[Série] "Tout savoir sur la SAS" : la distribution de dividendes (partie 5).

Par Ludovic Landivaux, Avocat.

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Explorer : # dividendes # distribution des bénéfices # sas # actionnaires

Pour le cinquième volet de notre série « Tout savoir sur la SAS », nous nous penchons sur le but de toute société commerciale : distribuer des dividendes à ses actionnaires.
Nous présenterons donc les conditions et formes dans lesquelles l’assemblée générale de la SAS peut décider de l’affectation de son résultat et de l’attribution des dividendes aux actionnaires.
Nous préciserons aussi les règles de répartition de ces dividendes entre les actionnaires.

-

Si vous n’avez qu’une minute, voici le résumé de l’article :
- Le dividende correspond à la quote-part des bénéfices distribués à échéances régulières par une société à ses actionnaires. Il rémunère les actionnaires de leur investissement dans la société. Le dividende peut également provenir des réserves que la société a constitué au cours des exercices.
- La collectivité des actionnaires est compétente pour décider de l’affectation du résultat qui se traduit d’une manière générale par une mise en réserve et/ou une distribution de dividendes aux actionnaires.
- Ainsi, après approbation des comptes annuels et la constatation de l’existence d’un bénéfice distribuable, l’assemblée générale détermine la part distribuée à ses actionnaires sous forme de dividendes conforment à l’article L232-12 du Code de commerce ainsi que les modalités de règlement.
- L’article L228-11 du Code de commerce autorise les statuts à prévoir une répartition inégalitaire des dividendes à travers l’émission d’actions de préférence conférant ainsi un ou plusieurs droits particuliers aux actionnaires (droit à dividende renforcé).
- Les dividendes sont généralement versés en numéraire, mais peuvent parfois l’être en nature ou sous forme d’actions.

Mais, il peut être envisagé (très rarement en pratique) un règlement du dividende en nature ou en action.

L’article 1832 du Code civil précise que la société est créée : « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».

Cette vocation financière - et fondamentale - de la SAS se traduit ainsi pour l’actionnaire par un droit aux dividendes.

I. Les conditions relatives à la distribution des dividendes.

A titre liminaire, indiquons que seules les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés sont autorisées à distribuer des dividendes à leurs actionnaires ou associés.

En outre, cette distribution ne peut intervenir qu’après le paiement de cet impôt.

Ensuite, la distribution des dividendes est strictement encadrée par la loi.

Les dividendes représentent la part de bénéfices que la collectivité des associés, lors de sa réunion annuelle, décide de distribuer aux actionnaires (Article L232-12 du Code de commerce).

Deux conditions sont nécessaires :
- Une décision de distribution prise par décision collective (A)
- L’existence d’un bénéfice distribuable (B).

A. L’approbation préalable de la collectivité des associés.

a. Décision portant sur l’affectation du résultat.

En même temps qu’ils statuent sur les comptes sociaux, les actionnaires décident de l’affectation du résultat sur la base des propositions faites par les dirigeants.

Selon le principe de liberté d’affectation du résultat, ils peuvent ainsi décider soit la mise en réserve du résultat et / ou sa mise en distribution :

- La mise en réserve du résultat.

L’obligation de mettre en réserve une partie des résultats peut résulter soit de la loi, soit des statuts.

Dans les deux cas, les réserves ainsi constituées sont indisponibles et ne peuvent être distribuées aux actionnaires ou associés.

La loi n’impose la constitution d’une réserve légale que dans les sociétés par actions (dont la SAS) et dans les SARL (article L232-10 du Code de commerce).

La réserve se calcule sur le bénéfice net de l’exercice, diminué le cas échéant des pertes antérieures.

Un prélèvement de 5% au moins doit ainsi être affecté à la formation de cette réserve légale.

Le prélèvement cesse d’être obligatoire dès que les sommes inscrites à la réserve légale atteignent le dixième du capital social.

Outre cette réserve légale, la mise en réserve d’un pourcentage des bénéfices peut être décidée par les statuts.

Une fois que la réserve légale, et le cas échéant la réserve statuaire ont été dotées, les actionnaires ou associés peuvent décider que tout ou partie du bénéfice disponible de l’exercice sera porté sur un compte de réserve facultative, également appelée réserve ordinaire.

