Alors que le Ministère du budget français vient d’annoncer que l’ouverture à la concurrence du marché français du poker en ligne est repoussée à fin juin, en raison d’une obstruction de Malte dans le cadre des règles européennes, la CJUE vient de reconnaitre aux Etats membres le droit d’interdire les jeux de hasard sur internet, dont les paris en ligne, s’ils estiment que la protection de leurs consommateurs le justifie. Une nouvelle qui pose désormais clairement les limites géographiques des agréments octroyés par les autorités nationales de chaque Etat membre.
La France contrainte de reporter l’ouverture du poker en ligne
« On ne pourra pas publier le décret d’application (pour le poker en ligne) avant le 28 juin. C’est repoussé d’un mois, parce que Malte nous y contraint », a assuré le ministère du budget, confirmant une information du site Internet du magazine Challenges.
La promulgation de la loi a déjà été suivie d’une douzaine de décrets d’application, néanmoins, le décret d’application concernant le poker en ligne devra encore attendre…
En effet, Malte, qui ne voit pas d’un très bon œil l’ouverture du marché des jeux de hasard en ligne a invoqué le principe européen de libre circulation des personnes et des biens pour retarder l’application de cette loi : Malte reproche en effet à la France d’obliger, dans l’une des dispositions de cette loi, aux joueurs de poker, à s’inscrire auprès d’un opérateur agréé.
Selon Malte, cette obligation serait contraire aux règles communautaires et justifierait une révision de la loi.
Alors que le gouvernement français avait transmis à la Commission européenne il y a plus d’un an, son projet de loi sur les jeux en ligne, puis notifié les décrets d’application à Bruxelles, Malte a choisi le dernier moment pour présenter ses observations et ralentir la mise en œuvre de la loi.
La France est maintenant contrainte de répondre aux observations de Malte dans un délai d’un mois, et ne peut publier son décret d’application avant l’expiration de ce délai, soit le 28 juin.
L’obstruction portant uniquement sur le poker en ligne, elle n’affecte cependant pas la mise en place de la loi concernant les paris en ligne, pour lesquels l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) devrait délivrer mardi prochain une quinzaine d’agréments à des opérateurs de jeux en ligne. Une chance pour ces opérateurs qui misent sur la Coupe du Monde de Football 2010 pour développer une nouvelle activité désormais légale sur Internet.
Pour rappel, la loi « relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne », adoptée par le Parlement le 6 avril 2010 prévoit l’ouverture du marché des paris en ligne à la concurrence, marché jusqu’alors réservé à certains acteurs.
Cette loi a pour but de lutter contre un marché du pari en ligne jusqu’à présent illégal, d’encadrer cette pratique et de mettre fin aux monopoles du PMU et de La Française des jeux ainsi que de certains casinos, qui étaient les seuls à proposer des paris sportifs ou hippiques en ligne jusqu’à présent.
Le marché des paris en ligne est désormais ouvert à la concurrence. Hormis les principaux acteurs tels que PMU et La Française Des Jeux, des casinos français (Barrière, Partouche, Tranchant, Joa) et des grands opérateurs internationaux de jeux et de paris en ligne (Bwin, BetClic, Unibet, Zeturf...) pourront donc obtenir des licences pour organiser des paris en ligne. Tous ces opérateurs devront être agréés et devront donc répondre à certains objectifs (lire notre article).
Paris en ligne : A chaque Etat Membre sa politique
Parallèlement aux difficultés rencontrées par la France quant à l’ouverture du marché du poker en ligne, il faut noter, qu’au niveau Européen, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) vient également de se prononcer sur la liberté des Etats concernant l’ouverture à la concurrence des jeux de hasard en ligne.
Si la France a récemment ouvert le marché à la concurrence en autorisant, sous conditions, des opérateurs privés à proposer des services de paris et de poker en ligne, ce n’est pas le cas dans tous les pays Européens, et la CJUE l’admet volontiers.
En effet, la CJUE a rappelé, hier jeudi 3 mai, que les Etats membres pouvaient valablement interdire les jeux de hasard en ligne. D’autre part, elle a reconnu que les Etats européens qui ne souhaitent pas ouvrir leur secteur des paris en ligne à la concurrence européenne sont en « droit de considérer que le seul fait qu’un opérateur propose légalement des services (...) par Internet dans un autre Etat membre ne constitue pas une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux ».
Cette solution de la CJUE n’est pas nouvelle ; elle l’avait déjà adoptée concernant une société autrichienne qui souhaitait opérer au Portugal.
La CJUE, saisie par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat des Pays-Bas, pays dans lequel les jeux et paris en ligne sont prohibés, devait trancher le différend suivant : le Royaume Uni avait octroyé aux sociétés Ladbrokes et Sporting Exchange une licence pour des jeux de hasard en ligne. Ces sociétés faisaient valoir, au nom du principe de libre prestation de services dans l’Union européenne, leur droit d’exploiter cette licence et proposer leurs jeux en ligne aux Pays Bas. Elles sollicitaient donc la reconnaissance par les Pays Bas de la licence qui leur avait été accordée dans un autre Etat Membre (le Royaume Uni), en invoquant les règles Européennes.
La CJUE ne leur a cependant pas donné raison : Elle reconnait aux Pays Bas (et par là même, à tout autre Etat membre interdisant les jeux en ligne), le droit refuser l’exploitation d’une licence accordée par un autre Etat membre, s’il estime qu’elle ne représente pas une garantie suffisante de protection de ses consommateurs nationaux.
La CJUE permet donc une entrave au principe européen de la libre prestation de service, si elle est justifiée par des objectifs de protection des consommateurs ou de prévention de la fraude et de la dépendance au jeu.
La CJUE énonce en effet que « un Etat peut interdire l’exploitation des jeux de hasard sur Internet » car cette interdiction « peut être considérée comme justifiée par l’objectif de lutte contre la fraude et la criminalité ».
Une position conservatrice qui définit le périmètre du nouveau dispositif français et qui coupe l’herbe sous le pied des opérateurs qui pensaient pouvoir profiter de leur agrément français et du rayonnement d’internet pour s étendre à l’étranger…
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