A l’origine, faut-il le rappeler, le notaire est un scribe, un secrétaire (Rois, Ed. ER, Curtius, IV, XXII, 3, p.220 : « Saphan (…) qui ert uns maistrus notaries del temple ».) .
Aujourd’hui, en 2013, il est un officier ministériel investi d’une mission d’autorité publique. A ce titre, sa responsabilité est importante. Elle peut être civile, pénale, disciplinaire (Cf. Responsabilité des notaires, Jeanne de Poulpiquet, Ed. Dalloz Référence) .
Cet article ne traite que du droit de la responsabilité civile. En tout état de cause, la jurisprudence ne retient, dans la grande majorité de ses décisions, que cette dernière responsabilité.
Les obligations du notaire, du seul fait de son statut, justifient qu’il en soit ainsi. L’officier ministériel investi d’une mission d’autorité publique, et dont les actes équivalent à un jugement, n’a pas droit à l’erreur.
Pour autant, la mise en œuvre de cette responsabilité impose la preuve de l’existence d’une faute, d’un préjudice et, vu les dispositions de l’article 1382 du Code civil , d’un « lien de causalité » (article 1382 Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »).
La masse conséquente des actes notariés (alliée à un droit de plus en plus complexe) est telle aujourd’hui que les fautes professionnelles deviennent de plus en plus nombreuses.
Cette « profession tournée vers l’avenir » (109 congrès des notaires de France à Lyon, discours de C. Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la Justice) verra son niveau d’accès « élevé » au niveau d’un master par le décret du 13 mars 2013. La formation précédente ne donnait, il est vrai, que de simples juristes quelquefois peu qualifiés et dont l’erreur de plume pouvait avoir des conséquences gravissimes. Espérons que ce nouveau texte modernisera effectivement cette profession.
Quoi qu’il en soit, force est de constater que la jurisprudence est de plus en plus sévère à l’égard des notaires. La faute, que les juges apprécient « in abstracto » en considération du « bon notaire » (un « officier ministériel normalement diligent »), sans toutefois rien préciser de la normalité ni de la notion, très vague, de diligence, impose donc au notaire d’être avisé, compétent, méfiant (CA Lyon, 1ère chambre, 31 mai 2001, Juris Data, n°01-144758) . Tout comportement divergent est donc sanctionnable.
Malgré ces précisions sémantiques, on ne manquera pas de relever que ces critères sont très subjectifs puisqu’ils peuvent s’interpréter très différemment en fonction du contexte, voire de l’époque. Ainsi, et pour en revenir au décret de mars qui tend à élever le niveau des notaires, devra-t-on en conclure que l’obtention dudit sésame donnera meilleure compétence au notaire ? Bien entendu la réponse est négative. La notion même de compétence (savoir, savoir-faire, savoir-être), tirée de l’expérience, est trop complexe à définir et les juges se devraient de juger in concreto tant il est dangereux de fixer une grille de référence en la matière.
Sur l’appréhension de la faute du notaire
L’acte notarié, acte authentique, engage le client ? Cet engagement peut-être très lourd de conséquences. Dès lors, le rédacteur subit la contrainte de délivrer à son client l’intégralité des conséquences qui naîtront de l’acte et ce, quelques soient les compétences de ce dernier (Cass. Civ. 1ère 28 novembre 1995, n°93-15.659 : « Le notaire n’est pas déchargé de son devoir de conseil par les compétences de son client »).
Le notaire se doit donc à la plus grande impartialité vis-à-vis de la partie qui l’a diligenté. Il ne saurait accepter un acte qui néglige « les intérêts d’un client occasionnel pour favoriser des clients habituels » (Cass. Civ 1ère 14 février 1950 : Bull. Civ. I n°44) .
Sur les enjeux financiers de l’acte
Quelques soient ces enjeux, le notaire se doit au devoir de l’impartialité. Mieux, l’acte serait-il gratuit, sa responsabilité ne sera pas exonérée en cas de mise en cause pour inobservation de la diligence, n’aurait-il accepté que de corriger un acte non rédigé par ses soins (Cass. Civ 1ère 16 février 1994, n°91-20.463 : Bull. Civ. I n°69).
Comme nous l’avons précédemment noté, le notaire, autrefois, était un simple scribe. Peut-il aujourd’hui s’exonérer de ses responsabilités en arguant qu’il n’est intervenu que comme un simple rédacteur ?