Les réserves facultatives ne sont pas indisponibles et les actionnaires ou associés peuvent ultérieurement décider leur mise en distribution sous forme de dividendes.

- Le report à nouveau.

Le report à nouveau représente la partie du résultat qui n’a été ni mise en réserve ni distribuée : il s’agit d’une somme laissée en instance d’affectation jusqu’à la prochaine assemblée.

Cette somme sera alors ajoutée au bénéfice disponible après dotation de la réserve légale et l’assemblée aura à statuer sur le total ainsi formé.

- La mise en distribution du résultat.

C’est la collectivité des associés qui détermine la part attribuée aux actionnaires sous forme de dividendes (Article L232-12 du Code de commerce).

Le conseil d’administration, le directoire ou les dirigeants ne peuvent recevoir, même de l’assemblée, le pouvoir de fixer le dividende.

En conséquence, la distribution des dividendes est une décision prise exclusivement en assemblée générale.

b. En principe : un versement annuel lors de l’approbation des comptes.

- Approbation des comptes annuels.

La distribution des dividendes est une décision prise lors de l’assemblée générale annuelle d’approbation des comptes.

La décision d’affectation des bénéfices ne peut donc intervenir avant l’approbation des comptes annuels de la société qui doit intervenir dans les 6 mois suivant la clôture de l’exercice.

- Décision collective ultérieure.

La distribution de dividendes aux actionnaires ou associés peut également être décidée par décision collective ultérieure.

Dans ce cas, le montant des sommes utilisées pour le versement de dividendes aux actionnaires ou associés sont celles qui ont été portées dans les réserves facultatives distribuables et en report à nouveau créditeur (cf supra).

- Versement d’un acompte sur dividendes.

Par exception, la société peut également procéder à la distribution d’un acompte sur dividendes aux actionnaires sans attendre l’approbation des comptes annuels.

Les acomptes sur dividendes sont des sommes versées avant l’approbation des comptes et la fixation par l’assemblée du dividende, qui sera versé au titre d’un exercice (Bull. CNCC 1992, no 88, p. 614).

L’article L232-12 du Code de commerce précise les conditions de distribution d’acomptes à valoir sur le dividende de l’exercice clos ou en cours :

« […] lorsqu’un bilan établi au cours ou à la fin de l’exercice et certifié par un commissaire aux comptes fait apparaître que la société, depuis la clôture de l’exercice précédent, après constitution des amortissements et provisions nécessaires, déduction faite s’il y a lieu des pertes antérieures ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts et compte tenu du report bénéficiaire, a réalisé un bénéfice, il peut être distribué des acomptes sur dividendes avant l’approbation des comptes de l’exercice. Le montant de ces acomptes ne peut excéder le montant du bénéfice défini au présent alinéa. Ils sont répartis aux conditions et suivant les modalités fixées par décret en Conseil d’État ».

La décision d’attribution d’un acompte sur dividendes relève de la collectivité des associés et est soumise à des conditions strictes :
- Etablissement d’un bilan au cours de l’exercice précédent certifié par le commissaire aux comptes ;
- La réalisation d’un bénéfice depuis la clôture de l’exercice précédent ;
- Montant de l’acompte limité audit bénéfice.

La référence faite à « la clôture de l’exercice précédent » signifie que le texte subordonne la faculté de distribuer un acompte sur dividende à la clôture préalable d’un exercice, ce qui exclut, pour une société nouvelle, la possibilité de distribuer un acompte sur dividende au cours de son premier exercice social (Comité juridique ANSA, 1er déc. 1993, no 266 ; Bull. CNCC 1994, no 93, p. 131).

Le conseil d’administration, le directoire ou les gérants, selon le cas, ont qualité pour décider de répartir un acompte à valoir sur le dividende et pour fixer son montant ainsi que la date de répartition (Article R232-17 du Code de commerce).

Dans les sociétés par actions simplifiées, cette décision est prise par le président ou les dirigeants désignés (Article L227-1 du Code de commerce al.3).

Contrairement aux dividendes, dont le montant peut être prélevé sur les réserves, seule la réalisation d’un bénéfice depuis la clôture de l’exercice précédent ou l’existence d’un report à nouveau bénéficiaire permet la distribution d’un acompte sur dividendes.

Si le bénéfice ou le report à nouveau est insuffisant, la société ne peut distribuer d’acompte, même si elle dispose de réserves distribuables d’un montant supérieur à celui de l’acompte.

