Trois ans et demi plus tard, une série d’arrêts rendus le 19 mai 2009 et le 11 juin 2009 par les Chambres Criminelle et Civile de la Cour de Cassation ruinent cette illusion.
L’imputation des rentes versées par les organismes sociaux sera susceptible d’intervenir à la fois sur les postes de préjudices patrimoniaux que sont la "perte de gains futurs" et "l’incidence professionnelle" mais aussi sur le poste de préjudice personnel ou extrapatrimonial qu’est "le déficit fonctionnel permanent".
Certains auteurs ont cru pouvoir soutenir qu’en "s’affranchissant de la rédaction contraignante de l’article 25, la Cour de Cassation était revenue à l’esprit de la loi " , mais d’autres n’ont pas hésité à écrire que la Cour Suprême avait au contraire statué « contra legem » !
Ce qui est certain c’est que pour des raisons d’opportunité, la Cour de Cassation –la fin justifiant les moyens- a corrigé la portée du texte législatif .
Le fait est là : le « déficit fonctionnel permanent » ne constitue plus un « sanctuaire » contre le recours de l’organisme social. En tout cas, sa nature juridique ne suffit pas à l’en protéger.
Dans ce contexte, il semble que la présentation très "fac de droit", en deux parties, deux sous parties, de la nomenclature DINTILHAC soit sans conséquence pratique et qu’en réalité, c’est bien « poste par poste » et « sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu’elles ont pris en charge », que s’exercent le recours subrogatoire, sans référence concrète au caractère « patrimonial » ou au contraire "extrapatrimonial" du poste concerné.
Il n’en reste pas moins vrai que la nomenclature DINTILHAC a apporté un regard nouveau sur les postes de préjudices, "extrapatrimoniaux", notamment …
La nomenclature DINTILHAC en a sélectionné dix.
Une petite équipe de foot en somme- mais que la jurisprudence pourra étoffer en sélectionnant des dommages spécifiques si les circonstances le justifient.
Par ailleurs, la nomenclature a également adopté une séparation chronologique, en abordant « l’avant et l’après consolidation » avec les dommages extrapatrimoniaux temporaires et permanents.
Cette distinction s’inscrit bien dans l’histoire traumatique du blessé et permet de peindre de façon précise les contours du préjudice d’une victime.
Elle correspondait à notre culture médico légale du préjudice corporel.
C’est le plan que, par commodité, nous suivrons…
I – PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX TEMPORAIRES
1 – Déficit Fonctionnel Temporaire
Défini comme "la perte des joies usuelles de la vie courante rencontrée par la victime pendant la maladie traumatique", ce poste correspond en fait à notre ancienne "gêne dans les actes de la vie quotidienne".
Le rapport DINTILHAC illustre ce chef de préjudice en rappelant qu’il peut viser, notamment « la séparation de la victime de son environnement familial et amical », ou la « privation temporaire de ses activités privées et de ses agréments » et y inclut "le préjudice sexuel pendant la maladie traumatique".
Selon le rapport DINTILHAC, ce poste de préjudice cherche à indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu’à la consolidation, en dehors de toute incidence sur la rémunération professionnelle, laquelle sera réparée au titre du poste "perte de gains professionnels actuels".
Naturellement, pendant la période d’hospitalisation et plus généralement jusqu’à la date de consolidation, la victime va connaître une altération de sa qualité de vie avec de probables douleurs.
Pour autant, à aucun moment, la nomenclature DINTILHAC n’a convoqué la notion de "douleur" dans l’appréciation de ce déficit fonctionnel temporaire total, qui s’en distingue totalement.
Il est nécessaire de le dire et de le redire, alors même que certains auteurs insistent sur la prétendue confusion existant entre les notions de "gêne" et de "douleur" pendant la période antérieure à la consolidation :
"La gêne est un trouble physique éprouvé dans l’accomplissement de certaines fonctions et de certains actes. C’est une difficulté. C’est une situation qui impose une contrainte ou un désagrément".
(…)
"- Les circonstances de l’accident : souffrance psychique ?
Les blessures initiales : douleur ?
L’attente des secours, l’évaluation par les services de secours : douleur, souffrance psychique ?
Le traitement initial des blessures : douleur ?
L’hospitalisation : douleur, souffrance psychique ? Gêne certainement.
