Forum : Questions techniques et entraide entre juristes

Sujet : responsabilité notaire

Echanges sur des points de droit.

responsabilité notaire

de icikaro   le Ven 09 Oct 2009 15:04

  • "Membre actif"
  •  
  • 289 messages
  • Localisation: 94
  • Profession: Avocat
Monsieur X a acheté en 2002 un pavillon, le bien était vendu par Monsieur Y qui l'avait lui même reçu d'une donation consentie par ses parents (lesquels sont actuellement toujours vivants)

Les co-hériters réservataires ne sont pas intervenus à l'acte de vente.

Monsieur X veut à présent revendre ce pavillon et a signé une promesse de vente avec un acquéreur. C'est le notaire en charge de l'acte de vente qui a réalisé cet "oubli". Deux cohéritiers ont régulérisé a postériori en donnant leur consentement à la vente de 2002 et en renoncant à l'action en réduction ou revendication.

Deux cohériters n'ont jamais répondu.

L'acquéreur a donc renoncé à acheter.

Compte tenu de ce problème de régularité, Monsieur X craint ne pouvoir jamais réussir à vendre ce bien !

Est-il possible d'envisager une action en nullité de la vente de 2002 (pour dol ?) et surtout (compte tenu du fait que le vendeur de 2002 est totalement insolvable aujourd'hui) peut-on engager la responsabilité du notaire de 2002 et solliciter sa condamnation à garantir la restitution du prix de vente ????

   

de Camille   le Lun 12 Oct 2009 13:39

  • "Vétéran"
  •  
  • 3966 messages
  • Profession: Autre métier non lié au droit
Bonjour,
Je vais peut-être dire une grosse bêtise, mais que monsieur Y ait vendu ou pas, il faudra bien (on suppose une donation non partage) qu'il rapporte la valeur du bien - même s'il n'est plus entre ses mains - au moment du décès du donateur, non ?

CC a écrit :Article 922
La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.
Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer.


Article 923
Il n'y aura jamais lieu à réduire les donations entre vifs, qu'après avoir épuisé la valeur de tous les biens compris dans les dispositions testamentaires ; et lorsqu'il y aura lieu à cette réduction, elle se fera en commençant par la dernière donation, et ainsi de suite en remontant des dernières aux plus anciennes.



Article 924
Lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent.


Le paiement de l'indemnité par l'héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d'imputation sur ses droits dans la réserve.


Et, sauf erreur de ma part, pas vu un texte qui interdirait à un bénéficiaire d'une donation de n'en disposer comme bon lui semble qu'avec l'accord de ses futurs co-héritiers.
Sinon, ce n'est plus une donation.

Je reçois de mes parents encore vifs une certaine somme d'argent. Je n'ai pas le droit de la dépenser sans l'accord de mes frères et de mes soeurs ?
Quelle est la différence avec un bien immobilier ?

Où est l'erreur du notaire ?
(ce qui n'interdit pas à un notaire précautionneux de prendre les devants en prémunissant son client d'une éventuelle action ultérieure en réduction et/ou de mettre en garde son client sur cette éventualité potentielle).

   

de Camille   le Lun 12 Oct 2009 13:43

  • "Vétéran"
  •  
  • 3966 messages
  • Profession: Autre métier non lié au droit
Re,
D'autant que le délai de prescription de l'action en réduction démarre lorsque les futurs co-héritiers ont eu connaissance de la donation elle-même, donc antérieurement à une éventuelle revente. Ce n'est donc pas la revente qui marque le point de départ (sauf à ce que ce soit la revente qui ait révélé la donation).

   

de notnot   le Lun 12 Oct 2009 17:30

  • "Membre"
  •  
  • 4 messages
  • Localisation: 28
  • Profession: Notaire et métiers en études
Bonjour,

Il n’y a effectivement aucun texte interdisant au donataire de disposer du bien reçu.
Toutefois, il ne faut pas mésestimer le redoutable art. 924-4 du C.civ. (ancien art. 930) qui permet aux héritiers réservataires, en cas d’insolvabilité du gratifié (débiteur de l’indemnité en réduction), d’exercer l’action en réduction contre le tiers détenteur de l’immeuble donné et revendu par le donataire.
C’est pourquoi il est de bonne pratique de recueillir le consentement des héritiers présomptifs. L’art. 924-4 al.2 précisant que les héritiers réservataires ne peuvent agir contre le tiers détenteur s’ils ont consenti à la vente.
Il sera toujours procédé au rapport du bien et le gratifié sera toujours débiteur de l’indemnité de réduction mais cela permet de garantir l’acquéreur contre le risque de devoir lui-même acquitter cette indemnité.

