Le rôle d'un délégué juridique de syndicat professionnel est équivalent à celui de directeur juridique.

Le rôle d’un délégué juridique de syndicat professionnel est équivalent à celui de directeur juridique.

Propos recueillis par Laurine Tavitian

Interview de Mathieu Coulaud, Délégué juridique chez Syntec Numérique.

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Quel est le rôle du délégué juridique au sein d’un syndicat professionnel patronal comme Syntec Numérique ?

Le rôle du délégué est d’abord celui d’un expert. Syntec Numérique est organisé autour de pôles d’expertise, dont le mien, le pôle JEFF qui regroupe plusieurs matières (Juridique, Economique, Fiscal, Finance). Mon rôle est équivalent à celui de directeur juridique dans une entreprise (nous en représentons d’ailleurs 1500). J’ai à ce titre un rôle interne et un rôle externe.

Quel est votre rôle interne ?

Le rôle interne du délégué juridique est un rôle de juriste d’affaires c’est-à-dire le suivi des négociations de contrats avec nos prestataires, la préparation des conseils d’administration et des réunions statutaires. Ces dernières sont fondamentales car la gouvernance d’un syndicat, organe collectif, vient des statuts et du règlement intérieur.

J’ai un rôle d’animateur de la commission juridique qui comprend entre 45 et 50 entreprises, 70 directeurs ou responsables juridiques de tous les horizons du droit en termes de spécialité, de tous les âges. Ils ont d’ailleurs des métiers différents car Syntec Numérique regroupe 3 métiers : les entreprises de service du numérique (ex SSII), les éditeurs de logiciel et les sociétés de conseil en technologie. La commission se réunit mensuellement et j’ai des échanges quotidiens avec ses membres sur des points d’actualité juridique et réglementaire.
Nous rédigeons aussi des livrables en commun, comme un contrat d’intégration rédigé avec une vingtaine de juristes il y a un an. C’est important car c’est un rôle de cohésion et d’influence vers la profession : beaucoup d’entreprises n’ayant pas de juriste en interne reprennent ce contrat. La commission émet aussi des livres blancs ou des position papers.
Nous organisons 10 matinées juridiques par an où nous formons et informons environ 400 personnes au total. A cette occasion, nous faisons intervenir des cabinets d’avocats qui viennent donner leur expertise sur un sujet et répondre à des questions pratiques.
Nous publions également une lettre juridique et fiscale pour nos adhérents qui veulent s’informer. C’est une sorte de premier degré de veille juridique pour eux.

Conseillez-vous les adhérents de Syntec Numérique ?

Nous avons un rôle de conseil aux adhérents, très important en droit social. Pour mon pôle, il va s’agir de droit des contrats (rédaction de clauses), de droit des données personnelles et de la propriété intellectuelle avec un peu de droit des affaires. Nous aidons également nos adhérents sur la gestion de précontentieux. Nous avons ainsi un vrai rôle de conseil sur le moment où les entreprises doivent saisir un avocat ou au contraire privilégier la médiation. A ce titre, nous sommes signataires de la Charte de la médiation interentreprises du Ministère de l’économie et adhérents au CMAP (centre de médiation et d’arbitrage de Paris).
Si la médiation échoue, nous orientons nos membres vers des cabinets d’avocats « partenaires ». Ce n’est pas un référencement, mais ce sont des cabinets avec lesquels nous avons travaillé, qui ont une qualité de conseil et des prix adaptés aux structures qu’ils ont en face d’eux.

Quel est votre rôle externe ?

J’ai un rôle de représentation de la profession. Nous sommes consultés fréquemment par les administrations centrales sur des sujets qui vont du crédit impôt recherche aux grands projets informatiques de l’Etat. Nous intervenons aussi auprès des institutions (telles que la CNIL, la DISIC) pour représenter nos membres. Nous sommes membres du MEDEF et je suis membre du comité droit du numérique au MEDEF.

Nous avons par ailleurs le rôle de défendre des positions et donc de rendre des position paper, des notes et synthèses sur des sujets extrêmement variés. Cela peut être des réponses aux consultations de la Hadopi en droit d’auteur ou de la CNIL sur le droit à l’oubli, des notes sur la protection du droit des logiciels ou sur un arrêt de la CJUE par exemple.

Quelle est la particularité de votre activité de délégué juridique ?

