Harcèlement moral au travail : le licenciement sous commandement de la loi.

Par Olivier Bongrand, Avocat.

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Explorer : # harcèlement moral # licenciement # obligation de sécurité # santé au travail

L’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur peut se retourner contre les salariés auteurs de harcèlement moral. Des faits de harcèlement moral commis par un salarié vis à vis d’un de ses collègues oblige l’employeur, du fait de l’obligation de sécurité de résultat, à tout mettre en œuvre pour faire cesser le harcèlement.

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Les textes qui répriment le harcèlement moral sont divers.

L’article L 1152-1 du Code du travail prévoit qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L 4122-1 du même code, prévoit quant à lui qu’il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Dans le Code pénal, l’article 222-33-2 définit le délit de harcèlement moral comme : « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ».

L’interdiction du harcèlement moral s’applique ainsi entre un supérieur et un subordonné ou inversement et concerne les salariés sans rapport hiérarchique. La Cour de cassation a en effet précisé qu’il était peu important que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime si l’infraction était caractérisée (Cass., crim., 6 déc. 2011, P 10-82.266)

Une sanction sous commandement de l’obligation de sécurité de résultat :

C’est donc le comportement fautif du salarié qui s’est rendu coupable de harcèlement sur son collègue (insultes, brimades…) qui va légitimer l’employeur dans le licenciement mis en œuvre.

La faute commise par un salarié n’autorise alors pas seulement le licenciement, il le commande, car l’employeur est tenu par son « obligation de sécurité de résultat » en matière de protection de la santé (physique et mentale) des salariés : il doit protéger la ou les victimes.

Mais l’employeur ne doit pas simplement prendre des mesures, il doit tout mettre en œuvre pour assurer la santé des salariés au travail. Le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat sera retenu s’il n’a pas tout fait pour protéger ses salariés alors qu’il en avait la capacité (Cass., soc., 29 juin 2011, P. 09-69.444).

C’est au titre de cette obligation qu’une cour d’appel valide le licenciement pour faute grave du salarié dans un arrêt de la chambre sociale du 24 novembre 2016 (CA DIJON 24 novembre 2016 15/00044)

Il était reproché au salarié dans un courrier de licenciement pour faute grave :
« .. l’une de nos collaboratrices du Drive s’est plainte de comportements de votre part à son encontre tout à fait inacceptables : propos désobligeants, insultes, moqueries, gestes déplacés.
De surcroit le médecin du travail nous a alertés sur la situation de santé au travail de cette collaboratrice présentant des troubles de santé avérés, en lien avec ces comportements, troubles de santé ayant nécessité « un suivi médical et la mise en place d’un traitement par psychotropes ainsi qu’une psychothérapie ».

Nous vous avions déjà interpelé à plusieurs reprises vous demandant de cesser votre comportement et malgré plusieurs rappels verbaux depuis le début de l’année, nous sommes au regret de constater que vous faites de nouveau l’objet de plaintes, qui nous amènent à reconsidérer notre collaboration.
Dans ces conditions, et compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Le licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
La période de mise à pied du 11 mai au 31 mai 2012, nécessaire pour mener la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée.
Vous cesserez de faire partie du personnel à compter de la date d’envoi du présent courrier. »

Ainsi des propos désobligeants d’un salarié, des insultes, moqueries, gestes déplacés caractérisent le harcèlement vis à vis de sa collègue.

La Cour valide la mise à pied conservatoire de l’employeur qui se retranchait derrière son obligation de sécurité de résultat en rappelant :
« Attendu que la nécessaire protection de la victime du harcèlement de l’un de ses collègues ne permettait pas à l’employeur d’autoriser M. X... à effectuer son préavis et légitimait la mesure de mise à pied conservatoire prononcée à son encontre »

Reste pour la victime, que la preuve n’est pas toujours aisée même si le régime est aménagé (Cass. Soc. 06 janvier 2011 n° 09-42805).

La production de témoignages circonstanciés est le plus souvent indispensable.

En présence de délégué du personnel, il pourra être utile de solliciter leur aide dans le cadre des dispositions de l’article L 2313-2 du Code du travail, ceux-ci ayant un droit d’alerte spécifique s’ils constatent une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise.

L’intervention du médecin du travail peut être aussi déterminante, car il peut signaler à l’employeur, à la demande du salarié, les faits dénoncés.

Olivier BONGRAND
Avocat au Barreau de PARIS
Cabinet OBP Avocats
www.obp-avocats.com

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