Coupe du monde 2014 : Luis Suarez peut faire appel et dire adieu au mondial.

Par Stanislas François, Avocat.

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Explorer : # sanctions disciplinaires # fifa # luis suarez # coupe du monde 2014

Pour avoir mordu le défenseur italien Giorgio Chiellini lors d’un match du mondial, l’attaquant vedette de la sélection uruguayenne a été lourdement sanctionné par la commission de discipline de la FIFA.

En application du code disciplinaire de la FIFA, Luis Suarez a écopé d’une suspension de 9 matches avec la sélection, une interdiction de quatre mois de toute activité liée au football et une interdiction de stade pendant cette période, le tout assorti d’une amende de 100.000 Francs suisses (82.159,78 euros).

Cette sanction a pour effet immédiat de le priver de la suite de la compétition avec sa sélection et de priver son club de Liverpool de son attaquant vedette pour la reprise du championnat anglais.
Compte tenu des conséquences immédiates de ces sanctions sur la suite de la compétition la fédération uruguayenne a décidé d’interjeter appel de la décision.

En l’absence d’effet suspensif, tout appel risquerait d’intervenir un peu tard. Luis Suarez pourra amèrement regretter son geste et s’en mordre les doigts.

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Aux termes de ses statuts, la Fédération internationale de football association (FIFA) a pour mission d’organiser ses propres compétitions internationales, de fixer des règles et de veiller à les faire respecter [1].

Pour cela, elle dispose d’un code disciplinaire [2] qui s’applique notamment aux associations membres (les fédérations nationales), aux arbitres, joueurs, leurs agents et même aux spectateurs des rencontres.

Ce code prévoit une liste de sanctions applicables en cas d’atteintes aux lois du jeu ou encore pour sanctionner le comportement des joueurs, arbitres ou dirigeants lors des matches et compétitions.

La commission de discipline dispose de la compétence générale [3] pour sanctionner tous les manquements à la réglementation de la FIFA.

Aux termes de l’article 77 du code disciplinaire de la FIFA, la commission de discipline peut a posteriori « sanctionner les faits graves qui auraient échappé aux officiels de match ».

On se souvient que c’est sur ce fondement que Zinédine Zidane et Marco Materazzi furent sanctionnés après le mondial allemand de 2006 à la suite du célèbre « coup de boule » [4].

Compte tenu des actes relatifs au comportement de Luis Suarez durant le match Italie-Uruguay du 24 juin, la commission de discipline a été saisie après la rencontre.

L’article 48 d du code disciplinaire, s’il ne vise pas directement les morsures, prévoit deux matches de suspension pour un joueur qui s’est rendu coupable d’une voie de fait (coup de coude, coup de poing, coup de pied, etc.) sur un adversaire ou toute personne autre qu’un officiel de match.

L’interdiction d’exercer toute activité concernant le football est mentionnée à l’article 22 du code [5].

Toutefois, il n’est pas précisé dans quelles circonstances et pour quels faits une telle sanction peut être prononcée par la commission. Cela souligne la liberté d’appréciation dont elle dispose.

Elle l’utilise dans des cas d’une particulière gravité.

L’interdiction de stade, infligée à Luis Suarez, relève du même régime. Evoquée à l’article 21 du code, il n’est pas précisé dans quels cas la commission peut la prononcer.

• L’appréciation des faits à laquelle se livre la commission s’effectue librement et par tout moyen. Pour pouvoir apprécier les faits, l’article 96 du code disciplinaire de la FIFA autorise tout type de preuve, en particulier des rapports d’arbitres, des déclarations de parties et de témoins, des preuves matérielles, des enregistrements audio ou vidéo.

Si la vidéo ne permet toujours pas de sanctionner les faits de jeu ou encore d’être le recours utile pour les arbitres en particulier pour constater les hors jeu en cours de match, a posteriori, elle constitue curieusement un moyen de preuve légitime !

Si le contradictoire est tant bien que mal respecté, par principe, les droits fondamentaux et les garanties de procédure accordés par les traités internationaux de protection des droits de l’homme ne sont pas censés s’appliquer directement dans les rapports privés entre particuliers et donc ne sont pas applicables dans les affaires disciplinaires jugées par la FIFA, quand bien même cette dernière est de nationalité Suisse, Etat membre de la Convention européenne des droits de l’Homme [6].

