Contestation d’un PLU : quels motifs d’annulation ?

Par Vivien Guillon, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # plan local d'urbanisme (plu) # procédure d'élaboration # annulation

Les objectifs multiples, parfois contradictoires, des plans locaux d’urbanisme (PLU), sont susceptibles de contrarier les intérêts des administrés, qui ne manquent alors pas de contester leur validité, soit directement, soit par le biais d’associations constituées spécialement à cet effet. Or, l’élaboration de ces documents d’urbanisme s’analyse en un véritable parcours d’obstacles, qui constituent autant de risques d’annulation.

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Créé par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, le plan local d’urbanisme (PLU) s’est substitué au plan d’occupation des sols (POS).

Dans les faits, le PLU organise le développement d’une commune, ou d’un établissement public de coopération intercommunale, en fixant les règles d’urbanisme applicables sur son territoire, comme par exemple, en zones constructibles, le coefficient d’occupation des sols, la hauteur maximale des constructions, ou les prescriptions architecturales.

Selon le Code de l’urbanisme, ce document doit permettre d’assurer, dans le respect des objectifs de développement durable, un délicat équilibre entre l’urbanisation, le développement rural, l’utilisation économe des espaces naturels, la protection des sites et du patrimoine bâti remarquable, la satisfaction des besoins en matière d’habitat, la mixité sociale et la protection de l’environnement.

Ces objectifs multiples, parfois contradictoires, sont susceptibles de contrarier les intérêts des administrés, qui ne manquent alors pas de contester les délibérations approuvant un plan local d’urbanisme, soit directement soit par le biais d’associations constituées spécialement à cet effet.

De plus, la procédure d’élaboration d’un PLU est longue et complexe, ce qui ouvre souvent aux détracteurs d’un tel projet la possibilité de soulever moult irrégularités.

La première chausse-trappe de la procédure d’élaboration réside dans la procédure de concertation prévue par l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme.

En effet, il a été jugé que « si en application de l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme, les opérations d’élaboration ou de révision du plan local d’urbanisme ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher la concertation, la délibération définissant les modalités de la concertation doit être respectée  » (CAA Marseille, 17 déc. 2010, n° 10MA02529, Commune d’Artigues : Environnement2011, comm. 57, obs. D. Gillig).

Autrement dit, il importe surtout que la délibération prévoyant la concertation définisse avec force détails les modalités de la concertation. A défaut, la concertation est jugée insuffisante, ce qui entraîne l’annulation de la délibération approuvant le PLU.

Une fois le projet de PLU arrêté par délibération du conseil municipal, le parcours d’obstacles procéduraux se poursuit alors avec l’enquête publique prévue par l’article L. 123-10 du Code de l’urbanisme.

Cette enquête, prescrite par arrêté préfectoral, doit faire l’objet d’un avis diffusé dans un journal local, précisant le nom du commissaire enquêteur ainsi que toutes les informations permettant aux citoyens consultés d’entrer en contact avec lui.

A ce stade, encore une fois, plusieurs irrégularités peuvent entraîner l’annulation de la délibération approuvant le PLU.

Ainsi, l’enquête publique ne peut débuter à une date antérieure à celle de l’arrêté le prescrivant (CE, 26 janv. 1979, n° 04259, Lorans : Rec. CE 1979, p. 31).

L’avis d’enquête publique doit être diffusé dans un journal local dont l’audience ne doit pas être trop restreinte. Le contenu de l’avis doit être suffisamment précis, notamment en ce qui concerne le nom et les modalités d’intervention du commissaire enquêteur.

A défaut, l’enquête publique est entachée d’un vice susceptible d’entraîner l’annulation de toute la procédure.

Et bien entendu, le dossier soumis à enquête doit être le plus complet possible.

En effet, un dossier d’enquête est réputé incomplet si, par exemple, il ne contient pas les schémas des réseaux d’eau et d’assainissement existants (CE, 30 mai 1994, n° 129281, Comité écologique perpignanais et a.), ou s’il ne comporte pas en annexe les avis de personnes publiques consultées au cours de l’élaboration du plan (CE, 8 juin 1994, n° 96571).

De tels vices sont considérés comme substantiels et entraînent l’annulation de toute la procédure d’élaboration du PLU.

Si l’enquête publique se déroule sans écueils, la procédure peut néanmoins trébucher sur un dernier obstacle.

