclamer l’équivalent du dépôt de garantie en déclarant sa créance au passif de la liquidation judiciaire du vendeur.

Les errements du demandeur au pourvoi

Au soutien de l’idée que le dépôt de garantie n’avait jamais été transféré, la commune avançait deux arguments.

En premier lieu, la commune faisait valoir que, sauf stipulation contraire prévue par l’acte de vente, les sommes versées au locataire cédant n’avaient pas été transférées à l’acquéreur.
En conséquence, elle serait en droit d’exiger du locataire le versement d’un nouveau dépôt de garantie.

Cette position est maladroite en ce qu’elle entendait faire peser sur le locataire les conséquences du manque de diligence du cessionnaire qui a négligé d’inclure au contrat de vente une clause imposant au cédant de lui verser une somme équivalente à celle que ce dernier avait obtenu du locataire au titre de son obligation de verser un dépôt de garantie.

En second lieu, la commune déduisait l’absence de transfert du principe selon lequel « le bailleur originaire demeure tenu de rembourser le dépôt de garantie au locataire, qui n’est pas transmis de plein droit au nouvel acquéreur  ».

Cet argument était encore une fois fragile. En effet ce principe est issu d’une décision de la troisième Chambre civile du 25 février 2004 [1]. Or cette décision avait été rendue au visa de la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation dans sa rédaction antérieure à la loi du 25 mars 2009 qui, à l’époque, ne prévoyait pas encore que « En cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. »

Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation va s’intéresser au transfert des clauses du bail relatives au dépôt de garantie plutôt qu’à celui de la somme d’argent le matérialisant.

.... ou plutôt d’extinction.

L’extinction de l’obligation du locataire, l’affirmation de celle du bailleur cessionnaire.

Certes, la demanderesse au pourvoi est peut-être dans le vrai lorsqu’elle affirme que le cédant ne lui a pas « transféré le dépôt de garantie ».

Toutefois, comme le souligne implicitement la Cour, si aucun transfert d’argent n’a eu lieu entre les parties à la vente, les clauses du bail relatives au dépôt de garantie ont, elles, été parfaitement transférées.

En somme le bailleur cessionnaire s’est vu transférer l’obligation de restituer le dépôt de garantie au terme du bail mais n’a pas bénéficié du transfert de la somme d’argent en constituant l’assiette.

Cet état de fait est déduit de la formule selon laquelle la commune s’est trouvée « substituée au bailleur initial pour l’intégralité des clauses du contrat de bail et de ses accessoires, ne pouvait disposer de plus de droits que son vendeur »

Or un dépôt de garantie fait naître deux dettes réciproques : le locataire est tenu de verser la somme prévu au contrat tandis que le bailleur s’oblige lui à restituer cette somme à la fin du bail, déduction faite des éventuelles sommes lui restant dues.

En l’espèce il n’était pas contesté que le locataire avait régulièrement payé ladite somme, sa dette était donc éteinte.

En conséquence, non seulement le bailleur cessionnaire ne pouvait exiger un second paiement mais, de surcroît, il pourra régulièrement se voir contraint à la fin du bail, par le locataire, à lui restituer les sommes pourtant versées au bailleur cédant.

La conséquence pratique : la liquidation judiciaire du vendeur, fardeau du bailleur cessionnaire.

Ainsi, la Cour a implicitement jugé que le locataire s’était valablement libéré de sa dette entre les mains du bailleur originaire tandis que le bailleur cessionnaire se trouve – du fait de la vente – débiteur de l’obligation de rendre le dépôt de garantie au terme du bail.

En conséquence, il appartenait au bailleur cessionnaire de déclarer sa créance au passif de la procédure collective du bailleur originaire dans le délai de deux mois dès publication du jugement au BODACC.

En l’espèce, cette formalité n’ayant pas été satisfaite, le bailleur cessionnaire se contraint de payer – de sa poche – au locataire une somme équivalente au dépôt de garantie qu’il n’a pourtant jamais perçu, et ce sans pouvoir espérer être dédommagé par le bailleur cessionnaire.

Dimitri Seddiki

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[1n° 02-16.589

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