Les soins, pansements : douleur ou gêne ?
Les injections : douleur ou gêne ?
La kinésithérapie : douleur ou gêne ?
Les consultations de contrôle : gêne dans la vie quotidienne ?
Rester bloqué à la maison : gêne dans la vie quotidienne ?
Ne pas pouvoir se déplacer à l’extérieur : gêne dans la vie quotidienne ?
Ne pas pouvoir se déplacer comme auparavant : gêne dans la vie quotidienne ?
Ne pas pouvoir faire le ménage : gêne ?"
« Compte tenu de ces éléments, il est possible de se demander si les douleurs aiguës sont plutôt de la douleur ou de la gêne ».
A suivre ce raisonnement, on en arriverait à se demander s’il est bien normal d’indemniser séparément en intégralité, le « déficit fonctionnel temporaire total » et les « souffrances endurées » pendant la période antérieure à la consolidation !
Le rapport DINTILHAC nous apportait cependant les éléments de réponse :
Il ne s’agit pas des mêmes postes.
Pour autant, cette nouvelle définition n’a pas résolu toutes les difficultés pratiques propres à l’ancienne ITP (incapacité temporaire partielle), dont les taux étaient souvent mal précisés au stade de l’expertise et de ce fait, difficiles à indemniser ...
Dans les commentaires de sa « mission de droit commun 2006" l’AREDOC invite encore les médecins conseils de compagnies, lorsqu’ils sont confrontés à une gêne fonctionnelle partielle, à privilégier une description plutôt qu’un taux.
Cette position est contraire à celle adoptée par la plupart des avocats de victimes et nombre de tribunaux qui attendent de l’expertise des renseignements extrêmement précis sur le taux d’incapacité temporaire subi par la victime.
2 – Souffrances endurées
La nomenclature DINTILHAC s’inscrit dans l’évolution au fil du temps de ce poste de préjudice.
Les plus anciens se rappellent…
- que jusqu’en 1970, on utilisait le vocable "pretium doloris" qui, peu à peu, a laissé la place à celui de "quantum doloris", préféré par le médecin.
- qu’en 1971, la Chancellerie demandait aux experts de qualifier la douleur en employant les qualificatifs "très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important, très important", éventail d’adjectifs dont on pensait qu’ils permettraient une souplesse suffisante, mais dont l’expérience a prouvé qu’ils traduisaient une progression souvent incomprise par la victime elle-même, ce que le Docteur Claude ROUSSEAU avait résumé en 1983 dans cette formule :
"Un blessé ne peut comprendre que l’expert qualifie de "légères" les souffrances qui, pour lui, ont été importantes, d’où la préférence de plus en plus donnée aux chiffres."
- Qu’à partir de 1994, les adjectifs avaient cédé aux chiffres mais toujours dans une échelle à 7 degrés.
- Puis qu’ensuite, l’habitude était prise par les experts de coter en demi-degrés …
Les critères d’évaluation de la douleur ont suivi la même évolution.
Ce n’est qu’en 1973 qu’est apparue la prise en compte des souffrances morales subies pendant la période d’incapacité temporaire et c’est en 1982 que les éléments générateurs de douleurs ont été précisés avec seulement :
« - les circonstances de l’accident,
la nature des lésions initiales,
le nombre et la nature des interventions chirurgicales,
le temps de maintien d’une extorsion continue,
les changements de plâtre, les transports et déplacements douloureux,
le nombre et la durée des séjours hospitaliers,
la nature des investigations complémentaires,
la nature et la durée de la rééducation,
avec à chaque fois le rôle de l’angoisse qui ne devait pas être négligée. »
C’est un peu plus tard que la Société Française de Médecine Légale allait proposer un guide d’évaluation des souffrances endurées, qui constitue de livre de chevet d’un grand nombre de médecins conseils, parfois … d’avocats .
En 2000, les Docteurs SAHUC et CARBONNIE allaient proposer un standard reposant sur les lésions présentées et leur localisation (grille FFAMCE).
Aujourd’hui, les mêmes voix se font entendre pour soutenir qu’en raison d’une meilleure prise en charge par les soignants, d’un raccourcissement des durées d’hospitalisation, d’une plus grande efficacité des traitements antalgiques et d’un meilleur accompagnement psychologique, les douleurs seraient moindres, au point qu’il ne serait plus possible "de continuer à coter nos souffrances endurées comme auparavant" (sic !).
