Conditions de mise en place et fonctionnement du CHSCT.

Par Laurent Vovard, Avocat.

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Explorer : # santé au travail # représentation du personnel # conditions de travail # sécurité au travail

Un arrêt récent de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 19 février 2014 (n°13-12207) publié au bulletin, sur le cadre dans lequel le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT) doit être institué, est l’occasion de faire le point sur les conditions de mise en place et de fonctionnement du CHSCT.

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1/ - Qu’est ce que le CHSCT ?

Le CHSCT a été créé par la loi Auroux du 23 décembre 1982 à la place du comité d’hygiène et de sécurité et la commission d’amélioration des conditions de travail qui lui préexistaient, et a pris de plus en plus d’importance à mesure que les questions de santé au travail se sont faites plus prégnantes.

Il s’agit d’une institution représentative du personnel dotée de la personnalité morale qui est destinée à assurer le respect des prescriptions en matière d’hygiène et de sécurité. Son organisation et son rôle sont définis par les articles L 4611-1 et R 4612-1 et suivants du Code du travail.

2 / - Dans quelles circonstances mettre en place un CHSCT ?

Le cadre de l’établissement

Toutes les entreprises, quelles que soient la nature de leur activité et leur forme juridique, relèvent des dispositions du code du travail sur le CHSCT (entreprises industrielles, commerciales, agricoles, sociétés civiles, syndicats professionnels, associations, y compris à caractère cultuel…)

Le cadre retenu pour la mise en place d’un CHSCT est l’établissement (art. L4611-1 du Code du travail) en raison notamment de la proximité nécessaire aux situations de travail.

L’administration retient en principe deux critères pour caractériser un établissement distinct, l’un d’implantation géographique et l’autre d’autonomie suffisante pour le traitement des questions d’hygiène et de sécurité. En pratique, la notion d’établissement recouvre un site de production. A noter que la détermination du ou des établissements peut résulter d’un accord avec les organisations syndicales représentatives

Ainsi, la création d’un CHSCT est obligatoire si l’établissement a occupé au moins cinquante salariés pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes. Lorsque le seuil d’effectif requis n’est pas atteint, l’inspecteur du travail peut toutefois imposer la création du CHSCT sous certaines conditions (nature des travaux effectués, agencement ou équipement des locaux…).

En outre, l’établissement doit être doté d’une représentation du personnel (délégués du personnel et/ou comité d’entreprise ou d’établissement) qui désignera les représentants du personnel au CHSCT.

Dans les établissements qui occupent, de manière habituelle, au moins cinq cents salariés, il peut être envisagé ou imposé la création de plusieurs CHSCT si certaines conditions sont réunies (afin de tenir compte de la nature, de la fréquence et de la gravité des risques...)

Quid d’une entreprise de plus de 50 salariés répartis en plusieurs établissements de moins de 50 salariés ?

Réponse de la Chambre sociale de la Cour de Cassation aux termes d’un arrêt du 19 février 2014 (n°13-12207) concernant une entreprise qui employait 1000 salariés répartis sur une quarantaine de sites dont l’un seulement comptait plus de 50 salariés :

« attendu que tout salarié employé par une entreprise dont l’effectif est au moins égal à cinquante salariés doit relever d’un CHSCT ;

Et attendu que le tribunal d’instance, qui a constaté que la société XXX employait environ mille salariés répartis sur une quarantaine de sites et disposait d’un comité d’entreprise unique, en a exactement déduit que la décision de l’employeur de ne mettre en place de CHSCT que sur l’un de ces sites, le seul employant plus de cinquante salariés, alors que le CHSCT aurait dû couvrir toute l’entreprise, était irrégulière…  »

Les motifs de la décision contre laquelle un pourvoi avait été formé sont intéressants : « un découpage en établissements distincts ne doit pas conduire à l’identification d’établissements laissant les personnes qui y travaillent en dehors du champ de tout CHSCT ; que les unités ainsi délimitées, n’atteignant pas le seuil de 50 salariés, doivent être regroupées en unités plus grosses pour atteindre ce seuil entre elles, ou être rattachées à des unités répondant déjà à cette condition »

A noter que la décision relève – ce qui n’est pas neutre pour la solution retenue – qu’au sein de la société en question un seul comité d’entreprise avait été constitué à l’exclusion de tout comité d’établissement et que les activités de l’entreprise ne constituaient pas des secteurs d’activité distincts.

