Aux termes de l’article 1243 du Code civil :
« Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé » [2].
Cet article du Code civil pose donc une présomption de responsabilité.
Cette présomption de responsabilité peut néanmoins être mise en échec par la théorie de l’acceptation des risques. En effet, la pratique de certains sports fait courir des risques prévisibles que le sportif accepte.
En effet, la jurisprudence est constante depuis 1985 et les Tribunaux estiment qu’une personne participant à une compétition sportive accepte en connaissance de cause les risques inhérents à cette pratique.
La doctrine est partagée sur le sujet, certains auteurs considèrent que l’application de la théorie du risque accepté devrait être écartée alors que d’autres considèrent que les sportifs acceptent, en toute connaissance de cause, les risques liés à la pratique de leur sport.
Quoiqu’il en soit, l’arrêt de la Cour de Cassation concernait l’accident d’un cavalier lors d’une compétition de saut d’obstacles organisée au sein d’un centre équestre lors d’une journée portes ouvertes à l’occasion de la Fête du cheval et au cours de laquelle le cavalier a chuté et s’est blessé en heurtant un poteau de la lice de carrière (fracture de l’arc postérieur de la septième vertèbre cervicale et d’une luxation de deux vertèbres).
Le cavalier a alors assigné en responsabilité et en réparation l’association, la FFE, la CNBF et l’organisme social Réunion des assureurs maladie.
Il soutenait tout d’abord s’être engagé dans l’épreuve à la demande d’un représentant de l’association et avoir apporté, par sa participation, une aide bénévole pour assurer le succès de la manifestation.
L’association affirmait qu’il s’agissait d’une épreuve payante, chaque cavalier réglant un droit d’engagement pour y concourir ; que, quand bien même la participation aurait été gratuite, il apparaît que le cavalier en question ne rendait pas un service, mais profitait de l’occasion qui lui était donnée de faire un parcours d’obstacle entre amis du club, son absence ne remettant pas en cause l’organisation du concours et encore moins l’organisation de la journée portes ouvertes.
Le cavalier victime précisait ensuite que sa tête avait heurté un poteau en béton de la lice entourant la carrière où était installé le parcours d’obstacles et que « la lice en béton » n’avait pas fait l’objet de « protections particulières ». Il reprochait donc au centre équestre de ne pas avoir respecté l’obligation de sécurité de moyens qui lui incombait.
Il considérait que l’organisateur d’une manifestation équestre est tenu d’une obligation de sécurité et était donc responsable de l’accident dont il avait été victime.
La Cour de Cassation rend un arrêt en ces termes :
« Mais attendu que l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. Y..., qu’il l’ait choisi lui-même ou qu’il lui ait été attribué, a monté le cheval T, cheval de club unanimement considéré comme un « bon maître d’école » donné même aux cavaliers débutants, et qu’il avait déjà, sans incident, effectué un parcours ; qu’il n’est nullement allégué que le parcours, par son tracé ou la hauteur des obstacles, aurait présenté des difficultés particulières et n’aurait pas été adapté au niveau équestre des cavaliers engagés, que M. Y... ait été titulaire du Galop 4 ou du Galop 5, lesquels attestent d’une initiation au saut d’obstacle et d’une aptitude à réaliser un parcours dans le cadre d’un centre équestre ; que le parcours a été effectué sous le contrôle du maître de manège, le cavalier étant porteur des protections réglementaires (bombe) ; que le fait que M. Y... ait fait un refus sur un obstacle puis une chute ne démontre pas que le parcours était inadapté, l’équitation étant un sport à risque et la chute inhérente à sa pratique ; que pour la même raison, il ne peut d’ailleurs être reproché au cavalier, ni d’être revenu sur l’obstacle après le refus, ce qui est la règle en concours hippique, ni le refus lui-même qui n’est que la conséquence d’une erreur technique et non d’une faute engageant la responsabilité civile ; qu’il est avéré qu’emporté par sa monture qu’il ne contrôlait plus, M. Y... est tombé de son cheval et a heurté la lice de la carrière ; que le choc qui s’en est suivi est à l’origine de ses blessures et de leur gravité ; qu’il n’est pas contesté que les poteaux de la lice étaient en béton à l’époque des faits et qu’actuellement ils sont en bois ; que pour autant, l’équipement ne souffrait pas d’une absence de conformité et de remplacement ultérieur ne constitue pas la reconnaissance d’une faute de la part de l’association ; qu’il n’est par ailleurs pas démontré que la réglementation ou même l’usage ait imposé des protections particulières telles que des bottes de paille, ni même qu’une telle protection ait été nécessaire, la lice en béton, alors équipement habituel, n’étant pas d’un danger extrême qui aurait rendue évidente la nécessité d’une initiative de l’association pour prendre des précautions complémentaires ; qu’il n’est pas non plus établi que la nature du matériau constituant la lice ait eu une incidence sur la nature et la gravité des blessures de M. Y... ; qu’un concours d’obstacles se déroule nécessairement dans une zone entourée d’une lice fixe, sur laquelle les cavaliers pratiquant le saut d’obstacles peuvent effectivement être projetés à l’occasion d’une chute, mais dont la présence est évidemment indispensable ;