Sur l’intervention du notaire
Puisqu’il a le pouvoir de transformer un simple acte sous seing privé en acte authentique du seul fait de sa signature et de son sceau, le notaire est obligatoirement engagé dès lors qu’il participe à la rédaction d’un acte. De même, il a l’itérative obligation de s’assurer que les parties ont saisies l’intégralité des engagements qu’elles prennent, des conséquences qui vont en découler. A défaut, il engage, là encore, sa responsabilité.
Sur la défausse du notaire
Hors cas de force majeure ou le mensonge son client, le notaire ne saurait s’exonérer. Et même dans ce dernier cas de figure, s’il apparait que le notaire pressentait l’existence d’un risque, sa responsabilité pourrait être mise en cause.
Mentionnons également que l’exonération peut jouer si le notaire est amené à violer le secret professionnel. Mais dans ce dernier cas, sa responsabilité pourra, là encore, être mise en cause, s’il apparait qu’il aurait pu informer ses clients en « dépersonnalisant » les informations par lui détenues.
Avec quels critères peut-on définir la faute du notaire ?
L’omission d’une formalité essentielle constitue bien évidemment une faute engageant la responsabilité du notaire (Cass. Civ. 1ère 6 février 1979, n°77-15.232 : Bull. Civ. I n°45) .
Il sera également mis en cause s’il omet de vérifier, par exemple, les origines d’un immeuble dont il rédige l’acte de vente, la situation hypothécaire du bien, la présence d’éventuelles servitudes… Bref, une vérification « a minima » du bien en vente.
Au-delà de ces formalités, il a le redoutable devoir de conseil qui lui impose d’informer ses clients sur l’intégralité des risques de l’opération ( Ainsi par exemple, sur le risque de non remboursement d’un prêt : Cass. Civ. 1ère Novembre 2000, n°96-21.732 : Bull. Civ. I n°282).
Et même s’il n’a pas obligation de réaliser certaines formalités, il a le devoir d’informer ses clients d’y procéder, ainsi que de leur indiquer comment faire (Cass. Civ. 1ère 26 novembre 2002 : Bull. Civ. I n°286 ; CA Paris 7 septembre 1999, Gazette du palais) .
Sachant qu’il incombe au notaire d’apporter la charge de la preuve de son absence de faute (Cass. Civ. 1ère 25 février 1997, n°94-19.685 : Bull. Civ I n°75), que ladite preuve est très souvent difficile à établir, le notaire est de plus en plus souvent confronté à l’impossible justification de la réalité de ses prestations. Peut-être devrait-on envisager que les rendez-vous avec les clients soient, à l’instar de ce qui existe en matière de garde à vue, filmées. Se poserait alors le délicat problème du secret professionnel. Mais les notaires tiendront-ils longtemps face à la mauvaise foi de certains acquéreurs ?
Comme noté supra, la faute seule n’engage pas la responsabilité du notaire, sauf pour le demandeur à justifier, d’un préjudice et de l’existence d’un lien causal avec la faute invoquée.
Pourtant, lorsque la faute est avérée, de fait du non respect de l’obligation de conseil ou d’information, « une incertitude affecte presque congénitalement le lien de causalité » (P. Jourdain J-C, Responsabilité civile et assurance). Les juges ont donc obligation, du seul fait de l’existence de la faute, de retenir l’existence du lien de causalité.
Ainsi, par exemple, tel acquéreur se portant pour un bien immobilier sans connaitre précisément l’identité des personnes y composant la SCI venderesse, serait en droit de mettre en cause le notaire qui n’aurai pas jugé bon de transmettre l’identité réelle des vendeurs (fussent-ils sous l’identité d’une personne morale), et à tout le moins le k-bis, voire les statuts de la SCI à l’acquéreur, au motif qu’un grave différend, susceptible de compromettre la vente, existerait entre les associés de la SCI et l’acheteur.
Si le Diable est dans les détails comme le note le proverbe, le notaire se doit d’être son meilleur ami. Et que les acheteurs se rassurent, ils auront toujours, en l’état du droit, les moyens de se retourner contre les fripons et autres incompétents.
Les juges y veillent sévèrement (Cf. Notaires et promoteurs immobiliers : une liaison dangereuse ? , in l’Expansion, 30 décembre 2010) .
Discussions en cours :
Bonjour Maitre,
Merci pour cette note très instructive.
Pourriez-vous m’indiquer comment faire pour retrouver cet arrêté (ci-dessous) publier dans votre notre.
