Affaire YSL : des publicités jugées « dégradantes » et « sexistes ».

Par Louise El Yafi.

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Explorer : # publicité sexiste # image de la femme # déontologie publicitaire # stéréotypes

Alors qu’une campagne de Saint Laurent Paris a été censurée récemment au Royaume-Uni pour avoir mis en scène une mannequin « maladivement maigre », la maison de haute couture s’est attirée de nouvelles foudres depuis début mars.

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Les affiches placardées dans les rues de Paris ont en effet suscité l’indignation de certains qui, réunis sous l’appellation #YSLRetireTaPubDegradante sur les réseaux sociaux, ont appelé à leur retrait.

Le premier visuel visé montre une jeune fille trop mince montée sur des patins à roulettes, le dos courbé et la tête sur un tabouret. Le second, montre quant à lui une fille de face écartant ses jambes, elles aussi très maigres. La campagne a non seulement été qualifiée de « dégradante » et de « choquante » pour l’image de la femme mais a même, par certains, été accusée « d’inciter au viol. »

Le Jury de Déontologie Publicitaire, réuni en séance plénière le vendredi 10 mars 2017, a rendu son avis concernant la campagne en question.
Saisi par pas moins d’une cinquantaine de plaintes à l’encontre de ces publicités, non seulement par des particuliers mais également par les associations « Les Chiennes de Garde », « Osez le féminisme ! », et la Délégation aux Droits des femmes du Sénat, le jury a confirmé que les visuels de cette campagne constituaient bien des manquements aux règles déontologiques prévues par les Recommandations de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP).

Il a notamment relevé que « … ces photos utilisent et, de ce fait, alimentent le stéréotype de la femme objet sexuel … Par là-même, ces publicités banalisent et valorisent les comportements sexistes et les idées a priori d’infériorité des femmes dans la société. En outre, en induisant l’idée de soumission, elles dévalorisent l’image des femmes dans la société. ». D’autre part, « la particulière maigreur de la femme …. est … de nature à inciter à des comportements alimentaires néfastes et dangereux pour les personnes jeunes sur lesquels les modèles du monde de la mode exercent une particulière fascination. »

Quelles règles applicables ?

Tout d’abord c’est l’ARPP qui est l’association d’autorégulation de la publicité en France. Ce sont ses Recommandations qui constituent le cadre déontologique de l’expression publicitaire.

Dans ses recommandations « Image et Respect de la Personne », l’ARPP considère que :

1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.

1.2 Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet.

1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine.

2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.

2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.

2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme.

3.1 La publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes.

Quelle procédure ?

L’ARPP a la possibilité de s’auto-saisir avec une demande de justification, modification ou cessation de diffusion. L’ARPP à la possibilité de blâmer ou de sanctionner en cas de refus de coopérer de la part de l’annonceur. Si la publicité est néanmoins diffusée elle peut être portée devant le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) par le biais d’une plainte ou être signalée comme manquement dans un bilan d’application.

La plainte sera d’abord évaluée par le secrétariat du JDP. La possibilité d’un accord à l’amiable est ensuite envisagé et si cela n’est pas possible, il y a instruction de la plainte et la décision est prise à la majorité des 9 membres présents. L’annonceur encourt alors : une publication (systématique) sur le site du JDP, l’envoi d’un communiqué de presse et la publication d’un encart dans la presse.

Comment définir une publicité « dégradante » ou « sexiste » ?

Dans la loi, le comportement sexiste fait l’objet de sanctions pénales lorsqu’il caractérise une injure, une diffamation ou une discrimination. En outre, certains crimes et délits de droit commun font l’objet de sanctions pénales aggravées lorsqu’ils sont à caractère sexiste.

Cette partie traite uniquement des conséquences pénales de comportements à caractère sexiste.

Au plan pénal, un comportement à caractère sexiste peut se caractériser de trois manières :
- par une discrimination : le sexe est un des critères retenus pour qualifier une discrimination au sens de l’article 225-1 du Code pénal. Ainsi, constitue une discrimination sexiste toute distinction opérée entre des personnes physiques ou morales à raison de leur sexe ;
- par une action constitutive d’une infraction, dont le mobile sexiste constitue une circonstance aggravante (violence physique notamment) ;
- par une expression publique pouvant se manifester de deux façons : injure publique ou provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence.

En conclusion, aucune de ces situations ne correspond légalement à ce dont est accusée la maison Saint Laurent, la publicité ne se traduisant pas elle-même par un comportement. La société craint donc tout au plus un communiqué dans la presse. Un peu plus de publicité donc.

Louise El Yafi
Fondatrice de LUXURYANDLAW.COM

www.luxuryandlaw.com

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