Sous ces réserves, rien n’interdit de distribuer plusieurs acomptes au cours d’un même exercice.

c. La possibilité pour les actionnaires de décider d’une politique de versement des dividendes.

Bien qu’une répartition annuelle soit habituellement pratiquée (cf supra § b.) lorsqu’il existe un résultat, la loi ne l’impose aucunement à la société.

Comme il a été précisé plus haut, la collectivité des associés est libre quant à l’affectation des bénéfices (distribution des bénéfices ou mises en réserve).

Les actionnaires peuvent ainsi décider (notamment dans un pacte d’associés) que tous les bénéfices disponibles seront distribués chaque année sous forme de dividendes, quel que soit le résultat de la société, après dotation de la réserve légale.

Il peut également être décidé d’augmenter le dividende chaque année ou encore de l’indexer proportionnellement aux bénéfices à la hausse ou à la baisse.

Cela étant, si la société ne réalise pas de bénéfices, les actionnaires ne perçoivent en principe aucun revenu.

En revanche, serait nulle la clause qui interdirait, pendant toute la durée de la société, toute distribution du bénéfice car elle contredirait la vocation même de la société qui est le partage de profit (Article 1832 du Code civil).

- La répartition des dividendes.

Par principe, les sociétés par actions fonctionnent selon un principe égalitaire.
Ainsi, le droit de chaque actionnaire dans les bénéfices se détermine en fonction du niveau de sa détention du capital social (Article 1844-1 du Code civil).

Toutefois, il est possible de créer des inégalités qui peuvent fonder une catégorie d’actions particulières : les actions de préférence.

Les statuts peuvent, en effet, prévoir l’attribution d’actions de préférence (Article L228-11 et s. du Code de commerce) qui peuvent conférer des avantages particuliers.

La formule de l’article L228-11 du Code de commerce est large quant aux actions de préférences pouvant être mises en place.

Par exemple :
- Une quote-part supérieur des bénéfices (dividende renforcé) ;
- Un versement prioritaire (dividende préciputaire) : les actionnaires concernés sont les premiers servis ;
- Un report du droit aux dividendes à l’année suivante lorsqu’un exercice donné ne dégage pas un bénéfice distribuable (dividende cumulatif) ;
- Des dividendes progressifs ou dégressifs en fonction notamment de la santé financière de la société ;
- Un dividende conditionnel, qui suppose que la société ait atteint un certain niveau de résultats ;
- Un dividende à éclipse (ex : une année sur deux) ;
- Etc.

L’action de préférence peut également désavantager un actionnaire en prévoyant une restriction de ses prérogatives financières par un droit limité de participation aux dividendes ou aux réserves, par exemple.

Les statuts (ou le pacte) disposent ainsi d’une grande liberté dans la fixation des règles de répartition des dividendes, sous réserve de la prohibition des clauses léonines.

Le Code civil dispose en effet que : « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à son charge la totalité des pertes sont réputées non écrites » (Article 1844-1 du Code civil).

Après une décision collective des associés, la deuxième condition fondamentale pour la distribution d’un dividende est évidemment l’existence d’un résultat à distribuer.

B. L’existence d’un bénéfice distribuable.

a. La définition du bénéfice distribuable.

L’article L232-11 du Code de commerce dispose que : « Le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire ».

Il s’agit ainsi du bénéfice comptable de l’exercice, diminué de l’impôt sur les sociétés, des pertes antérieures, de la dotation de la réserve légale (et des réserves statutaires), et augmenté du report à nouveau bénéficiaire (cf. supra 1.1).

Dans les sociétés commerciales, seule la répartition du bénéfice distribuable tel que défini par l’article L 232-11 du Code de commerce est autorisé.

En conséquence, le bénéfice est distribuable, si :
- les pertes antérieures sont apurées ;
- la réserve légale est dotée ;
- les éventuelles réserves statutaires sont dotées à hauteur du plafond prévu dans les statuts.

Lorsque le bénéfice distribuable n’est pas suffisant, l’assemblée peut décider la mise en distribution de dividendes par prélèvement sur les réserves antérieures autres que légale ou la réserve statutaire (Article L232-11 du Code de commerce).

En ce cas, la décision indique expressément les postes de réserve sur lesquels les prélèvements sont effectués.