3/ - La composition du CHSCT :

(i) L’employeur

Il est investi, de plein droit, de la présidence du comité.

(ii) Les représentants du personnel

Un secrétaire est choisi au sein de la délégation du personnel appelée à siéger au CHSCT. Il est choisi par les représentants du personnel et le président. Il est chargé d’établir, conjointement avec le président, l’ordre du jour des réunions. Il est par ailleurs appelé à en dresser les procès-verbaux.

La délégation du personnel est formée d’un nombre de salariés – variable selon l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement (entre 3 et 9) – élus pour une durée de deux ans renouvelable par un collège unique composé des membres élus du comité d’entreprise et des délégués du personnel.

Les représentants du personnel bénéficient de certains moyens : crédit d’heures pour l’exercice de leur mission (entre 2 et 20h/mois selon l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement) ; formation. Ils bénéficient par ailleurs d’une protection identiques à celle des membres du CE contre le licenciement.

(iii) Médecin du travail et agent de sécurité

Le ou les médecins du travail chargés de la surveillance médicale des salariés dans l’entreprise ou l’établissement et le chef du service de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, de l’agent chargé de la sécurité et des conditions de travail ont le droit de siéger au sein du CHSCT avec voix consultative.

(iv) Autres membres :

Peuvent assister aux réunions du CHSCT : l’inspecteur du travail, agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale, autorité chargée de la police des installations à risques ; de manière occasionnelle, toutes personnes qualifiées (par exemple : responsable de la formation, conseiller du travail, assistant de service social, infirmière du travail…) ; des représentants d’entreprises extérieures dans certains établissements "à risque"…

4/ - Les missions du CHSCT :

Le CHSCT a notamment pour mission (article L4612-1 du Code du travail) :

“1° De contribuer à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs de l’établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure ;

2° De contribuer à l’amélioration des conditions de travail, notamment en vue de faciliter l’accès des femmes à tous les emplois et de répondre aux problèmes liés à la maternité ;

3° De veiller à l’observation des prescriptions légales prises en ces matières.”

Le CHSCT peut ainsi intervenir de différentes manières :

- effectuer des inspections, celles-ci devant avoir lieu à intervalles réguliers selon une fréquence au moins égale à celle des réunions ordinaires de l’institution ;

- procéder à une enquête lorsqu’un salarié de l’entreprise ou de l’établissement est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel

- formuler des propositions…

- les représentants du personnel au CHSCT peuvent présenter à l’inspecteur du travail, leurs "observations" pour attirer son attention sur certaines défaillances ou certains dangers.

- le CHSCT doit être consulté dans un certain nombre d’hypothèses étant précisé que lorsqu’il est consulté sur un thème qui appelle aussi consultation du comité d’entreprise, l’avis du CHSCT doit être sollicité préalablement à la réunion du CE. Le CHSCT doit ainsi notamment donner son avis et doit être consulté dans les hypothèses suivantes :

- sur les documents se rattachant à sa mission, par exemple le règlement intérieur

- avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène, de sécurité ou de travail, notamment avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation de la tâche ; avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail (article L4612-8 du Code du travail)

- avant un certain nombre de décisions intéressant l’une des rubriques qui fixent son champ de compétence

- sur les conséquences sur la sécurité et la santé des salariés des projets d’introduction de nouvelles technologies ou de leur introduction,

- sur le plan d’adaptation que doit établir l’employeur avant de mettre en œuvre des mutations technologiques importantes et rapides ;

- recueilli sur le dossier établi par le chef d’entreprise (ou d’établissement) à l’appui d’une demande d’autorisation d’implantation d’une installation emportant des risques particuliers…

- le CHSCT est enfin tenu de se prononcer sur tout problème de sa compétence dont il est saisi par le chef d’entreprise ou d’établissement, le comité d’entreprise ou d’établissement, les délégués du personnel.