En effet, la délibération d’approbation du PLU peut être critiquée sur un plan purement formel, qu’il s’agisse des règles de convocation des conseillers municipaux (trois jours francs avant la séance), de la compétence de l’auteur de l’acte, des textes et avis dont la mention est obligatoire.

Mais quand bien même un PLU a été approuvé dans le respect le plus strict de la procédure, il peut encore être attaqué sur son contenu…

En effet, le PLU doit tout d’abord contenir un rapport de présentation expliquant les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durables, les orientations d’aménagement et de programmation et le règlement.

Ce document doit présenter un diagnostic économique, démographique, environnemental et foncier du territoire couvert par le plan, et présenter une analyse de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.

Autant dire que, dans les faits, le rapport de présentation est un véritable pavé.

Il risque néanmoins d’être jugé insuffisant s’il n’est pas suffisamment explicite.

Il suffit pour cela, par exemple, qu’il soit trop succinct, qu’il ne justifie pas les choix opérés par la collectivité, ou encore qu’il s’appuie sur un diagnostic incomplet.

S’il est jugé insuffisant, le rapport de présentation ne manquera pas d’entraîner l’annulation de la délibération approuvant le PLU.

Outre ce rapport, le PLU doit être constitué d’un projet d’aménagement et de développement durable (PADD), d’un document définissant les orientations d’aménagement et de programmation, de documents graphiques, d’une liste des servitudes d’utilité publique et, bien entendu, d’un règlement.

Il va de soi que l’absence de l’un de ces documents pourra mettre en péril l’approbation du PLU.

Sur le fond, il convient de rappeler que les appréciations portées par les auteurs des PLU ne peuvent être discutées au contentieux que si elles sont entachées « d’une erreur manifeste ou fondées sur des faits matériellement inexacts » (CE, 30 décembre 1998, n° 158873, Cne Saint-Jean-de-Sixt. – jurisprudence constante, CE, 8 oct. 2008, Babeuf : JCP A 2008, act. 900).

Cela signifie que le juge administratif ne sanctionnera les choix opérés par une commune que s’ils révèlent la méconnaissance grossière d’une situation préexistante.

Au-delà de ces erreurs manifestes, le PLU n’est pas valable si les documents qui le composent comportent des imprécisions, des erreurs ou des contradictions.

Par ailleurs, le juge sanctionne l’atteinte excessive aux libertés fondamentales, telles que le droit de propriété ou la liberté du commerce et de l’industrie.

Il est cependant assez rare que le juge administratif soit amené à sanctionner la violation de ces principes.

Le PLU doit également être compatible avec les règles d’urbanisme « supérieures », à savoir notamment les schémas de cohérence territoriale (SCOT), les schémas de secteur, les chartes des parcs naturels régionaux et, bien entendu, les principes généraux des articles L. 111-1 à L. 111-13 du Code de l’urbanisme.

Enfin, l’approbation d’un PLU est sanctionnée s’il apparaît que les choix opérés caractérisent un détournement de pouvoir. Pour établir un tel détournement, il convient de démontrer que la modification d’une règle d’urbanisme poursuit un but étranger au but affiché.

Ainsi, a été jugé illégal le classement en zone NA destiné à permettre l’installation d’équipements hippiques par la famille du maire (CE, 6 nov. 2006, n° 277829, Assoc. Les amis du château d’Hénonville).

Au vu de ces multiples aléas, il apparaît que l’élaboration d’un PLU est une entreprise des plus périlleuses.

Pour contester un PLU, il convient de former un recours devant le Tribunal administratif, contre la délibération d’approbation, dans les deux mois de la publication de celle-ci.

Si le requérant souhaite faire échec à l’application du PLU pendant la durée de l’instance, il devra en outre introduire un référé-suspension, à condition de justifier de l’urgence à suspendre l’application du nouveau PLU, et d’une illégalité affectant la délibération qui l’approuve.

En cas d’illégalité, les effets de l’annulation de la délibération approuvant le PLU sont susceptibles de varier en fonction du motif d’annulation retenu.

Ainsi, l’annulation d’un PLU pour vice de procédure oblige les services à reprendre ladite procédure à dater de l’illégalité censurée (CE, 6 avr. 1992, Assoc. Amis Saint-Palais-sur-Mer : AJDA 1992, p. 761, note H. Jacquot).