Le message est clair et clairement énoncé :
"On ne peut avoir sorti de la cotation des souffrances endurées la gêne éprouvée dans les activités quotidiennes jusqu’à la consolidation et maintenir les cotations qui étaient celles existant antérieurement à la nomenclature DINTILHAC" (sic !).
Dans ce contexte précis, un rappel de la nomenclature DINTILHAC s’impose.
Selon la nomenclature DINTILHAC, les souffrances endurées sont :
"Toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés que doit endurer la victime durant toute la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident à celui de sa consolidation."
Le rapport DINTILHAC rappelle, en tant que de besoin, qu’au-delà de la consolidation, les souffrances endurées relèvent du "déficit fonctionnel permanent".
Cette conception bien ancrée dans notre culture médico-légale dominante n’appelle pas d’observation.
Tout juste signalera t-on qu’en insistant sur la composante psychique de ce préjudice, la nomenclature DINTILHAC n’en laisse pas le champ exclusif au médecin contrairement à l’opinion exprimée par l’AREDOC selon laquelle "seul le médecin serait apte par sa formation à se prononcer sur l’importance, la nature et la durée des douleurs engendrées par telle ou telle lésion initiale".
Au contraire, on peut penser que le Conseil de la victime, qui a pu recenser avec celle-ci la violence de l’agression initiale, son "vécu" –(différent d’un individu à l’autre)- , le sentiment d’insécurité, la réalité d’un éloignement familial, le nombre d’interventions, la durée de la rééducation,… sera à même d’apporter une contribution utile à la quantification de ce poste au stade de l’expertise médicale.
Là encore, on mesure que l’évolution juridique née de cette nomenclature ne se cantonnera pas au prétoire mais se communiquera à l’expertise même.
3 – Préjudice esthétique temporaire
Il s’agit là d’un apport remarqué de la nomenclature DINTILHAC.
En effet, les membres de ce groupe avaient observé que, durant la maladie traumatique, la victime subissait souvent une altération de son apparence physique temporaire, mais dont les conséquences personnelles n’étaient pas prises en compte, « notamment chez les grands brûlés ou les traumatisés de la face".
C’est en partant de ce constat de bon sens, que ce chef de préjudice avait été intégré dans la nomenclature DINTILHAC.
Cette avancée ne va pas de soi. En effet, on constate que la "mission de droit commun 2006" proposée par les assureurs est muette sur ce préjudice !
Lorsqu’on se reporte aux commentaires qui accompagnaient cette mission, on peut lire que ce préjudice temporaire serait réservé "au cas très particulier (sic) de blessures très graves au niveau de la face, ou dans le cas de grands brûlés".
Ce qui travestit la lettre du rapport DINTILHAC, qui employait à dessein la locution « notamment », signalant implicitement mais nécessairement que bien d’autres hypothèses étaient envisageables et que le préjudice d’agrément temporaire n’avait pas à être cantonné aux blessures au visage ou aux brûlures !
Ce débat n’est pas sans intérêt : nombreuses sont en effet les victimes qui présentent une atteinte importante à leur image corporelle en raison par exemple de trépanation, fractures dentaires, fixateurs externes, escarres situées dans des parties de leur anatomie visibles… !
Depuis l’avènement de la nomenclature DINTILHAC, les experts et la jurisprudence semblent avoir pris la mesure de ce que peuvent être ces préjudices esthétiques temporaires.
A cet égard, on peut affirmer sans risque de se tromper que le port d’une minerve ou d’un plâtre ne semble pas répondre à l’esprit de ce poste de préjudice et qu’en présenter la réclamation affaiblirait plutôt le propos de la victime !
II – PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX PERMANENTS
1 – Déficit fonctionnel permanent
Le groupe de travail DINTILHAC a fait sienne l’analyse déjà développée par Madame LAMBERT-FAIVRE en renonçant au concept d’IPP au profit de celui, plus parlant, de "déficit fonctionnel permanent".
Mais on ne saurait réduire l’apport de la nomenclature à cette seule question de terminologie.
Ainsi que le rapport le dit très clairement, il s’agit, pour ce type de préjudice :
"d’indemniser non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie, et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation."