Que de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve débattus, et dont il résultait que la lice de la carrière où s’est produit l’accident était alors équipée de poteaux en béton conformes ne nécessitant pas l’adjonction de protections complémentaires pour la pratique du saut d’obstacle à cheval, la cour d’appel a pu déduire que n’était pas établie à l’encontre de l’association la commission d’une faute pour manquement à l’obligation de sécurité de moyens qui lui incombait ; »
Rappelons qu’une personne tenue à une obligation de moyens ne peut voir sa responsabilité engagée que s’il est démontré un manquement à une de ses obligations notamment une obligation de prudence (ou une faute contractuelle). Par exemple, il pèse sur le maître nageur qui surveille la plage une obligation de moyens consistant à tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des baigneurs mais il ne pèse pas sur lui une obligation de résultat. Ainsi, il doit tout mettre en œuvre pour sécuriser et tenter de sauver un baigneur en difficulté mais le seul fait de n’avoir pu le maintenir en vie ne le rend pas responsable.
Dans le cas d’espèce, il était également rappelé que le cavalier s’était vu transférer la garde de l’animal pendant la compétition et avait accepté le risque inhérent à la pratique de l’équitation en compétition :
« que M. Y... a donc conservé son pouvoir d’usage, de direction et de contrôle sur le cheval pendant le concours auquel il a participé ; qu’enfin, il ne peut contester avoir accepté les risques inhérents à ce genre d’activités, la pratique de l’équitation et en particulier, la compétition de saut d’obstacles, quelque soit le niveau, s’accompagnant d’un risque de chute, et pouvant même entraîner des blessures graves ;
En raison de son expérience de cavalier, et de la docilité et l’expérience du cheval mis à sa disposition pour franchir des obstacles correspondant à son niveau technique, et sans que puisse s’y opposer la présence du maître de manège et l’instruction d’usage donnée par celui-ci, la garde de cet animal avait été transférée par l’association à M. Y... pour la durée du concours ; »
Ainsi, par cet arrêt toujours d’actualité en 2020, la Cour de Cassation rappelait que le cavalier pratiquant de la compétition de saut d’obstacles accepte le risque inhérent à cette pratique et ne saurait rechercher la responsabilité du centre équestre organisateur de la compétition sportive en cas de chute dans des conditions de compétition conformes aux usages.
Il s’agit de la jurisprudence dominante refusant d’appliquer la responsabilité du fait des animaux issue de l’ancien article 1385 du Code civil (1243 du Code civil) dès lors que l’accident s’est produit pendant la compétition sportive et ce, par application de l’acceptation des risques de la compétition de la part des concurrents.
D’une manière générale, les Tribunaux font systématiquement un examen très précis des circonstances de l’accident :
Quel est le niveau du cavalier ? Novice, expérimenté ? A-t-il validé des diplômes auprès de la FFE ?
Quelle était l’activité ? Loisirs ? Compétition ?
Quelles étaient les conditions de sécurité ?
Quel était l’encadrement ? Moniteur diplômé ? Chef de piste ?
Quel type d’équidé était confié ? Un cheval de club, de propriétaire ? Un cheval d’expérience ou, au contraire, vert dans le travail ?
Le parcours était-il particulièrement dangereux ? etc
La réponse a ces questions permettent aux Tribunaux de déterminer si le cavalier a accepté le risque inhérent à la pratique ou si le centre équestre est responsable en raison d’un manquement à son obligation de sécurité de moyens.
Tout dépend donc des conditions de l’accident et de l’existence, ou non, d’une faute du centre équestre pour pouvoir engager sa responsabilité.
Rappelons enfin que le Code du sport impose à l’organisateur de manifestations sportives d’être assuré :
« L’organisation par toute personne autre que l’Etat et les organismes mentionnés à l’article L321-1 de manifestations sportives ouvertes aux licenciés des fédérations est subordonnée à la souscription par l’organisateur des garanties d’assurance définies au même article L21-1 ».