L’annulation étant rétroactive, il convient d’appliquer l’ancien PLU ou POS dans l’intervalle.

Toutefois, si le PLU est entaché d’une illégalité de fond, il fera l’objet dans la plupart des cas d’une annulation partielle.

Ainsi, si le classement d’un terrain dans une zone donnée est jugé illégal, cette illégalité n’affectera au plus que le règlement de cette zone, et non l’ensemble du PLU (CE, 4 sept. 1995, Falcoz : BJDU, n° 4, 1995, p. 342).

L’élaboration d’un PLU se révèle donc être un véritable parcours d’obstacle, au cours duquel les motifs d’annulation potentiels ne manquent pas.

En dépit du rôle modérateur du juge, qui s’attache à limiter les effets des annulations contentieuses, la fragilité des procédures d’élaboration est susceptible, à terme, d’aller à l’encontre de l’intérêt général, et de mettre à mal l’adaptation des règles d’urbanisme à la réalité démographique, économique et environnementale des territoires.

Vivien GUILLON
Avocat au Barreau de Paris
http://www.avocat-guillon.com

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Discussions en cours :

  • Bonjour,
    Le service Urbanisme refuse ma déclaration de travaux car ma maison est classé dans le bâti protégé du PLU de la commune sans que je sois averti.
    De plus, ma maison est mitoyenne et la maison de ma voisin n’est pas classée comme la mienne.
    Quand j’ai questionné le service urbanisme, le fait se base sur des photos non détaillées.
    Avant l’instauration de cette règle PLU ma déclaration avait été acceptée mais j’avais omis de mentionner le ravalement et du coup la modification de cette déclaration a été annulée et aujourd’hui, on me demande de remettre les façades à l’identique du passée, chose qui n’est plus possible, mes 2 déclarations ont été rejetés.
    Aujourd’hui, je souhaite faire retirer ma maison du bâti protégé communale, car j’estime que les photos ne sont pas parlantes pour définir ce classement.
    Pouvez-vous me venir en aide et de m’éclairer sur les possibilités pour ce recours ?
    Merci.

    NR

    • par Vivien GUILLON , Le 17 septembre 2020 à 14:47

      Cher Monsieur NR,

      Je vous propose de me contacter à l’adresse contact chez avocat-guillon.com si vous souhaitez échanger sur les possibilité d’abrogation du PLU en ce qu’il a prévu une protection particulière de votre bâti.

      Bien cordialement.

      Vivien GUILLON

  • Dernière réponse : 21 juillet 2020 à 15:54
    par trocaz , Le 25 avril 2018 à 22:40

    bonjours,

    n’ayant découvert le PLU que très tardivement et surtout suite au projets d’urbanisations mitoyen a notre maison présenter il y a une semaine. je me demande si une intervention juridique peux être envisagée contre ce PLU deux ans après l’approbation par le conseil municipal en raison de non respect d’éventuels règles.

    merci pour vos réponses

    • par rap , Le 16 mai 2018 à 21:36

      bonjour je viens de m apercevoir que je suis dans le meme cas que vous j ai acheté un terrain constructible il y a 8 ans et aujourd hui je voudrais construire une maison dessus et en allant a la mairie pour prendre la demande de permis de construire le maire m annonce que ma parcelle n est plus constructible
      y a t il des recours
      merci d avance pour vos réponses

    • par GUELLAFF , Le 2 octobre 2018 à 12:32

      je suis confronté à un problème de déclassement d’un terrain constituant le "domaine de ma résidence principale, le tout étant entouré de mur...Ce terrain à été acquit il y a quelques années dans un cadre patrimonial ,agrandissant le terrain initial de 1131m2 à 2006m2 en zone constructive...Je n’aurai jamais imaginé qu’une telle décision de déclassement puisse être affecté à un terrain faisant partie intégrante de ma propriété....J’ai apprit cette décision par hasard, je savais qu’un PLU était en cour, et le délai de contestation étant supérieur aux deux mois légaux, je ne sains pas vers quel organisme me tourner pour contester cette décision, je fais une lettre au maire en recommandé avec AR mais je connais d’avance la réponse....
      pouvez vous me dire si vous avez été confronté à ce genre d’action amputant notamment le montant patrimonial.....
      Merci de votre réponse