D’où l’adoption d’une définition très complète du DFP présenté comme :
"La réduction définitive du potentiel physique, psycho-sensoriel, ou intellectuel, résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable, par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours.""
Comme pour ajouter encore à cette démonstration, la nomenclature DINTILHAC n’impose aucune référence expresse au barème – plutôt fonctionnel - du Concours Médical.
Pour autant, le débat reste entier.
En effet, les "douleurs postérieures à la consolidation" et "l’altération de la qualité de vie de la victime" qui en résultent, justifient-elles une description plus fouillée, une augmentation du taux retenu au titre du déficit fonctionnel permanent ? Ou bien une majoration du poste "souffrances endurées” ?
a – On voit mal –disons-le franchement- comment on pourrait réparer un préjudice permanent en augmentant l’évaluation d’un poste de dommage, par essence temporaire.
b - D’autre part, ce serait vider de son apport une nomenclature, qui a expressément visé la prise en compte au-delà de la consolidation, non seulement d’une gêne fonctionnelle, mais encore d’une perte de qualité de vie (liée par exemple à des douleurs persistantes).
2 – Préjudice d’agrément
Si le "déficit fonctionnel permanent" prend une épaisseur certaine, le "préjudice d’agrément", quant à lui, s’affine…
Désormais, ce poste répare le dommage lié à "l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs."
Cela correspond d’ailleurs aux conceptions exprimées par le groupe de travail LAMBERT-FAIVRE qui évoquait même "un préjudice d’agrément spécifique".
On se souvient que dans le passé, c’est le recours des organismes sociaux qui avait favorisé l’essor du “préjudice d’agrément” lequel, en raison de sa nature extrapatrimoniale et de son imprécision, était tout désigné pour accueillir les préjudices non patrimoniaux que les victimes entendaient soustraire au recours subrogatoire …
Ainsi au fil du temps est-on passé d’une définition étroite (pratique d’un sport ou d’une activité culturelle ou artistique) à une conception plus large (privation des agréments d’une vie normale) pour en arriver à la notion actuelle “ d’activité spécifique ou de loisirs” …
Ce qui pourrait conduite les praticiens à rassembler –dès le stade de l’expertise– les éléments de démonstration propres à justifier de ces « activités spécifiques » perdues.
Sans doute est-ce pour cela que certaines juridictions ont depuis 2007 –invité dans leurs missions- l’expert à « indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si la victime est empêchée en tout ou partie de se livrer à des activités spécifiques de sport ou de loisir. »
3 – Préjudice esthétique permanent
Ce poste qui a vocation à "réparer les atteintes physiques, et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique de la victime" (et qui s’ajoute, le cas échéant, au préjudice esthétique temporaire) correspond trait pour trait à sa définition historique.
La jurisprudence antérieure ne s’en trouve donc pas modifiée.
Mais peut-être assiste-t-on, à quantum équivalent et par rapport aux années passées, à un certain "tassement" de l’indemnisation.
4 – Préjudice sexuel
Reprenant en partie les orientations du groupe de travail LAMBERT-FAIVRE, le rapport DINTILHAC s’est efforcé de détailler tous les aspects du dommage "touchant à la sphère sexuelle" en distinguant bien :
"- le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi
le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir)
le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant, notamment chez la femme, se traduire sous diverses formes, comme le préjudice obstétrical, etc…)"
En fait, rien de nouveau au plan de la pensée dans cette analyse , mais le rappel opportun d’une jurisprudence jusqu’alors parcellaire…
On peut considérer que désormais la nomenclature DINTILHAC forge un outil doctrinal et un guide clair à l’attention des tribunaux invités à se prononcer de façon personnalisée sur le préjudice sexuel de chaque victime en fonction de paramètres précis.
Mais là encore, l’existence d’un dispositif conceptuel nouveau ne saurait marquer le terme de toute réflexion sur le sujet, du moins si l’on en croit les diversités de perception affichées par les juridictions.
Il est évident qu’aussi descriptive soit-elle, la définition de la nomenclature n’interdit pas de distinguer dans ce préjudice au-delà du plaisir, le reflet d’une relation privilégiée avec l’autre, voire même la promesse d’un certain statut matrimonial et social…
Pour reprendre le mot du Professeur MELENNEC :
« A travers la sexualité, c’est beaucoup plus que l’intégrité physiologique des organes et des fonctions qui est en cause, c’est le statut affectif du sujet tout entier.