- Si un représentant du personnel au CHSCT constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, il dispose d’un droit d’alerte : il doit en informer immédiatement par écrit l’employeur ou son représentant étant précisé que cet avis contraint l’employeur ou son représentant à procéder sans délai à une enquête.

5/ - Le fonctionnement du CHSCT

(i) Moyens matériels :

Le CHSCT n’est, en principe, pas doté d’un budget de fonctionnement. Doivent être mis à sa disposition, les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions, à la préparation et à l’organisation des réunions ainsi qu’aux déplacements inhérents aux enquêtes ou inspections conduites...

De même, le CHSCT n’a, en principe, pas de local permanent

(ii) Réunions :

Le CHSCT doit être réuni, au minimum, selon un rythme trimestriel.

Une réunion exceptionnelle pourra avoir lieu lorsqu’est survenu un accident ayant entraîné ou pu entraîner des conséquences graves ainsi que dans l’hypothèse où une demande de réunion, dûment motivé par deux des membres du CHSCT représentant le personnel. Une réunion d’urgence du CHSCT est par ailleurs requise en cas de divergence sur la réalité d’un danger grave et imminent.

Les séances du CHSCT doivent se dérouler pendant les heures de travail et dans un "local approprié" situé au sein de l’établissement. Le temps passé en réunion est payé comme temps de travail et ne s’impute pas sur les crédits d’heures alloués aux représentants du personnel.

L’ordre du jour des réunions est établi par le président et le secrétaire du CHSCT. Il est transmis par le président aux membres quinze jours au moins avant la date fixée pour la réunion. Il doit également être transmis à l’inspecteur du travail.

(iii) Informations données aux membres du CHSCT par le chef d’entreprise ou d’établissement :

Le chef d’entreprise ou d’établissement doit régulièrement fournir au CHSCT l’ensemble des informations “nécessaires pour l’exercice de ses missions”. Il doit également transmettre les attestations, consignes, résultats et rapports mis à sa charge au titre de l’hygiène et de la sécurité du travail ainsi que les observations éventuellement formulées, en ces matières, par l’inspecteur du travail, le médecin inspecteur du travail et les agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.

Le chef d’entreprise ou d’établissement est, de surcroît, tenu de présenter au CHSCT, au moins une fois par an :

- un rapport écrit dressant le bilan de la situation générale en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail dans l’unité en cause ; les actions menées au cours de l’année écoulée.

- un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail établi à partir des analyses de risques réalisées par le comité et, s’il y a lieu, des informations figurant au bilan social ; doit y être portée la liste détaillée des mesures à prendre au cours de l’année à venir afin de satisfaire aux prescriptions légales en matière d’hygiène, de sécurité et de formation sur chacun de ces thèmes, en précisant les conditions de leur exécution et en procédant à une estimation de leur coût.

(iv) Recours à un expert :

Le CHSCT peut faire appel à un expert agréé, indépendant de l’entreprise, dans les cas suivants (art. 4614-12 du Code du travail) :

- lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté ;

- en cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail.

A noter que la loi du 14 juin 2013 a introduit la possibilité pour le CHSCT de recourir à une expertise en cas de projet de restructuration et de compression des effectifs mentionné à l’article 4614-12-1 du code du travail.

Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.

En cas de contestation du recours à une expertise, le chef d’entreprise peut saisir le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés étant ici précisé que l’employeur doit supporter les frais de la procédure de contestation de l’expertise dès lors que la décision du CHSCT ne présente pas un caractère abusif.

L’employeur doit fournir à l’expert “les informations nécessaires à l’exercice de sa mission”.

A noter que pour permettre la réalisation d’une expertise unifiée et globale sur des projets concernant plusieurs établissements d’une entreprise, la loi du 14 juin 2013 a retenu la mise en place d’une instance de coordination des CHSCT, issue des comités locaux, qui peut faire appel à une expertise unique tout en garantissant le maintien de la compétence des CHSCT locaux pour rendre un avis et mesurer l’impact du projet sur la situation spécifique de l’établissement dont chacun relève.

L’initiative de mettre en place l’instance de coordination appartient à l’employeur.

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