La fin de la trêve hivernale : et après ?

Par Romain Rossi-Landi, Avocat.

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Explorer : # trêve hivernale # expulsion locative # droits des locataires # fonds de solidarité pour le logement (fsl)

C’est la fin de la trêve hivernale !

Cette trêve des expulsions a été instaurée par la loi du 3 décembre 1956, suite au combat de l’Abbé Pierre. Initialement prévue du 1er novembre de l’année en cours au 15 mars de l’année suivante, elle a été repoussée au 31 mars par la loi ALUR du 24 mars 2014.

Les expulsions vont pouvoir reprendre mais dans la pratique, ce n’est pas si simple.

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Principe : interdiction d’expulser mais pas de poursuivre

L’article L412-6 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit donc qu’il ne peut être procédé à toute expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés ne soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille.

Cette règle s’applique même à l’expiration des délais ordonnés par le juge pour expulser.

Le juge a la faculté d’ordonner l’expulsion, en dérogation à cet article, lorsque les personnes sont entrées dans les locaux par voie de fait (sans autorisation du propriétaire et sans titre, par exemple en squatteurs).

La trêve hivernale interdit également les coupures de gaz et d’électricité en cas de factures impayées.

En revanche, le propriétaire peut signifier par huissier au locataire le commandement de quitter les lieux et mettre en œuvre la procédure d’expulsion qui ne sera exécutée qu’à l’expiration de la trêve hivernale.

À l’expiration de la période de trêve hivernale, la procédure d’expulsion peut démarrer à condition que le concours de la force publique soit accordé.

Au 1er avril, le locataire faisant l’objet d’une mesure d’expulsion a l’obligation de quitter le logement. A défaut, il s’expose à la procédure d’expulsion manu militari.

Selon les calculs du Réseau stop aux Expulsions Logement (RESAL) pour 2015, on estime de 30.000 à 40.000 le nombre de foyers susceptibles d’être expulsés sur 190.000 décisions de justice pour impayés de loyer (qui représentent 80% des expulsés).

L’huissier de justice est en charge de l’exécution de la mesure d’expulsion. Il doit en informer le préfet en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental. En cas de refus du locataire de quitter les lieux, l’huissier ne fait pas usage de la force, il doit demander au préfet l’assistance des forces de police. C’est le concours de la force publique.

La décision appartient au seul préfet qui, en cas de refus, devra motiver sa décision (ex : potentiels troubles graves à l’ordre public en cas d’enfants en bas âge ou manifestation de soutien du voisinage …).

Le bailleur peut contester la décision préfectorale devant le tribunal administratif au fond et demander à être indemnisé par l’Etat (pour le paiement des loyers) puisque ce dernier n’a pas permis l’exécution d’une décision de justice. La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l’homme pour non-exécution d’une décision de justice et atteinte au droit de propriété.

Dans tous les cas, le refus du préfet ouvre droit à indemnisation pour le bailleur, d’abord par voie amiable directement auprès du préfet et ensuite, en cas de refus, par voie judiciaire devant le juge administratif (il faut compter au moins deux ans de procédure à Paris…).

L’expulsion constitue évidemment un drame pour les expulsés qui se trouvent souvent totalement démunis et dans une situation fortement précaire.

Paradoxalement, c’est souvent la décision d’expulsion qui leur permet enfin d’obtenir un logement social puisqu’ils deviennent alors prioritaires sur la longue liste des demandeurs.

Bien sûr, les propriétaires sont également victimes de ces impayés qui peuvent les placer dans des positions financières très difficiles (complément de revenus pour des retraités par exemple) qu’il ne faut pas minimiser. Certains bailleurs ne peuvent plus rembourser leur crédit immobilier à leur banque et font alors l’objet d’une saisie immobilière de leur bien.

La fin de la trêve hivernale constitue donc pour eux un soulagement et l’espoir de pouvoir enfin lancer la procédure d’expulsion et récupérer leur bien, à défaut de récupérer les arriérés de loyer.

Écœurés, de nombreux propriétaires bailleurs individuels, qui ont été contraints de lancer une procédure d’expulsion préfèrent renoncer à louer leur bien, ce qui diminue encore l’offre de logements.

C’est donc effectivement la fin de la période hivernale mais uniquement pour ceux qui ont obtenu le concours de la force publique…

Les aides du fonds de solidarité pour le logement (FSL)

Afin de prévenir les difficultés dans le paiement des dépenses liées au logement, le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL), institué par le décret du 2 mars 2005
dans chaque département, peut accorder des aides financières aux personnes en difficulté
Les aides permettent de financer tant les dépenses liées à l’entrée dans un logement que les dettes de loyers charges comprises et les factures d’énergies, d’eau et de téléphone.

Les aides du FSL sont applicables dans tous les secteurs locatifs, quel que soit le statut d’occupation des personnes concernées (locataire, sous-locataire, propriétaire occupant …), sous conditions de ressources et en fonction des difficultés rencontrées.

Elles peuvent prendre la forme :
-  D’un cautionnement garantissant au bailleur le paiement des loyers et des charges,
-  D’un prêt ou d’une subvention en vue de financer les dépenses liées à l’entrée dans les lieux,
-  D’un prêt ou d’une subvention en vue du règlement des dettes locatives, ou de factures impayées d’énergie, d’eau et de téléphone.

Encore faut-il que le locataire engage les démarches administratives pour en bénéficier et que le propriétaire bailleur l’accepte…

La fin de la trêve hivernale n’est certainement pas celle de la crise du logement…

Romain ROSSI-LANDI
Avocat à la Cour
www.rossi-landiavocat.fr

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