Un colloque récemment organisé au Medef à Paris, sous l’intitulé évocateur « Les docteurs, l’atout gagnant des entreprises », manifeste un intérêt, nouveau mais certain, du monde des affaires pour la recherche doctorale. Preuve s’il en était besoin que les titulaires d’un doctorat peuvent être un élément moteur pour les entreprises. Réciproquement, de plus en plus nombreux sont les docteurs attirés par le monde de l’entreprise.
Quels éléments justifient cette évolution ?
Les chiffres, d’abord, révèlent que les docteurs trouvent désormais de nombreux débouchés dans le secteur privé, à pourcentage presque égal avec le monde académique. Si aujourd’hui un peu plus de la moitié des docteurs fait carrière dans la fonction publique (52%) - dont moins de 15% dans l’enseignement-, 43% s’orientent vers le secteur privé, les 5% restant travaillant dans les secteurs à dominante sociale (Associations, ONG). Et la tendance ne devrait pas s’inverser, la création de postes d’enseignants-chercheurs n’étant pas à l’ordre du jour. Il est donc à parier que la capacité du secteur privé à absorber un contingent important de docteurs ira croissant.
Mais c’est surtout la qualité qui fait la différence.
Des études récentes montrent, chiffres à l’appui, que les docteurs sont particulièrement créatifs et innovants. En 2011, le Concours national d’entreprises innovantes a récompensé des jeunes qui, pour moitié, étaient docteurs. Plus de 50% des doctorants affirment par ailleurs avoir un projet entrepreneurial (Etude Novancia/ANRT). Au-delà de leur compétence spécifique, acquise tout au long d’un parcours mûrement réfléchi et savamment orienté en fonction de diplômes, parcours et spécialités offerts aujourd’hui dans les programmes universitaires, il est en outre reconnu que les titulaires d’un doctorat présentent des qualités prisées par les recruteurs. La rigueur, l’ouverture d’esprit, la force de persuasion en font partie. S’y ajoutent d’autres qualités, parfois méconnues, telles la bonne résistance au stress, la capacité à mener à bien des projets, à collaborer, ou encore à travailler en pleine autonomie.
Ces qualités rares font que la formation acquise par un jeune docteur se révèle être en « parfaite adéquation avec les attentes de l’entreprise » (v. l’étude « Compétences et employabilité des docteurs », publiée par B. Durette, M. Fournier et M. Lafon en janvier 2012 http://www.adoc-tm.com/rapport.pdf ).
Les docteurs en droit ne sont pas exclus du palmarès. En plus des qualités déjà mentionnées, telles l’autonomie, la créativité et la rigueur, les docteurs juristes ont acquis une réelle expertise en relations contractuelles, en droit des affaires, en Corporate governance ou encore en droit social, ce qui les rend rapidement opérationnels pour occuper des postes au sein des directions techniques, voire prêts à assumer en quelques années des fonctions à haute responsabilité auprès de la direction générale d’une entreprise, au sein de ses conseils ou comités divers.
Comment faciliter dès lors ce passage, parfois semé d’embûches, entre le monde universitaire et l’entreprise ?
Il appartient aux enseignants-chercheurs d’adopter un discours clair et adapté. Il n’est plus décemment possible de laisser croire aux jeunes doctorants qui souhaitent s’engager dans trois années de thèse –voire plus dans des disciplines comme le droit- qu’in fine leurs compétences seront reconnues sans difficulté et bien rémunérées dans le monde universitaire. A l’issue de la thèse, un parcours universitaire ressemble plus à un parcours du combattant.
Mieux vaut donc conseiller le futur docteur quand il est encore étudiant, l’aider à prospecter et à s’orienter très tôt vers l’entreprise, avant même de l’accompagner dans son projet de recherche. Plus particulièrement le Master 2, année privilégiée pour un responsable enseignant – amené à « coacher » ses étudiants tout au long de cette période riche en expériences diverses tant sur le plan académique (cours, séminaires, rédaction et soutenance d’un mémoire…) que professionnel (rencontre de praticiens, stages…)-, est une année-clé pour « repérer » les têtes bien faites et volontaires, et les inviter à concevoir un projet de recherche en lien avec leur projet professionnel. C’est pendant cette année charnière que des contacts avec le monde de l’entreprise doivent se nouer pour envisager dès ce moment la mise en place d’une convention incluant un projet de recherche et son financement.
Mais, précisément, les entreprises qui s’intéressent aux futurs docteurs doivent elles aussi « jouer le jeu ». Rémunérer, au juste prix, un doctorant pour qu’il apporte utilement ses compétences à l’entreprise tout en lui permettant de soutenir sa thèse dans un délai limité, voilà le double défi que doivent relever les entreprises.
Sur le long terme, la société qui embauche un docteur dont elle a financé la recherche peut se targuer d’avoir gagné ce pari sur l’avenir. A l’inverse, un doctorant qui n’est jamais élevé au grade de docteur pourra accumuler frustrations et désillusions s’il ne trouve pas d’emploi à la hauteur de ses compétences et de ses ambitions.
Les docteurs sont devenus un « atout gagnant » pour les entreprises. La réussite de cette nouvelle alliance entre recherche universitaire et affaires ne peut se faire aux dépens du principal intéressé, le jeune qui s’engage dans la recherche en même temps que dans la vie professionnelle. Il représente l’avenir.
Il convient donc de mettre en place des outils qui favoriseront cette transition entre deux mondes, dans une confiance mutuelle. Insertion professionnelle oblige !