Construction et assurance : gare à l’illusion de la sécurité.

Par Alexandre Jeleznov, Avocat.

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Explorer : # assurance construction # responsabilité civile # exclusions de garantie # litiges contractuels

L’assurance de responsabilité civile souscrite par le professionnel de la construction est une garantie toute relative, aussi bien pour lui-même que pour son client.

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Le professionnel de la construction consciencieux prendra soin de souscrire une assurance couvrant les conséquences de sa responsabilité civile à l’égard des tiers, et plus particulièrement, de ses clients.
Il en a d’ailleurs l’obligation, lorsque cette responsabilité est susceptible d’être engagée du fait de désordres à caractère décennal, c’est-à-dire ceux postérieurs à la réception de l’ouvrage et présentant un certain degré de gravité (articles L242-1 du Code des assurances et 1792 du Code civil).

Pour sa part, le client précautionneux demandera (au minimum) à ce même professionnel de lui fournir une attestation d’assurance avant que le chantier ne soit initié.

Lorsque l’entrepreneur démontre être valablement assuré, lui-même et son client peuvent se considérer protégés tant contre les conséquences d’un sinistre, que contre la défaillance de l’entrepreneur (placement en redressement ou en liquidation judiciaire, impossibilité ou refus d’achever les travaux, etc.).

Ce serait commettre une lourde erreur, dont les conséquences peuvent être graves pour chacune des parties au contrat.

En effet, il existe un grand nombre d’hypothèses dans lesquelles l’assureur n’a pas vocation à intervenir, privant l’infortuné client de recours, et l’entrepreneur, de soutient.

Sans prétendre à l’exhaustivité et sauf cas très exceptionnels, ne seront ainsi jamais pris en charge par l’assureur :

  • le coût des travaux d’achèvement d’un ouvrage non terminé (néanmoins, dans un contrat de construction de maison individuelle, ce risque devra être assumé par le garant) ;
  • le coût des travaux de reprise des réserves, faites par le client au moment de la réception ;
  • le coût des travaux de reprise (et éventuellement, de démolition) rendus nécessaires par suite de désordres
    • postérieurs à la réception,
    • non réservés ni apparents au moment de celle-ci,
    • et qui ne rentrent pas dans le champ d’application des garanties légales (c’est à dire la garantie décennale et la garantie de bon fonctionnement)

En effet, tous ces types de dommages font quasi systématiquement l’objet d’exclusions de garantie dans le cadre des polices d’assurance contemporaines.

Et cela s’explique aisément : si des « sinistres » de ce type étaient pris en charge, les entrepreneurs pourraient, à leur guise, s’abstenir d’exécuter leurs obligations et faire payer par leur assureur l’achèvement ou la réfection des prestations défectueuses.

Le contrat d’assurance cesserait ainsi d’être aléatoire, alors que telle est sa nature.

Par ailleurs, indépendamment de la nature ou de la date d’apparition des désordres ou non-façons déplorés par le maître d’ouvrage, nombreuses sont les hypothèses dans lesquelles un assureur pourra refuser sa garantie.

Parmi les nombreux exemples, l’on peut citer :
- le cas où l’entrepreneur exerce une activité non déclarée à l’assureur (un carreleur exécute des travaux de fumisterie, par exemple) ;
- le cas où l’entrepreneur s’est engagé dans une opération dont le coût ou l’ampleur dépassent les limites fixées par l’assureur dans sa police ;
- l’hypothèse où l’assuré a fait une fausse déclaration intentionnelle du risque au moment de la souscription de la police.

Dans tous ces cas de figure et à moins que le refus de garantie ne soit désavoué par les tribunaux, si un litige survient, le client n’aura que l’entrepreneur comme seul débiteur.

Or, si celui-ci ne souhaite ni terminer/refaire les travaux, ni n’est en mesure de le dédommager, le maître d’ouvrage aura perdu son temps et son argent.

Les enseignements à tirer de ce qui précède sont donc, notamment, les suivants :
- pour le client, confier des travaux d’un montant important à une entreprise ou à un artisan dont la solvabilité est incertaine, constitue un risque non négligeable. Verser un acompte, surtout s’il est conséquent, est plus risqué encore.
- pour le professionnel, il est périlleux de se désintéresser d’un litige et/ou de ne pas privilégier une solution amiable en comptant sur la garantie de l’assureur. En effet, celui-ci ne se privera pas de la refuser si l’opportunité se présente.
- il est important que le professionnel connaisse la nature et l’étendue exacte des garanties contenues dans la police qu’il a souscrite, pour limiter le risque pécuniaire en cas de litige.

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