"Le notaire se doit donc à la plus grande impartialité vis-à-vis de la partie qui l’a diligenté. Il ne saurait accepter un acte qui néglige « les intérêts d’un client occasionnel pour favoriser des clients habituels » (Cass. Civ 1ère 14 février 1950 : Bull. Civ. I n°44) « .
D’avance merci.
Bonjour Maître, au décès de ma mère le notaire a vendu sans nous en informer le portefeuille de titres qu’elle gardait religieusement intact depuis le décès de notre père ...Et que nous avions également prévu de conserver en l’état d’autant qu’une crise boursière faisait rage au moment de cette vente. Nous sommes allés devant le tribunal judiciaire qui a retenu la faute et la responsabilité du notaire, nous avons obtenu des DI pour préjudice moral. Pour autant nous ne sommes pas satisfaits car le tribunal n’a pas retenu le préjudice économique et nous allons former appel de cette décision. Nous ne jouerons pas sur la notion de perte de chance, terrain de jeu de l’avocate du notaire... nous voudrions demander la reconstitution du portefeuille au jour du partagte, tel qu’il aurait dû être sans la faute du notaire...Il suffit alors de soustraire la différence de la valeur du portefeuille au jour du paratage du produit de la vente des titres 9 mois plus tôt (sans que jamais nous n’en ayons été informés, nous l’avons appris accidentellement 9 mois plus tard...Sans même que les fonds aient été transférés du DCN au DCO...)
Pensez vous que la simple reconstitution du portefeuille en nombre de titres au jour du partage soit une demande légitime de notre part ?
Merci d votre retour Maître...
Bonjour Maître,
J’ai un souci auquel je ne trouve pas de réponse. Lors du décès de ma mère en 2015, la déclaration de succession que nous avons reçue comportait 3 erreurs d’écriture. La 1ère sur l’année de naissance de mon frère aîné. La 2ème sur mon code postal. Et la 3ème sur la dénomination d’une action auquel il manque une lettre, soit Essilo au lieur de Essilor.
Depuis 7 ans, je demande à ce que cette déclaration soit rectifiée. Jusque-là le notaire faisait la sourde oreille et ne répondait à aucune de mes demandes par mails, courriers, courriers en RAR, appels téléphonique. Hier, il a enfin daigné répondre à mon énième mail dans lequel il dit que ces "erreurs de plume" n’ont aucune incidence. Or, ma mère nous a toujours appris à ne jamais signer de documents sans lecture préalable et encore moins de les signer lorsqu’il comportaient des erreurs.
Ma question est, est-il vrai qu’il n’y a vraiment aucune incidence, notamment quand mon beau-père sera décédé et que la succession devra donc être faite ?
Par avance, je vous remercie de m’avoir lue et espère vous lire en retour.
Bien à vous,
Marie
Cher Maître
Un promoteur veut, depuis 10 ans, créer une grande surface sur un terrain communal.
Après différents démêlés avec les Commissions d’installations commerciales, la création de la grande surface a été autorisée par une commission, commission qui se base sur la concurrence avec les autres commerces pour donner un avis. Le compromis stipule que la vente est conditionnée à la création d’une grande surface.
Cependant, un article de loi énonce clairement que les communes hors SCOT (schéma cohérence occupation du territoire) n’ont pas le droit de laisser s’implanter de grandes surfaces.
Le maire de la commune s’apprête à vendre. S’il cache au notaire que la création d’une grande surface est interdite et ce alors que le compromis de vente explique clairement que le terrain servira à créer une grande surface, que risque t il ? S’il devait apparaître que le notaire était informé qu’il y a incompatibilité entre ce qui est noté sur le compromis et le fait qu’il n’y a pas de SCOT pour cette commune, est-ce que le notaire pourrait être condamné ? Comment les habitants de la commune concernée pourraient faire annuler la vente ? Comment savoir si la vente a déjà été actée ? En vous remerciant de votre conseil. Avec les salutations les meilleures de tout notre groupe.
A voir article L141-16
Version en vigueur depuis le 01 avril 2021
g.neger chez yahoo.com
qu’en est-il de la mise en cause de la responsabilité du Notaire lorsqu’est démontré son manque de diligence, le renvoi systématique de l’un à l’autre de leur responsabilité respective de deux notaires dans l ’absence de prise en compte des réclamations renouvelées de l’une des parties (succession - fixation du montant d’une indemnité de réduction sur donation)
Merci