Nous ne sommes ni client, ni fournisseur ; nous avons un rôle d’observatoire, d’arbitre et d’influenceur. La particularité d’un syndicat professionnel est d’assurer une qualité de service pour nos adhérents, tout en étant réceptacle des demandes des donneurs d’ordre, de ceux qui recourent au service de nos adhérents. Cela demande beaucoup d’adaptation parce qu’il faut s’adapter à des métiers différents : le conseil informatique d’une ESN n’a rien à voir avec un éditeur de logiciel qui protège son code source, qui n’a lui-même rien à voir avec un hébergeur d’offre cloud, une agence web ou un opérateur télécom.
Une autre particularité tient à notre rôle de porte-parole qui se traduit par des émissions sur Décideurs TV pour expliquer certains points d’actualité juridique.

En quoi les rôles au sein de votre équipe sont-ils complémentaires ?

Je travaille avec une économiste qui anime la commission « marché tendance », et avec une juriste fiscaliste qui anime les commissions « fiscale » et « finance ».
Nous sommes organisés par pôles, mais tous avec une grande autonomie car nous avons besoin d’être très présents sur le terrain auprès de nos adhérents, des administrations et des institutions. Pour autant, nous sommes synchronisés, c’est-à-dire que la production de ma juriste fiscaliste sur le CIR va me servir à Bercy pour expliquer notre position. Par ricochet, ma position sur le droit à l’oubli va lui servir quand elle sera en réunion dans un autre ministère. Il y a une imbrication qui se fait entre chaque département.
Par ailleurs, j’ai besoin des chiffres du marché et des orientations économiques parce que je me suis fixé comme challenge de donner aux juristes une vision plus quanti et prospective de leur métier, ce qu’ils ne peuvent pas avoir en entreprise parce qu’ils sont happés par le quotidien, par les négociations clients.

Quels sont les besoins juridiques des membres de votre syndicat ?

Tous les acteurs du marché, quelle que soit leur taille, sont à Syntec Numérique (80% de TPE, PME, ETI et 20% de grands comptes). Ils ont principalement des besoins d’échange de bonnes pratiques ou de conseils contractuels (par exemple sur les nouveaux types de contrats : contrat SaaS, contrat d’hébergement…).
Nous nous devons d’avoir un rôle de premier degré d’analyse du droit, c’est-à-dire d’explication à des non juristes à qui il faut lui expliquer du vocabulaire, des notions, des procédures…Tous ces besoins sont comblés par la formation et la documentation réalisée par Syntec Numérique qui se trouve sur le site Internet. On croise le site, les matinées, les réunions de commission et les conseils que je donne directement pour délivrer l’information aux adhérents.

L’inflation réglementaire a-t-elle un impact sur votre travail ?

J’ai la chance d’être au contact des ministères et des parlementaires, donc je leur explique en permanence que la qualité du droit est fondamentale pour la compétitivité française et la zone européenne. Il y a trop de lois aujourd’hui qui sont politiques et pas techniques, qui sont bavardes et non courtes ou souples. Nous leur demandons d’éviter d’en rajouter. En ce sens, le travail de simplification du droit mené par le Gouvernement constitue une bonne orientation.
Par ailleurs, nous prônons l’autorégulation des secteurs, le recours au droit souple pour fluidifer le secteur avant tout recours aux régulateurs ou à la loi.
Il faut souligner aussi l’influence de plus en plus importante de la juriprudence de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) (ex : arrêt Usedsoft en 2012, arrêt Google sur le droit à l’oubli en mai 2014…). Elle donne des grands principes qui vont parfois au-delà du droit européen, et par définition des lois nationales, sans étude d’impact. Cela rajoute un paramètre qui était moins fort auparavant et peut être source de difficultés.

Comment y faites-vous face ?

Pour faire face à cette inflation, nous dialoguons avec les ministères et les parlementaires. Mais nous n’avons pas assez de dialogues avec les magistrats. J’aimerais qu’on puisse mettre en place des dialogues entre organisations professionnelles et les magistrats de l’ordre judiciaire et administratif et européens pour leur expliquer les métiers de nos adhérents et des entreprises, mais aussi pour qu’ils nous expliquent leurs problématiques, leurs orientations. Un des obstacles est le principe de l’indépendance de la justice. Cependant je pense que les magistrats sont assez demandeurs d’informations venant du terrain.

Propos recueillis par Laurine Tavitian

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