De plus, la prescription de l’action en réduction ne commence à courir qu’à compter du décès du donateur ; puisque l’on ne peut savoir avant cette date si la donation entame ou non la réserve des héritiers… (art. 921).

D’où la situation inconfortable dans laquelle se trouve Monsieur X.

Quant à savoir s’il est possible d’envisager la nullité… je l’ignore… mais la nullité n’implique-t-elle pas une remise des parties dans l’état dans lequel elles étaient avant le contrat ? Est-ce opportun ? Le vendeur est insolvable - donc dans l’impossibilité de rembourser le prix – et quel sera le sort des améliorations apportées au bien par Monsieur X depuis son acquisition (il faudrait alors les évaluer pour procéder l’indemnisation de Monsieur X), des impôts payés par lui, et verrait-il la plus-value (au sens commun et non fiscal) lui échapper…
Pour ce qui est de la responsabilité du notaire de 2002, il me semble qu’elle pourrait être engagée sur le fondement d’un manquement à son devoir de conseil…

Mais il ne s’agit là que de mon humble avis
:wink:

   

de Camille   le Mar 13 Oct 2009 13:13

  • "Vétéran"
  •  
  • 3966 messages
  • Profession: Autre métier non lié au droit
Bonjour,
notnot a écrit :De plus, la prescription de l’action en réduction ne commence à courir qu’à compter du décès du donateur ; puisque l’on ne peut savoir avant cette date si la donation entame ou non la réserve des héritiers… (art. 921).

Encore que tout dépend comment on interprète...
CC a écrit :Art 921
...
Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession,
ou
à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve,
sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.

"à deux ans"... Et si "les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve" avant l'ouverture de la succession, ce délai court déjà ?
Ou, est-ce qu'une "action en réduction" ne peut être lancée qu'après l'ouverture de la succession ?
(il me semble en fait que oui)(c'est même assez logique)(dans ce cas, il n'y aurait pas encore faute du notaire...).

Or, apparemment...
notnot a écrit :C’est pourquoi il est de bonne pratique de recueillir le consentement des héritiers présomptifs.

... c'est (presque) ce qu'a fait le notaire, sauf qu'il n'a pas attendu la réponse de chaque héritier.
Mais, s'il a envoyé ses demandes enLR/AR avec AR signé en retour, on pourrait considérer que le délai de 2 ans court depuis cette date, suivant l'interprétation (en fait, je ne pense pas).

notnot a écrit :Toutefois, il ne faut pas mésestimer le redoutable art. 924-4 du C.civ. (ancien art. 930) qui permet aux héritiers réservataires, en cas d’insolvabilité du gratifié (débiteur de l’indemnité en réduction), d’exercer l’action en réduction contre le tiers détenteur de l’immeuble donné et revendu par le donataire.

Oui, mais comme c'est une fois toutes les autres dispositions "épuisées", je serais curieux de savoir si une telle occurrence est déjà arrivée.

notnot a écrit :Pour ce qui est de la responsabilité du notaire de 2002, il me semble qu’elle pourrait être engagée sur le fondement d’un manquement à son devoir de conseil…

D'autant que rien ne prouve qu'il n'a pas fourni le conseil puisque, justement, il a sollicité les autres héritiers.
Donc, le sujet a forcément été abordé puisque, forcément "on" attendait des réponses !
Il n'a seulement pas recueilli toutes les réponses. Donc, comment caractériser sa faute ?
Qui a pris la décision de passer outre et dans quelles circonstances ?
Plus, d'ailleurs, vis-à-vis de Monsieur Y (le donataire vendeur, celui qui est "en première ligne" en cas d'action en réduction) que de Monsieur X (l'acheteur du donataire), il me semble.
Au fait, peut-on reprocher à un notaire une faute qui n'a pas, pas encore, produit ses effets et qui n'en produira peut-être jamais ?

notnot a écrit :Mais il ne s’agit là que de mon humble avis
:wink:

Idem... :wink:

Afficher les messages postés depuis:
Trier par
Ordre

Au total il y a 32 utilisateurs en ligne :: 0 enregistré, 1 invisible et 31 invités (basées sur les utilisateurs actifs des 5 dernières minutes).
Le record du nombre d’utilisateurs en ligne est de 1718, le Jeu 26 Sep 2024 12:13

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 575 membres, 28225 articles, 127 304 messages sur les forums, 2 600 annonces d'emploi et stage... et 1 500 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• [Spécial Semaine de la QVCT 2025] Les outils numériques pour le juriste : une charge mentale en plus... ou moins de charge mentale ?

• 1er Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs