Locations meublées : attention à la requalification !

Par Antoine Christin, Avocat.

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Explorer : # location meublée # droits des locataires # réglementation immobilière # expulsion locative

Contrairement aux baux dits « classiques », soumis à un régime protecteur pour le locataire, les baux dits « meublés » sont protecteurs du bailleur.
Dès lors, certains propriétaires ont été tentés, lors d’un changement de locataire, de placer quelques meubles dans leurs appartements pour bénéficier de ce régime.
Vous trouverez ci-après quelques conseils pour bénéficier ou, le cas échéant, contester l’applicabilité de ce régime dérogatoire.

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La lecture de cet article intéressera particulièrement ceux qui sont ou seront bientôt soit locataire, soit bailleur d’une location meublée.

I. Exposé du problème

Contrairement aux baux dits « classiques », soumis à un régime protecteur pour le locataire, les baux dits « meublés » sont protecteurs du bailleur.

En effet, le régime protecteur des locataires est issu de la loi du 6 juillet 1989, laquelle ne s’applique pas aux locations meublées (article 2 de la loi du 6 juillet 1989 : « Les dispositions du présent titre […] ne s’appliquent pas non plus […] aux locaux meublés […] ».)

Cette exclusion de la loi du 6 juillet 1989 permet au bailleur de ne pas subir la procédure contraignante relative à l’expulsion de son locataire. Il n’a, notamment :

  • Ni à motiver son congé,
  • Ni à respecter un délai de préavis de six mois pour donner congé,
  • Ni à signifier l’assignation en expulsion à la préfecture pour obtenir le concours de la force publique,
  • Ni à respecter le délai de 2 mois entre l’assignation et l’audience pour obtenir le concours de la force publique,
    (sauf à ce que le contrat le stipule expressément).

Dès lors, certains bailleurs bien informés ont été tentés, lors d’un changement de locataire, de placer quelques meubles dans leurs appartements afin de bénéficier du régime applicable aux locations meublées.

Pour éviter une recrudescence des contrats de location meublée et un recul conséquent des droits des locataires, les juges s’intéressent aux circonstances de chaque espèce et vérifient que la qualification du contrat n’a pas été donnée simplement pour éviter la loi du 6 juillet 1989.

II. Conditions requises pour bénéficier du régime des locations meublées

Pour pouvoir prétendre au régime applicable aux locations meublées, deux conditions cumulatives doivent être respectées.

La première : il faut une intention commune des parties.

Cette première condition n’appelle pas d’observations particulières, si ce n’est qu’il est fondamental que la mention « location meublée » figure au contrat et qu’elle soit corroborée, par exemple par un inventaire rappelant cette mention.

La seconde : il faut que l’appartement soit garni d’un mobilier suffisant pour permettre une jouissance normale des locaux.

C’est en ce sens que tranche la Cour de cassation : « Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les meubles étaient suffisants pour caractériser la location meublée, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa decision ».

Cette obligation signifie qu’il faut que le locataire puisse jouir normalement des locaux sans y apporter le moindre meuble.

Par exemple, il est certain qu’un appartement loué sans lit, drap et couverture ne saurait bénéficier de la qualification de meublé.

Le fait que beaucoup de mobilier garnisse le logement est indifférent : s’il manque ne serait-ce qu’un meuble nécessaire à une jouissance normale des locaux, la qualification de meublée sera écartée. À titre d’exemple, la Cour de cassation a déjà considéré que l’absence d’assiettes pouvait écarter l’applicabilité du régime relatif aux locations meublées.

Néanmoins, il serait erroné de considérer que l’absence d’assiettes ou de couverts écarte systématiquement la qualification de meublé.

En effet, il est nécessaire de prendre en considération le local loué pour apprécier si le mobilier qui le garnit est, ou non, suffisant pour assurer une jouissance normale au locataire.

Ainsi, si c’est une simple chambre qui est louée, et non un appartement, il n’y a pas lieu de le garnir de mobilier relatif à la cuisine.

En ce sens : Cour d’appel de Paris, 6e ch, 15 mars 2007 : « est dénuée de toute pertinence l’argumentation relative à l’absence de fourniture d’ustensiles de cuisine ou de vaisselle, de telles prestations secondaires constituant la caractéristique d’un appartement ou studio loué en garni et non celle d’une chambre meublée ».

III. Conclusions et conseils pratiques

L’inventaire est un document absolument fondamental dans les locations meublées. Il est la pièce maîtresse appréciée par les magistrats pour savoir s’il on est en présence d’une véritable location meublée ou si l’intention du bailleur était simplement d’échapper aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989.

Conseil pour les bailleurs : il est impératif de veiller :
d’une part, à ce que les locaux que vous louez en meublé soient garnis d’un mobilier suffisant pour assurer une jouissance normale à vos locataires ;
d’autre part, que l’inventaire reflète cet état de fait.

À défaut, vous vous exposeriez à ce que la loi du 6 juillet 1989 soit considérée comme applicable à votre location, ce qui conduirait à l’échec de toute procédure d’expulsion intentée sur le fondement du régime applicable aux meublés.

Conseil pour les locataires : il est fondamental de s’intéresser à cette question qui constitue un sérieux moyen de défense dans le cadre d’une procédure en expulsion.
Par ailleurs, si vous vous apprêtez à vos engager dans une location meublée, vérifiez :
d’une part, que les locaux que vous vous apprêtez à louer comprennent suffisamment de mobilier pour une jouissance normale des locaux ;
d’autre part, que l’inventaire annexé à votre contrat ne comprend pas davantage de meubles que la réalité.

Antoine CHRISTIN
Avocat associé - SALMON ET CHRISTIN ASSOCIÉS
Ancien Secrétaire de la Conférence

Site internet : http://www.scavocats.fr

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