I. Quelques rappels de droit commun sur la clause de non-concurrence.
A. Définition de la clause de non-concurrence.
La clause de non-concurrence est une disposition contractuelle qui interdit à un ancien salarié, pendant une certaine durée et sur une zone géographique déterminée, d’exercer une activité professionnelle concurrente de celle de son ancien employeur.
Elle ne figure pas explicitement dans le Code du travail, mais elle est reconnue par la jurisprudence, notamment sur le fondement des articles 1103 et 1193 du Code civil [1].
Elle concerne le plus souvent les contrats à durée indéterminée (CDI), mais peut également s’appliquer :
à un contrat à durée déterminée (CDD) [2] ;
à un contrat d’apprentissage [3].
B. Conditions de validité de la clause de non-concurrence.
Selon la Cour de cassation, une clause de non-concurrence n’est valable que si elle respecte cinq conditions cumulatives :
être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
être limitée dans le temps ;
être limitée dans l’espace ;
tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
prévoir une contrepartie financière en faveur du salarié [4].
Si l’une de ces conditions fait défaut, le salarié seul (et non l’employeur) peut demander l’annulation de la clause [5].
C. La contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Le montant de la contrepartie financière est librement fixé par les parties.
Il doit cependant être proportionné aux contraintes imposées au salarié, sous peine de voir la clause annulée par le juge [6].
Dans la pratique, cette contrepartie est souvent calculée en pourcentage du salaire brut antérieur [7].
Les taux les plus fréquents tournent autour de 30 à 40 % du salaire brut moyen.
À noter : la contrepartie financière a la nature d’un salaire. Elle doit donc être versée en brut et ouvre droit à des congés payés [8].
Elle est soumise à l’impôt sur le revenu [9].
Le délai de prescription pour en réclamer le paiement est de trois ans [10].
II. Les règles particulières du droit local de la clause de non-concurrence.
A. Les textes sur la clause de non-concurrence.
L’article 74 du Code de commerce local dispose que :
« Toute convention conclue entre un patron et un commis qui apporte des restrictions à l’activité professionnelle de celui-ci (défense de concurrence), pour le temps postérieur à la cessation du louage de services, doit être constatée par écrit et un acte en contenant les clauses et signé du patron doit être délivré au commis.
La convention prohibitive de la concurrence n’est obligatoire qu’autant que le patron s’oblige à payer pour la durée de la prohibition une indemnité annuelle de la moitié au moins des rémunérations dues en dernier lieu au commis en vertu du contrat de louage de service ».
L’article 75a du Code de commerce local dispose que :
« Le patron peut, avant la fin du contrat de louage de services, renoncer à la convention prohibitive de concurrence par une déclaration écrite ; il est alors libéré de l’obligation de payer une indemnité après l’expiration d’une année depuis la date de cette déclaration ».
B. Un dispositif réservé aux commis commerciaux.
Avant toute chose, il est essentiel de préciser que les règles particulières en matière de clause de non-concurrence issues du droit local ne s’appliquent qu’aux commis commerciaux.
La question est donc de savoir ce qu’est un commis commercial.
Selon la Cour de cassation, le commis commercial est :
« Celui qui est employé par un commerçant pour fournir des services commerciaux moyennant rétribution » [11].
En d’autres mots, un commis commercial est un salarié qui exerce une fonction commerciale en relation avec la clientèle et qui possède un degré d’autonomie et de responsabilité limité dans l’exercice de ses fonctions.
La jurisprudence identifie quatre critères cumulatifs pour reconnaître la qualité de commis commercial :
une activité commerciale exercée en lien avec la clientèle,
des fonctions à dominante intellectuelle,
la justification d’une formation,
et une absence d’indépendance dans l’exercice de ces fonctions.
Sont notamment considérés comme commis commerciaux :
un salarié d’agence de voyage (CA Colmar, 11 janv. 2011, n° 11/0019) ;
un chef d’agence (Cass. soc., 10 oct. 1995, n° 92-41.069) ;
un préparateur de commandes (Cass. soc., 12 déc. 1995, n° 92-44.955).
C. Les spécificités de la clause de non-concurrence en droit local.
Spécificité 1 : Une contrepartie financière obligatoire de 50% du salaire.
L’article 74 a du Code de commerce local impose que toute clause de non-concurrence contienne une contrepartie financière au moins égale à 50 % des rémunérations versées au salarié avant son départ, calculée annuellement.
Si la clause prévoit un montant inférieur, le salarié peut obtenir des dommages et intérêts (CA Colmar, 31 mai 2022, n° 21/01281).
Spécificité 2 : La clause s’applique pendant un an, même si l’employeur y renonce.
Selon l’article 75 a du Code de commerce local, l’employeur reste tenu de verser la contrepartie financière pendant un an, même s’il renonce à la clause.
Autrement dit, la clause continue de produire ses effets pendant un an à compter de la renonciation, et ce même si le salarié est libéré (CA Colmar, 11 janv. 2011, n° 11/0019).
Spécificité 3 : Un plafonnement en cas de reprise d’activité.
D’après l’article 74 c du Code de commerce local, lorsque le salarié retrouve un emploi, le cumul entre ses nouveaux revenus et l’indemnité de non-concurrence ne peut excéder 110 % de son ancien salaire. Ce plafond est porté à 125 % en cas de déménagement justifié par le respect de la clause.
Ce mécanisme vise à éviter un enrichissement excessif, tout en conservant une juste compensation.
Cependant, il est contesté en jurisprudence : plusieurs décisions ont écarté cette règle au motif qu’un salarié ne peut être privé d’une contrepartie effective, même en cas de reprise d’emploi.
Spécificité 4 : Possibilité pour le salarié de se délier en cas de licenciement économique.
L’article 75 alinéa 2 du Code de commerce local prévoit qu’en cas de licenciement pour motif économique, le salarié peut décider de ne pas être lié par la clause, à condition d’en informer son employeur dans le mois suivant la notification du licenciement.
L’employeur peut toutefois empêcher cette renonciation en proposant, dès le licenciement, de lui verser une contrepartie équivalente à 100 % de sa dernière rémunération pendant toute la durée d’interdiction.
D. Un sujet vaste et source de contentieux.
Le droit local applicable à la clause de non-concurrence constitue un ensemble de règles à la fois spécifiques, techniques et parfois méconnues.
Cet article se limite à en présenter les principes essentiels.
Dans la pratique, les situations varient fortement selon la rédaction des clauses, les circonstances de la rupture du contrat ou encore la qualification exacte du salarié.
Ce sont autant de paramètres qui donnent lieu à un contentieux abondant et parfois complexe tant devant les conseils de prud’hommes que les cours d’appel.
Il est donc essentiel de bien appréhender l’ensemble du dispositif local, dont l’interprétation peut nécessiter une lecture fine des textes… et de la jurisprudence.