Infractions à l'étranger : l'Etat ne protège que les victimes de nationalité française. Par Mathieu Cencig, Avocat.

Infractions à l’étranger : l’Etat ne protège que les victimes de nationalité française.

Par Mathieu Cencig, Avocat.

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Explorer : # nationalité française # indemnisation des victimes # principe d'égalité # infractions à l'étranger

Saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité ("QPC"), la Cour de cassation juge que la différence de traitement instaurée à l’article 706-3-3° du Code de procédure pénale, qui garantit l’indemnisation des infractions commises à l’étranger aux seules victimes de nationalité française, ne porte pas atteinte au principe d’égalité à valeur constitutionnelle.

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L’article 706-3-3° du Code de procédure pénale limitant le bénéfice de ses dispositions aux citoyens titulaires de la nationalité française au jour de l’infraction, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ?

Telle est la question prioritaire de constitutionnalité ("QPC") qui a été posée à la Cour de cassation par une commission d’indemnisation des victimes d’infractions.

Rappelons que cette procédure particulière permet, à l’occasion d’un procès, de contester devant le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation la constitutionnalité d’une disposition législative.

L’article 706-3-3° du Code de procédure pénale dispose que : "Toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d’une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne, lorsque sont réunies les conditions suivantes : (...) 3° La personne lésée est de nationalité française ou les faits ont été commis sur le territoire national."

Cet article permet la prise en charge des victimes d’infractions survenues en France quelle que soit leur nationalité, à condition pour les étrangers non issus d’un État membre de l’Union européenne de bénéficier des traités et accords internationaux et de justifier d’un séjour régulier en France au jour des faits ou de la demande.

Mais il réserve l’indemnisation des faits survenus à l’étranger aux seules victimes ayant la nationalité française lors de la commission des infractions.

C’est cette différence de traitement qui a conduit la commission d’indemnisation a contester la conformité de l’article 706-3-3° du Code de procédure pénale au principe d’égalité à valeur constitutionnelle, prévu notamment à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :
"La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents."

Pour être recevable, conformément à l’article 23-2 de la loi organique n° 2009-1523, la QPC devait :
1. être applicable au litige ou à la procédure,
2. présenter un caractère sérieux,
3. ne pas avoir déjà été posée au Conseil constitutionnel.

En l’espèce, la Cour de cassation a jugé que ces deux dernières conditions n’étaient pas réunies, au motif que :

"le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ; (...) cette différence de traitement qui s’explique par le fait que l’Etat a un devoir de protection à l’égard de ses nationaux, y compris en dehors de ses frontières, est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit." (C. cass. civile, 2ème chambre, 05/09/2013, n° pourvoi 13-40.037)

Mathieu CENCIG
Avocat au Barreau de Paris

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