Enfin, aux termes de l’article 97 du code, les membres de la commission statuent en fonction de leur intime conviction.

Ainsi, il semble que la commission de discipline en infligeant une amende est allée bien au-delà du minimum requis. Mais de quels moyens en appel Luis Suarez pourrait se prévaloir ?

La gravité des faits, les antécédents du joueur ne permettent pas de considérer que la commission ait commis une erreur en prenant de telles sanctions. Une erreur d’appréciation est d’autant plus difficile à contester car, comme on l’a vu, la commission dispose d’une margé d’appréciation particulièrement importante dans les sanctions.

De plus, en cas d’appel, il paraît difficile de contester une décision prise en fonction d’une intime conviction.

• En application de l’article 118 du code disciplinaire, toute décision de la commission de discipline qui prévoit une sanction d’au moins quatre matches de suspension est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la commission de recours de la FIFA.

Toutefois, en application de l’article 124 du même code, la saisine de cette commission n’a pas d’effet suspensif.

Conformément à l’article 67 des statuts de la FIFA, la décision pourra ensuite être déférée au tribunal arbitral du sport (TAS) [7].

L’appel devant la commission de recours doit intervenir dans les trois jours de la décision de la commission de discipline. Toutefois, aucun délai de jugement ne contraint la commission de recours.

Rappelons qu’avant le début du mondial, le joueur croate Josip Simunic avait fait l’objet d’une suspension de dix matches en raison de provocations fascistes à la suite d’une rencontre internationale du 19 novembre 2013 disputée entre la Croatie et l’Islande.

Le 12 mai 2014, le TAS avait confirmé la décision du 19 mars 2014 par laquelle la commission de recours avait confirmé la décision de la commission de discipline du 16 décembre 2013.

Si la procédure peut être accélérée pendant une compétition finale, en revanche, aucune disposition contraignante ne contraint la commission de recours de la FIFA de statuer en urgence. La décision pourrait donc parfaitement intervenir après le mondial.

• Le mondial de Luis Suarez est bel et bien terminé. Une éventuelle atténuation de ses sanctions n’aurait éventuellement des effets que concernant la reprise du prochain championnat.

Côté français, l’application de l’article 48 d du code disciplinaire de la FIFA dans le cas Suarez peut faire craindre pour Mamadou Sakho et Olivier Giroud. Les coups de coude adressés à des adversaires lors du match contre l’Equateur, s’ils n’ont pas été relevés pendant la rencontre pourraient être portés à connaissance de la commission de discipline très prochainement.

Le cas Suarez montre qu’en cas de voie de fait, des sanctions peuvent être prises très rapidement par la commission de discipline.

Affaire à suivre.

Stanislas François
Avocat au Barreau de Lyon
www.francois-avocat.com
contact chez francois-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Article 2 statuts de la FIFA.

[3Article 76 code disciplinaire de la FIFA.

[4Le capitaine français avait été condamné à une amende de 7 500 Francs Suisses (4 800 euros)et trois matchs de suspension, transformés en trois journées en faveur d’enfants à l’occasion de manifestations de bienfaisance de la Fifa. Marco Materazzi a été sanctionné de deux matchs de suspension et de 5 000 Francs Suisses d’amende (3 200 euros).

[5On se souvient que c’est cette sanction qui avait été envisagée par la FFF à l’encontre de l’ancien directeur sportif du PSG coupable d’un coup de tête à l’encontre d’un arbitre. Toutefois, n’étant pas licencié de la FFF, il vit la sanction dont il avait fait l’objet annulée (cf. TA Paris, 17 juin 2014, M. Leonardo Nascimento de Araujo, n° 1313372).

[6Voir par exemple : TAS 23 mai 2012, FC Girondins de Bordeaux c/ FIFA, TAS 2012/A/2862.

[7Institution internationale indépendante basée à Lausanne, créée en 1984 et chargée d’arbitrer les litiges en droit du sport international.

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