- Toutefois, les dividendes doivent être prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice.

En résumé, pour pouvoir distribuer des dividendes, la société doit disposer de revenus distribuables tels que :
- le résultat de l’exercice (bénéfice) diminué des pertes antérieures ainsi que des réserves légales, statutaires ou contractuelles (Article L232-11 du Code de commerce) ;
- le report à nouveau (bénéficiaire) ;
- les réserves distribuables.

b. Le dividende fictif.

Tout dividende distribué en violation de ces règles précitées serait un dividende dit « fictif » (Article L242-6, 1° du Code de commerce), passible de sanctions pénales.

Les actionnaires seraient alors tenus de restituer à la société les dividendes irrégulièrement distribués, si toutefois il est démontré qu’ils ont pu avoir connaissance du caractère irrégulier de cette distribution au moment de celle-ci ou ne pouvaient l’ignorer (Article L232-12 al.3 du Code de commerce et article L232-17 ; Cass. 1re civ., 20 mars 2014, no 13-11.841).

En dehors de ce cas, la société ne peut exiger des actionnaires une répétition des dividendes distribués (Article L232-17 du Code de commerce).

Ainsi, la société ne pourrait exciper de difficultés financières pour exiger des actionnaires qu’ils restituent les sommes perçues ou pour refuser de leur verser les sommes dont la distribution a déjà été décidée.

II. Les modalités de paiement des dividendes.

Le paiement des dividendes s’effectue en principe en numéraire
Mais, il peut être envisagé (très rarement en pratique) un règlement du dividende en nature ou en action.

Mais, il peut être envisagé (très rarement en pratique) un règlement du dividende en nature ou en action.

Les modalités de mise en paiement des dividendes sont ainsi fixées par l’assemblée générale ou à défaut par les organes de direction désignés (Article L232-13 du Code de commerce).

Toutefois, la mise en paiement doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la clôture de l’exercice (Article L232-13 du Code de commerce).

Ce délai peut être prolongé par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant sur requête, à la demande du conseil d’administration, du directoire, des gérants, du président ou du dirigeant de la société par actions simplifiée désigné à cet effet, selon le cas (Article L232-13 et article R232-18 du Code de commerce).

Rien n’interdit d’organiser un paiement des dividendes en nature : la société peut par exemple distribuer des actions qu’elle détient en portefeuille ou encore remettre des biens immobiliers en paiement du dividende etc… (Cass.com., 6 juin 1990, n°88-17.133).

Il est également possible de proposer aux actionnaires de leur verser le dividende sous forme d’actions de la société (Article L 232-18 et suivant Code de commerce).

Dans les sociétés par actions (dont la SAS), une option est ouverte aux associés ou actionnaires entre le paiement du dividende ou des acomptes sur dividende en numéraire ou en actions.

Cette possibilité suppose l’existence d’une clause statutaire prévoyant :

« la faculté d’accorder à chaque actionnaire, pour tout ou partie du dividende mis en distribution ou des acomptes sur dividende, une option entre le paiement du dividende ou des acomptes sur dividende en numéraire ou en actions » (Article L232-18 et suivant Code de commerce).

Ceux qui acceptent reçoivent ainsi des actions à hauteur du dividende décidé par l’assemblée ; en conséquence le capital est augmenté en proportion des actions émises.

Cette modalité de paiement permet ainsi de concilier l’intérêt de l’actionnaire et celui de la société, puisque la politique de distribution s’accompagne d’un renforcement du capital avec des fonds propres.

Par ailleurs, le paiement éventuel de dividendes en actifs sociaux n’est pas constitutif d’une cession ou d’une mutation à titre onéreux des biens correspondants soumise aux droits d’enregistrement.

Cette solution a été retenue par la Cour de cassation à plusieurs reprises, à propos :
- du paiement de dividendes par distribution d’actions du portefeuille titres de la société (Cass. com., 31 mai 1988, no 87-10.134).
- du paiement de dividendes sous la forme de remise de parts d’une SCI (Cass. com., 6 avr. 1993, no 90-21.941).
- du paiement de dividendes par attribution de droits immobiliers appartenant à la société (Cass. com., 6 juin 1990, no 88-17.133).

Ludovic Landivaux, Avocat associé
Avec la participation de Lauriane Sabathier et Benjamin Vidal, Avocats
Barreau de Paris
Centaure Avocats

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