Le priver des moyens, fut-ce au prix de lésions physiques très minimes de réaliser ce statut, c’est précipiter irrévocablement son existence dans une dimension qui n’aura rien de commun avec ce qu’elle était auparavant. »
5 – Préjudice d’établissement
Il s’agit là d’un chef de préjudice dessiné par la jurisprudence pour décrire la situation de victimes jeunes souffrant, le plus souvent, d’un traumatisme crânien grave, et de ce fait, confrontés à l’impossibilité de fonder une famille, d’élever des enfants…
Gageons que la définition désormais claire de la doctrine permettra d’éviter les errements du passé (Que d’expertises judiciaires confondant "préjudice d’établissement" avec "préjudice sexuel", ou "préjudices liés à l’aménagement de l’habitat" au handicap !).
6 – Préjudice permanent exceptionnel
Le groupe de travail DINTILHAC avait tenu à ne pas arrêter une nomenclature trop rigide.
Non sans raison, il a souligné qu’il existait des préjudices “atypiques” dont une victime pouvait légitimement souhaiter obtenir réparation.
Ce n’était là que la traduction du principe de "réparation intégrale".
La nomenclature DINTILHAC laisse donc ouverte la possibilité d’appréhender certains préjudices spécifiques tels que par exemple celui touchant les victimes d’accidents collectifs (accidents d’avion, accidents industriels).
De façon plus anecdotique et pour illustrer le fait que la nomenclature n’est pas un « carcan », nous citerons le cas de deux préjudices extra patrimoniaux temporaires accueillis dans des hypothèses originales par le tribunal de Lyon :
Dans une décision datée du 15 octobre 2007 , La Chambre Civile du TGI de Lyon avait indemnisé à hauteur de 1 500 € le préjudice moral spécifique, du trésorier d’un club Harley-Davidson, qui après avoir été la « cheville ouvrière » d’un "Road Movie" de Denver à San Francisco, n’avait pu y participer que de loin, grâce au reportage de voyage de ses amis , en raison d’une amputation survenue quelques mois plus tôt…
Dans une autre datée du 4 septembre 2007, et rendue cette fois-ci par la Chambre Correctionnelle du même tribunal, le malheureux pilote d’une moto (cette fois-ci de marque japonaise !), avait vu sa perte de dignité (lorsqu’il était revenu à domicile avec l’obligation de s’en remettre à ses enfants pour ses soins corporels), réparée au moyen d’une indemnité de 3 000 €.
7 – Préjudice lié à des pathologies évolutives
Il s’agit là d’un préjudice extrapatrimonial enfin "officialisé", pour tenir compte de la prise en considération récente des pathologies évolutives (maladies incurables dont le risque d’évolution constitue en lui-même un dommage distinct indemnisable en soi, tel que le virus de l’hépatite C, le VIH, la maladie du Creutzfeldt Jacob…) :
" Préjudice résultant pour une victime de la connaissance de sa contamination par un facteur exogène, quelle que soit sa nature (biologique, physique ou chimique) qui comporte le risque d’apparition à plus ou moins brève échéance d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital."
La reconnaissance de ce préjudice spécifique est la suite de l’évolution jurisprudentielle amorcée en 1991 avec la notion de "préjudice moral d’une exceptionnelle gravité", puis plus tard de "préjudice spécifique de contamination" permettant ainsi l’indemnisation significative de préjudices pourtant extrapatrimoniaux .
EN CONCLUSION
La nomenclature DINTILHAC a, non seulement, recensé et ordonnancé des préjudices corporels que la jurisprudence avait peu à peu isolés, mais elle leur a aussi donné un éclat nouveau.
Contrairement à une idée répandue, il s’agit moins d’une démarche consumériste que d’un regard humaniste sur le blessé.
En effet, au plan intellectuel, les dommages ainsi identifiés correspondent à des réalités concrètes, parfois complexes, souvent différentes d’un blessé à l’autre mais qu’il est très important d’écouter et de réparer dès lors qu’elles existent.
Pour beaucoup de victimes, c’est moins là une question d’argent que de compréhension, de reconnaissance, de considération en somme.
Dominique Arcadio
Avocat au Barreau de LYON, spécialisation en Réparation du préjudice corporel