Indemnité d'occupation et clause de solidarité, par Olivier Cuperlier, Avocat

Indemnité d’occupation et clause de solidarité, par Olivier Cuperlier, Avocat

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Dans le cas d’un bail conclu par plusieurs preneurs, qui reste tenu au paiement des loyers et des éventuelles indemnités d’occupation en cas de congé ?

Deux arrêts récents rendus par la Cour de cassation à quelques mois d’intervalles apportent des solutions très différentes selon les situations qui se présentent.

Examinons tout d’abord l’hypothèse où seul l’un des copreneurs donne congé. Dans ce cas, il convient de distinguer selon que les copreneurs se sont engagés solidairement ou non envers le bailleur. En effet, si la solidarité a été stipulée, elle produira, selon la jurisprudence, ses effets pendant toute la durée du contrat de sorte que le locataire sortant restera tenu envers le bailleur jusqu’au terme du contrat du paiement de l’intégralité des loyers et charges solidairement avec celui qui n’a pas donné congé et qui se maintient dans les lieux (Cass. Civ. 3, 8 novembre 1995, Bull. civ. III n°220, Civ. 3, 13 juin 2001, Pourvoi 99-18.382). En revanche, la situation est différente en l’absence de stipulation de solidarité où non seulement, le locataire d’un bail d’habitation ayant donné congé se trouvera libéré pour les loyers et charges échus postérieurement à la fin de son préavis mais également pour ceux échus pendant son préavis. Cette solution, qui peut paraitre surprenante, est la conséquence des dispositions de l’article 15 I al. 3 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 qui prévoit que le locataire ayant donne congé n’est pas redevable du loyer et des charges pendant la durée du préavis « si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur ». Or, c’est précisément la situation qui se présente dans le cas de la colocation et dont la Cour de cassation tire toutes les conséquences juridiques, fussent-elles sévères pour le bailleur (Cass. Civ. 3, 28 octobre 2009, pourvoi 08-17209).

La situation est encore différente en présence d’une clause de solidarité mais si cette fois ce sont tous les copreneurs qui donnent congé et que l’un se maintient dans les lieux. En effet, dans ce cas, le contrat prend fin et selon la Cour de cassation, la solidarité doit donc cesser sauf stipulation spécifique étendant la solidarité à l’indemnité d’occupation due en lieu et place des loyers et charges.

C’est en effet la solution que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 1er avril 2009 rendu à propos de la résiliation d’un bail commercial en précisant « que l’engagement solidaire souscrit par des copreneurs ne survit pas, sauf stipulation expresse contraire, à la résiliation du bail et que l’indemnité d’occupation est due en raison de la faute quasi-délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux, la cour d’appel qui n’a pas constaté que le bail contenait une telle clause ou que M. X... avait occupé les lieux postérieurement au bail a violé les textes susvisés [les articles 1202 du Code civil et 809 al. 2 du CPC] » (Cass. Civ. 3, 1er avril 2009, pourvoi 08-13.508 ; v. déjà avec un attendu identique, Civ. 3, 5 mai 2004, pourvoi 03-10.201).

La solution n’allait pas de soi dans la mesure où il serait possible de considérer que le maintien d’un copreneur dans les lieux en dépit de la résiliation du contrat est constitutif davantage d’un manquement contractuel (la violation de l’obligation de restitution de la chose louée au terme du contrat - article 1730 du Code civil) que d’une « faute quasi délictuelle » ainsi que le qualifie pourtant la Cour de cassation. On pourrait également s’étonner que la Cour de cassation rende sa décision au visa de l’article 1202 du Code civil édictant que « la solidarité ne se présume point » dans une espèce où, les cotitulaires du bail commercial étant commerçants, ce texte ne devrait pas trop trouver application dans la mesure où la solidarité est la règle en matière commerciale.

Il ressort donc de cette jurisprudence que, selon la Cour de cassation, tout d’abord, pour conserver un caractère contractuel, il convient que l’indemnité d’occupation ait été prévue par le contrat et qu’ensuite, pour que la solidarité puisse s’appliquer au paiement de cette indemnité, il faut que la stipulation de solidarité l’ait expressément prévu.

On ne peut donc qu’inviter les rédacteurs de baux à être attentifs, quand ils insèrent une clause de solidarité dans un contrat de bail, à bien préciser que celle-ci s’appliquera également à l’indemnité d’occupation prévue par le contrat au cas où celle-ci viendrait à se substituer aux loyers.

Olivier CUPERLIER

Avocat au Barreau de Paris

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