Conservation des données dans le STIC et violation de l’article 8 de la CEDH.

Par Mareva Desbois, Avocat.

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Explorer : # vie privée # conservation des données # recours effectif # droit européen

L’arrêt rendu par la Cour Européenne des Droits de l’Homme le 18 septembre 2014, (M. François X c/ France) énonce que la conservation dans le Système de Traitement des Infractions Constatées (ci-après le « STIC »), pendant une durée de 20 ans, de données relatives à une personne ayant bénéficié, à la suite d’une médiation pénale, d’un classement sans suite, constitue une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et une violation de l’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

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Le requérant formulait, en avril 2009, une requête auprès du Procureur de la République, en suppression de ses données du fichier STIC, ayant bénéficié, à la suite d’une médiation pénale, d’un classement sans suite. Les dispositions de l’article 3 du décret du n° 2001-583 du 5 juillet 2001 pris pour l’application des dispositions du troisième alinéa de l’article 31 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dite "Loi Informatique et Libertés", et portant création du système de traitement des infractions constatées, prévoyait, dans sa version en vigueur à l’époque des faits, une procédure de ce type pour les personnes mises en cause.

Par une décision du 1er décembre 2009, le Procureur de la République rejetait la demande précitée, au motif que la procédure avait fait l’objet d’une décision de classement sans suite fondée sur une autre cause que l’« absence d’infraction » ou une « infraction insuffisamment caractérisée » , tel que prévu par les dispositions de l’article 21 de la loi du 18 mars 2003. Cette décision était, à l’époque des faits, insusceptible de recours.

Après épuisement des voies de recours internes, le requérant a saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme, considérant que l’absence de recours contre la décision du 1er décembre 2009, est contraire à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

On rappelle les dispositions de l’article 8 de la CEDH :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit, que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

La Cour, afin de se prononcer sur le recours qui lui était soumis, s’est donc interrogée sur le caractère proportionné du délai de conservation des données dans le STIC, en tenant compte de la faculté pour l’intéressé, de demander la suppression anticipée des données.

La Cour constate que la loi, dans sa version applicable à l’époque des faits comme dans celle en vigueur ne donne la faculté au Procureur de la République d’ordonner l’effacement d’une fiche, que dans l’hypothèse d’un non-lieu ou d’un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, de sorte qu’en l’espèce, le Procureur de la République s’était trouvé incompétent pour statuer sur la demande, et aucun recours à l’époque des faits, n’était disponible contre ladite décision, de sorte que ledit recours ne présentait pas le caractère d’effectivité nécessaire.

Compte tenu de ces éléments, la Cour a considéré que malgré le caractère limité dans le temps, de l’inscription des données litigieuses dans le STIC, le requérant ne disposait pas d’une faculté réelle de demander l’effacement des données le concernant, de sorte que le régime de conservation des fiches dans le STIC, tel qu’appliqué au requérant, ne traduisait pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés en jeu.

La Cour en a conclu que la conservation litigieuse, parce qu’elle découlait d’une procédure qui, à l’époque des faits, ne permettait pas un recours effectif du requérant contrat la décision de rejet rendue à son encontre, s’analyse en une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée, en violation des dispositions de l’article 8 de la CESDH.

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