I- Comment définir la séparation de corps ?
Il s’agit d’une procédure de séparation usitée par les époux qui, pour des raisons soit religieuses soit personnelles (psychologiques), refusent de recourir à la procédure de divorce ayant pour effet de dissoudre leur mariage.
Attention ! Il ne faut pas confondre séparation de corps et séparation de fait :
- la première résulte d’un jugement ou d’une convention de séparation de corps par consentement mutuel par acte d’avocat enregistrée chez un notaire ;
- la seconde est la situation de deux époux ayant fait le choix de ne plus vivre ensemble ; elle n’engendre aucun effet juridique.
II- Quels sont les types de séparation de corps ?
À l’instar du divorce, il est possible pour les époux d’engager une procédure de :
- séparation de corps par consentement mutuel ;
- séparation de corps acceptée ;
- séparation de corps pour altération du lien conjugal ;
- séparation de corps pour faute.
III- Qu’est-ce que la séparation de corps par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats ?
La procédure de séparation de corps par consentement mutuel est calquée sur celle de la procédure de divorce par consentement mutuel.
D’abord, chaque avocat adresse à son client le projet de convention de séparation de corps, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Chaque époux dispose alors d’un délai de réflexion de 15 jours à compter de la réception dudit projet.
Les époux ne peuvent aucunement s’engager au cours de ce délai.
A défaut, la convention est nulle.
Ensuite, la convention est signée par les époux et leurs avocats en 3 exemplaires.
Chaque époux conserve un original de la convention et des annexes.
Enfin, la convention et ses annexes sont transmises au notaire, à la requête des parties, par l’avocat le plus diligent, aux fins de dépôt au rang des minutes dudit notaire, dans un délai de 7 jours suivant la date de la signature de la convention.
Le dépôt de la convention intervient dans un délai de 15 jours suivant la date de la réception de la convention par le notaire.
Le notaire conserve le 3ème original de la convention.
Le notaire vérifie la présence dans la convention des mentions prescrites à peine de nullité, la présence des annexes nécessaires ainsi que le respect du délai de réflexion par les époux.
Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire confère date certaine et force exécutoire à la convention.
Attention ! En présence d’un enfant, celui-ci doit être informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge aux affaires familiales.
Si ce dernier sollicite son audition par le juge aux affaires familiales, la convention sera soumise à l’approbation du magistrat.
IV- Comment engager une procédure judiciaire de séparation de corps ?
La procédure de séparation de corps est ici calquée sur celle du divorce.
La procédure est engagée par la délivrance d’une assignation rédigée par l’avocat de l’un époux.
La représentation des époux par un avocat est obligatoire.
Le juge compétent est le juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire.
Sa compétence territoriale est déterminée aux dispositions de l’article 1070 du Code de procédure civile.
Le Code civil prévoit des passerelles entre la séparation de corps et le divorce :
- l’époux contre lequel est présentée une demande en divorce peut former une demande reconventionnelle en séparation de corps.
Toutefois, lorsque la demande principale en divorce est fondée sur l’altération définitive du lien conjugal, la demande reconventionnelle ne peut tendre qu’au divorce.
- l’époux contre lequel est présentée une demande en séparation de corps peut former une demande reconventionnelle en divorce.
- lorsqu’une demande en divorce et une demande en séparation de corps sont concurremment présentées, le juge aux affaires familiales examine en premier lieu la demande en divorce.
Il prononce le divorce dès lors que les conditions en sont réunies.
À défaut, il statue sur la demande en séparation de corps.
Toutefois, lorsque les demandes de séparation de corps et de divorce sont fondées sur la faute, le juge les examine simultanément et, s’il les accueille, prononce à l’égard des deux conjoints le divorce aux torts partagés.
V- Quels sont les effets de la séparation de corps ?
A- Les 3 séparations de corps contentieuses.
1ère étape (facultative) = L’audience d’orientation et mesures provisoires.
Lorsque l’un des époux ou les deux époux entendent formuler des demandes de mesures provisoires, le juge aux affaires familiales statue sur celles qui lui sont présentées lors de l’audience d’orientation et mesures provisoires (AOMP).
S’agissant des époux, le juge aux affaires familiales peut notamment :
- 1° Proposer aux époux une mesure de médiation, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;
- 2° Enjoindre aux époux, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation ;
- 3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;
- 4° Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation ;
- 5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;
- 6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;
- 7° Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;
- 8° Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;
- 9° Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;
- 10° Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager.
S’agissant des enfants, le juge aux affaires familiales fixe les modalités d’exercice de l’autorité parentale à l’égard des enfants lesquelles s’appliqueront jusqu’au prononcé du jugement définitif de séparation de corps :
- la mise en place d’une résidence alternée ou chez l’un des parents ;
- la mise en place d’un droit de visite et d’hébergement ;
- la fixation d’une contribution à l’entretien et à l’éducation (= pension alimentaire) ;
- le prononcé d’une interdiction de sortie du territoire sans l’accord des deux parents, etc.
