Brexit : le bouleversement fiscal n’est pas à l’ordre du jour...

Par Laurent Tasocak, Elève-avocat.

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Explorer : # brexit # fiscalité # espace économique européen # union européenne

Le 23 juin 2016, les britanniques se sont prononcés en faveur d’une sortie de l’Union européenne. A ce titre, de nombreuses voix se sont élevées pour attirer l’attention sur les conséquences désastreuses du Brexit, notamment en matière fiscale.

Ces positions nous semblent démesurées compte tenu de l’intégration des marchés britannique et européen, d’autant plus qu’une adhésion future du Royaume-Uni à l’Espace économique européen est l’option la plus plausible.

Les autres modes de partenariat, à l’image des modèles Suisse et Turc, demeurent des hypothèses envisageables. Cependant, compte tenu des imbrications économiques et juridiques entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, une adhésion à l’Espace économique européen (EEE) nous semble être l’opération à privilégier.

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L’EEE, issue d’un accord signé à Porto le 2 mai 1992, est une union économique qui rassemble l’ensemble des États membres de l’Union européenne ainsi que trois États membres de l’Association européenne de libre-échange (Islande, Norvège et Liechtenstein).

Cet accord se distingue fortement des accords de libre-échange traditionnels en créant des droits et obligations pour les individus et opérateurs économiques. A cet égard, la probable future adhésion du Royaume-Uni à cet accord nous semble être de nature à limiter les conséquences fiscales du Brexit.

L’Espace économique européen et l’Union européenne.

L’article 1er de l’accord EEE dispose expressément que « le présent accord d’association a pour objet de favoriser un renforcement continu et équilibré des relations économiques et commerciales entre les parties contractantes, dans des conditions de concurrence égales et le respect des mêmes règles, en vue de créer un Espace économique européen homogène ».

Pour ce faire, l’accord sur l’EEE se propose d’harmoniser sa législation avec celle du droit européen, notamment, par le biais de :
- Plusieurs articles de l’accord qui reprennent à l’identique des dispositions relatives au marché intérieur contenues dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne ;
- Un mécanisme de mise à jour des annexes de l’accord pour s’aligner sur la législation de l’Union européenne ;
- L’interprétation de l’accord à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice.

Dans ce contexte, l’adhésion du Royaume-Uni à l’accord EEE atténuerait de facto les conséquences prétendument désastreuses qu’aurait le Brexit en matière fiscale, tant en fiscalité directe qu’en fiscalité indirecte.

En matière de fiscalité indirecte.

Les dispositions contraignantes de l’accord EEE ne concernent pas l’Union douanière européenne mais créent une zone de libre-échange. Ce système, bien que moins intégré que le précédent, atténuerait tout de même les droits de douane dans le cadre d’échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et les États membres de l’Union européenne. Une adhésion du Royaume-Uni à l’EEE aurait donc l’avantage de permettre une exonération totale ou partielle des droits de douane.

Concernant la TVA, la situation est plus compliquée. En effet, cet impôt indirect a fait l’objet d’un transfert de compétence au sein de l’Union européenne depuis une directive du 11 avril 1967 qui a depuis harmonisé les législations européennes en indiquant un minimum et un plafond de TVA. Or, les dispositions relatives à la TVA n’ont pas d’influence sur les États membres de l’accord EEE qui sont considérés comme des États tiers à l’Union européenne. Le Brexit entraînera donc des formalités supplémentaires pour les entreprises exportant des produits à destination du Royaume-Uni mais, surtout, lui permettra de retrouver sa liberté quant à la modulation de ses taux de TVA.

En matière de fiscalité directe.

Si de nombreuses initiatives ont été entreprises pour uniformiser les législations internes en matière de fiscalité directe, il demeure que ce champ de compétence appartient aux États membres. Cependant, le Brexit ne sera pas totalement neutre puisque le Royaume-Uni ne sera plus soumis aux directives européennes, même si leurs transpositions en droit interne atténuent ce constat.

En effet, pour de nombreux États membres, la transposition des directives européennes s’accompagne souvent d’une extension de la législation en question aux pays membres de l’EEE ou, plus largement, aux États ou territoires ayant conclus avec l’État membre une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

Cela est notamment le cas pour la France qui a fréquemment recours à ces stipulations soit pour étendre le bénéfice de la réglementation européenne au pays de l’EEE soit pour permettre à ses pays de ne pas être soumis à des dispositifs anti-abus.

Dès lors, en cas d’adhésion du Royaume-Uni à l’accord EEE, il apparaît que le Brexit ne devrait avoir que peu de conséquences sur la fiscalité directe au titre de laquelle on trouve notamment le régime mère-fille, celui de l’intégration fiscale ou alors le transfert de siège social.

Last but not least.

L’adhésion du Royaume-Uni à l’Espace économique européen, même si elle présente des avantages importants, n’est pas une solution à tous les maux britannique. La perte du bénéfice des libertés communautaires aura des conséquences non négligeables, notamment au regard de la liberté d’établissement qui permet à une société britannique de s’implanter librement sur le territoire de l’Union européenne, et inversement.

Il en découle une forte perte d’attractivité pour le Royaume-Uni qui pourra être combler par une politique fiscale agressive et une modification substantielle de ses conventions fiscales avec les États membres. Or, ces dernières ne pourront pas compléter tous les manquements liés à la sortie d’un territoire intégré.

Naturellement, cette étude de nature prospective est à la merci du futur accord de sortie entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Toujours est-il que ces entités sont trop intégrées. Dès lors, un bouleversement fiscal n’est pas à l’ordre du jour.

Laurent Tasocak
Élève-avocat fiscaliste
Diplômé du Master 2 droit fiscal - Paris 1

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