Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union en vertu de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.
A la suite de ce retrait, les traités ont cessé de s’y appliquer, et avec, le droit pour les citoyens britanniques d’entrer sans visa ni formalités équivalentes sur le territoire des Etats membres de l’Union et les Etats associés (bien que cette possibilité ait été prolongée temporairement, jusqu’au 31 décembre 2020).
Dès lors, devenu pays tiers à l’Union, les Etats membres ont dû statuer sur le sort à réserver aux ressortissants britanniques. Ce qui, d’un point de vue juridique, se traduit par l’inscription du Royaume-Uni dans l’une des annexes du règlement (UE) 2018/1806 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 [1] : l’annexe I fixe la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres, tandis que l’annexe II énumère ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation.
Ainsi, en avril 2019, les Etats membres de l’Union et les Etats associés appliquant l’acquis de Schengen (CH, LI, NO, IS) ont décidé [2] qu’il convenait d’exempter les ressortissants du Royaume-Uni qui sont citoyens britanniques de l’obligation de visa lorsqu’ils se rendent sur le territoire des Etats membres. Le motif invoqué était le suivant :
« Vu la proximité géographique, le lien entre les économies, le niveau des échanges et le volume des déplacements de courte durée effectués par les personnes entre le Royaume-Uni et l’Union dans le cadre de voyages d’affaires, de loisir ou à d’autres fins, la possibilité de voyager sans visa devrait faciliter le tourisme et l’activité économique, ce qui devrait profiter à l’Union ».
Cette position commune repose sur l’hypothèse selon laquelle,
« dans l’intérêt du maintien de relations étroites, le Royaume-Uni accordera une pleine réciprocité en matière de visas aux ressortissants de tous les Etats membres ».
Au cas où le Royaume-Uni imposerait à l’avenir une obligation de visa aux ressortissants d’au moins un Etat membre, le mécanisme de réciprocité, tel que prévu à l’article 7 du règlement (UE) 2018/1806 devrait alors trouver à s’appliquer…
Chacun pourra disserter sur l’opportunité de cette décision. Peut-être qu’un rétablissement de l’obligation de visa de court séjour, assortie d’une obligation de visa de transit aéroportuaire (VTA [3]), aurait permis de formaliser totalement le divorce… et d’éteindre certaines velléités de départ.
Toujours est-il qu’à la suite de cette décision de placer le Royaume-Uni dans l’annexe II du règlement (UE) 2018/1806, les Etats membres ont dû notifier leurs positions quant aux éventuelles exemptions de visa ou exceptions applicables à certaines catégories de voyageurs disposant de documents de voyage émis par ce pays (car il est bien plus pertinent d’évoquer la situation de titulaires de certains documents, plutôt que de se baser sur la seule nationalité, tant les exceptions sont nombreuses…).
Bien que certains Etats se fassent encore désirer, la plupart des partenaires européens ont fait connaître leur position, applicable à compter du 1er janvier 2021.
A cette date, concernant le Royaume-Uni, la situation sera la suivante :
Article 6.1.a) Un Etat membre peut prévoir des exceptions à l’obligation ou à l’exemption de visa, en ce qui concerne les titulaires de passeports diplomatiques, de passeports de service ou officiels ou de passeports spéciaux.
Ont décidé d’une obligation de visa : aucun Etat membre…
A titre d’exemple, on notera que la Bulgarie, la Grèce, l’Espagne et la France exigent la possession d’un visa pour les ressortissants des Etats-Unis d’Amérique titulaires d’un passeport diplomatique, de service ou officiel.
Art. 6.2.a) Un Etat membre peut exempter de l’obligation de visa les écoliers ressortissants d’un pays tiers figurant sur la liste de l’annexe I (les pays soumis à visa de court séjour), qui résident dans un pays tiers figurant sur la liste de l’annexe II, en Suisse ou au Liechtenstein, lorsque ces écoliers participent à un voyage organisé dans le cadre d’un groupe scolaire accompagné d’un enseignant de l’établissement.
Ont décidé d’une exemption de visa : la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne (seulement en cas de réciprocité), la Lituanie, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovaquie et le Liechtenstein.
L’Italie, Chypre et la France n’ont pas encore fait connaître leur position.
Art.6.2.b) Un Etat membre peut exempter de l’obligation de visa les réfugiés statutaires et les apatrides si le pays tiers où ils résident et qui leur a délivré leur document de voyage est un des pays tiers figurant sur la liste de l’annexe II.
Ont décidé d’une exemption de visa : le Danemark, l’Allemagne, l’Espagne (seulement en cas de réciprocité), la Croatie, l’Italie (seulement en cas de réciprocité et uniquement pour ceux qui résident effectivement au Royaume-Uni [4]), la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, les Pays-Bas, la Slovénie, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein.
La Bulgarie, Chypre, la Finlande et la France n’ont pas encore fait connaître leur position.
Art.6.3.Un Etat membre peut prévoir des exceptions à l’exemption de l’obligation de visa en ce qui concerne les personnes exerçant une activité rémunérée pendant leur séjour.
Ont ainsi décidé d’une obligation de visa : la République Tchèque, l’Allemagne, l’Espagne (position pouvant évoluer en fonction des mesures adoptées par la partie britannique), la Lettonie, l’Autriche, le Portugal, la Roumanie et le Liechtenstein.
La Belgique a également fait savoir que sa position pourrait évoluer, lorsque la nouvelle politique d’immigration britannique sera clarifiée.
La Bulgarie, Chypre et l’Islande n’ont pas encore fait connaître leur position. Tandis que la Grèce n’a pas encore décidé de la sienne.
Certains pays rappellent également que l’exercice d’une activité rémunérée sur leur territoire est soumise, en fonction des secteurs concernés, à la détention d’une autorisation de travail, désormais applicable aux ressortissants britanniques.
L’on notera également que concernant Gibraltar : celui-ci ne fait pas partie du Royaume-Uni. Toutefois, le droit de l’Union y est applicable dans la mesure prévue par l’acte d’adhésion de 1972 [5], en vertu de l’article 355, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lequel dispose en substance que :
« Les dispositions des traités s’appliquent aux territoires européens dont un Etat membre assume les relations extérieures ».
Le Brexit a ainsi entraîné l’inscription de Gibraltar, avec les autres territoires britanniques d’outre-mer, sur la liste de la partie 3 de l’annexe II du règlement (UE) 2018/1806, désormais intitulée :
« Ressortissants britanniques qui ne sont pas citoyens britanniques ».
Et comprenant les catégories suivantes :
Ressortissants britanniques (outre-mer) [6] ;
Citoyens des territoires britanniques d’outre-mer (British Overseas Territories Citizens)
« Ces territoires comprennent Anguilla, les Bermudes, Gibraltar [7], les Îles Caïmans, les Îles Falkland, les Îles Géorgie du Sud et Sandwich du Sud, les Îles Pitcairn, les Îles Turks-et-Caïcos, les Îles Vierges britanniques, Montserrat, Sainte-Hélène, Ascension et Tristan da Cunha, le Territoire de l’Antarctique britannique et le Territoire britannique de l’océan Indien » ;
Citoyens britanniques d’outre-mer (British Overseas Citizens) ;
Personnes britanniques protégées (British Protected Persons) ;
Sujets britanniques (British Subjects)
En ce qui concerne ces citoyens non-britanniques, ont décidé d’une obligation de visa, dans le cadre de l’exercice d’une activité rémunérée : la République Tchèque, l’Allemagne, l’Estonie, l’Espagne, l’Italie, la Lettonie, la Hongrie, l’Autriche, le Portugal, la Roumanie, l’Islande et la Suisse.