2ème étape = Le jugement définitif.
Les effets à l’égard des époux.
1- La séparation de corps met fin au seul devoir de cohabitation, de sorte que les époux ne sont plus tenus à une résidence commune.
Cependant, les devoirs de fidélité, de secours et d’assistance subsistent entre eux.
Il est donc interdit aux époux de se remarier ou de se PACSer.
2- La séparation de corps prend effet entre les époux le jour où le jugement est passé en force de chose jugée.
La décision n’est opposable aux tiers qu’à compter du jour où les formalités de mention à l’état civil ont été effectuées par les parties.
Toutefois et comme en matière de divorce, la date d’effet peut être reportée à la demande des époux à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.
3- La séparation de corps peut donner lieu au versement d’une pension alimentaire au titre du devoir de secours par un époux à l’autre se trouvant dans le besoin.
Lorsque la consistance des biens de l’époux débiteur s’y prête, la pension alimentaire est remplacée, en tout ou partie, par la constitution d’un capital.
4- Chacun des époux séparés conserve l’usage du nom de l’autre.
Toutefois, le jugement de séparation de corps ou un jugement postérieur peut leur interdire cet usage compte tenu des intérêts respectifs des époux.
5- En cas de décès de l’un des époux séparés de corps, l’époux survivant conserve ses droits à la succession prévus par la loi.
6- La séparation de corps entraîne toujours séparation des biens.
Les époux mariés sous un régime de communauté doivent procéder à la liquidation de leur régime matrimonial devant un notaire.
La date d’effet de la séparation de corps sur les biens des époux est fixée à la date de la demande en séparation de corps ou à la date de la cessation de cohabitation et de collaboration.
7- La séparation de corps met fin à l’imposition commune et à la solidarité fiscale des époux.
8- Le juge aux affaires familiales peut accorder des dommages-intérêts à l’époux victime d’un préjudice particulier :
- les préjudice réparables au titre de l’article 266 du Code civil correspondent aux préjudices matériel et moraux d’une particulière gravité, subis par un époux du fait du prononcé de la séparation de corps [1] ;
- l’époux qui subit des préjudices matériels et moraux annexes à la séparation de corps peut en demander réparation à l’autre époux sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Les effets à l’égard des enfants.
Lorsqu’une audience d’orientation et mesures provisoires a eu lieu, le juge aux affaires familiales peut confirmer ou modifier ou supprimer les modalités d’exercice de l’autorité parentale à l’égard des enfants précédemment prononcées.
En l’absence d’audience d’orientation et mesures provisoires, le juge aux affaires familiales fixe pour l’avenir les modalités d’exercice de l’autorité parentale à l’égard des enfants :
- la mise en place d’une résidence alternée ou chez l’un des parents ;
- la mise en place d’un droit de visite et d’hébergement ;
- la fixation d’une contribution à l’entretien et à l’éducation (= pension alimentaire) ;
- le prononcé d’une interdiction de sortie du territoire sans l’accord des deux parents, etc.
B- La séparation de corps par consentement mutuel.
Les effets sont quasiment identiques à ceci près que :
- la convention de séparation de corps par consentement mutuel peut prévoir une renonciation aux droits successoraux ;
- la convention de séparation de corps par consentement mutuel peut prévoir une pension alimentaire ;
- la date d’effet de la séparation de corps sur les biens des époux est fixée à la date de la signature de la liquidation du régime matrimonial.
VI- Comment mettre fin à la séparation de corps ?
La séparation de corps prend fin dans les trois cas suivants :
1) en cas de décès de l’un des époux ;
2) en cas de reprise volontaire de la vie commune des époux : pour être opposable aux tiers, cette reprise volontaire doit, soit être constatée par un acte notarié, soit faire l’objet d’une déclaration à l’officier d’état civil ;
3) en cas de conversion en divorce.
Il faut rappeler que la séparation de corps peut être prononcée ou constatée dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce.
Dès lors, la cause de la séparation de corps devient la cause du divorce dans le cadre de la conversion.
Le jugement de séparation de corps est converti de plein droit en jugement de divorce à la demande de l’un des époux quand la séparation de corps a duré 2 ans.
Dans le cas d’une conversion d’une séparation de corps pour faute en un divorce pour faute, l’attribution des torts n’est pas modifiée.
Dans tous les cas de séparation de corps, celle-ci peut être convertie en divorce par consentement mutuel.
Attention ! En cas de séparation de corps par consentement mutuel, la conversion en divorce ne peut intervenir que par consentement mutuel.
Le juge aux affaires familiales fixera alors les conséquences du divorce.
Les prestations et pensions entre époux seront déterminées selon les règles propres au divorce.