Contrats de crédit : attention aux bons de livraison !

Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat.

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Explorer : # interdépendance des contrats # contrat de crédit # bon de livraison

Les contrats concomitants peuvent être considérés comme interdépendants par le juge qui généralement constate qu’un contrat est l’accessoire d’un autre ou que des contrats sont unis par une identité de cause ou une cause commune.

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L’interdépendance des contrats a pour conséquence que le sort de l’un est lié au sort de l’autre.

La jurisprudence retient la notion d’ensemble contractuel indivisible [1]. Selon cette jurisprudence, la cause d’un contrat doit être apprécie à l’aune de l’ensemble contractuel indivisible.

Il en est ainsi que contrat de crédit destiné à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou prestations de services particuliers.

L’article L. 311-1 du Code de la consommation dispose ainsi :

« (…).
9° Contrat de crédit affecté ou contrat de crédit lié, le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou prestations de services particuliers ; ces deux contrats constituent une opération commerciale unique. Une opération commerciale unique est réputée exister lorsque […], ou encore lorsque le contrat de crédit mentionne spécifiquement les biens ou les services concernés.
 »

L’article L. 311-32 du Code de la consommation dispose :

« (…). Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. »

Le contrat secondaire étant caduc pour défaut de cause si le contrat principal est résilié [2].

Il en est ainsi, à titre d’exemple, d’un contrat de pose de panneaux photovoltaïques dont la résolution ou la nullité a pour conséquence d’entrainer la caducité du contrat de prêt qui renvoie expressément à ce contrat de pose.

Les établissements de crédit vont très souvent se défendre en faisant valoir que les acquéreurs ont signé le bon de livraison, que ce bon de livraison vaut réception et que, dès lors, ces derniers sont irrecevables en leurs demandes.

Ces bons de livraison établis par les organismes de financement sont rédigés dans le but d’empêcher les emprunteurs d’intenter ultérieurement un recours à leur encontre pour inexécution du contrat principal.

Voici un exemple des termes de ces bons de livraison ;

« Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison de marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués à ce titre ont été pleinement réalisés. (…). »

Or, très souvent ces bons de livraison sont signés dans des conditions très particulières, l’installateur, pressé de partir, indiquant à l’acquéreur que ce document est destiné uniquement à signaler que les panneaux ont bien été posés.

L’acquéreur signe ainsi ce document le plus souvent sans jamais avoir vérifié que le matériel installé est effectivement en état de marche.

Or, la jurisprudence en la matière est, en effet, redoutable.

Dans un arrêt du 14 novembre 2001 [3], la Cour de cassation a jugé que l’emprunteur qui a signé l’attestation de livraison et demande de financement est irrecevable à faire valoir qu’il n’a pas obtenu satisfaction pour tenter de faire échec à la demande en paiement du banquier.

Dans un arrêt du 3 juillet 2013 [4], la Cour de cassation confirme sa jurisprudence en allant jusqu’à préciser que les établissements n’avait pas à rechercher si les affirmations faites par l’emprunteur dans l’attestation de livraison et l’instruction sans réserve étaient exactes.

La Cour de cassation a, toutefois, très récemment donné une lueur d’espoir aux emprunteurs.

Ainsi dans un arrêt du 10 décembre 2014 [5], la Cour de cassation a jugé que le manque de précision dans une attestation de livraison – demande de financement quant à la complexité de l’opération financée ne permet pas au prêteur de s’assurer de l’exécution complète du contrat principal et que par conséquent la banque qui libère la totalité des fonds sur le seul fondement de cette attestation, commet une faute excluant le remboursement du capital emprunté.

Toutefois, en dépit de cet arrêt et en l’état de la jurisprudence majoritaire, il convient de recommander à l’emprunteur de refuser de signer le bon de livraison proposé en se contentant d’écrire sur un autre document vierge que le matériel a été posé mais qu’il n’a pas été en mesure de s’assurer de son bon fonctionnement.

Jean-Baptiste Rozès

Avocat Associé

OCEAN AVOCATS

www.ocean-avocats.com

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Notes de l'article:

[1Cass 1° civ. 13/06/2006 n° 04-15.456.

[2Cass com. 5/06/2007 n° 04-20.380.

[3Civ.1, n°99.15.690.

[4Civ.1, n°12617.558.

[5Cass. 1° civ., n°13-22.679.

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