    • par Alexandra Gente , Le 1er février 2019 à 12:05

      Bonjour
      En janvier 2013 j’ai fait borner un terrain avec Cu opérationnel .
      En mai 2013 et sans m’en avertir le maire a fait une révision du PLU concernant l’annexe 6 c’est-à-dire que ma construction est à 39 m de la rue au lieu de 35 .
      Depuis de nombreuses tentatives afin de trouver des solutions ont été mises en place avec un géomètre .
      Celui-ci à transformer l’allée en passage commun .Le Maire m’a dit que pour qu’il accepte les voisins devait signer un papier indiquant qu’il était au courant de ce passage commun .
      Or lorsque les gens se sont rendu en mairie le maire leur a dit qu’il ne fallait pas signer que c’était une entourloupe .
      J’ai donc envoyer un recommandé d’information aux deux propriétaires de chaque côté de mon terrain .
      J’ai déposé ainsi un autre CU operationnel le 31 octobre 2018 avec retrait au 30 décembre 2018 n’ayant pas de réponse cela vaut accord tacite .
      Seulement après appel en mairie hier il y avait eu refus mais les documents ont été envoyés à une mauvaise adresse stipulant que l’erreur est humaine.
      Je m’aperçois qu’en mairie tout est fait pour que ce terrain ne puisse être vendu car certains voisins souhaiteraient l’acquérir mais en terre agricole .
      Quels sont mes recours ?
      Recours civile amiable ou autre ?
      Cordialement Madame Gente

    • par Francis D , Le 26 mai 2020 à 14:00

      Bonjour,
      situation similaire pour moi.
      J’avais un morceau de terrain constructible sur le précédent PLU, et maintenant sur le nouveau validé fin 2019, ce morceau est passé en agricole.
      Est ce que je n’aurai pas du être contacté personnellement pour m’informer de ce changement sur une parcelle m’appartenant ?
      Est ce que j’ai un recours pour repasser ce morceau de terrain en constructible ou au pire être indemnisé de la somme perdu sur la valeur de ce terrain ?

      Merci pour vos conseils et bonne journée.

    • par Franck , Le 21 juillet 2020 à 15:54

      Bonjour,
      Comme beaucoup, c’est après l’adoption du PLU que j’ai constaté qu’une partie de mon terrain était devenu non constructible, hélas le PLU a été validé en 2016.

      Est-il utile d’engager une procédure pour revoir cette partie constructible ?

      Je tiens a vous informer que dans le même temps, la commune a décidé de rendre des terrains inconstructibles en terrain constructibles pour prétexte de faire amener de nouveaux résidents sur la commune, car la commune ne dispose pas suffisamment de terrain du domaine privé de la ville, et d’en le même temps réduire la surface d’autres propriétaires.

      En fait, certains propriétaires leur terrain est devenus constructibles et d’autres non constructible, pourtant les terrains sont situés à peine 200 m de distance.

  • par Nadine , Le 3 octobre 2019 à 16:43

    Bonjour
    La carte communale du village a été validée en 2015.
    Le zonage d’assainissement collectif y a été mentionné comme non collectif et le réseau communal y figure comme privé. Merci de bien vouloir me dire comment la faire annuler car le Maire refuse de la corriger et par la même occasion refuse de faire l’assainissement collectif.

  • par Jean-Marie ROY , Le 26 août 2019 à 10:12

    Article excellent permettant de comprendre très bien le sujet.
    Il aurait pu éventuellement être complété par les conditions formelles de la contestation, mais il s’agit là sans doute des règles générales applicables aux décisions administratives : L’arrêté contesté doit-il mentionner la procédure de recours, Les différentes formalités de publication nécessaires, Forme du recours, Faut-il un avocat, ..
    En tout cas, merci beaucoup pour cet article très concis et pédagogique.

  • par Loïc , Le 17 novembre 2018 à 12:43

    Bonjour, le maire de notre village souhaite agrandir le batiment voisin au notre pour en faire un cabinet médical. Il doit donc créer un parking en bordure de notre terrain et donc supprimer un espace vert. Avant cela n’aurait pas été possible mais il y a un an il a rajouté dans le PLU pour chaque cas une règle d’exemption pour les cabinets médicaux. Y a t’il un recours possible car la gêne pour nous est très importante. Merci par avance.

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