L'abandon de famille. Par Gauthier Lecocq, Avocat.

L’abandon de famille.

Par Gauthier Lecocq, Avocat.

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Explorer : # abandon de famille # obligation alimentaire # Élément intentionnel # peines

Bref rappel du délit d’abandon de famille.

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I- Quelle est la définition du délit d’abandon de famille ?

L’infraction d’abandon de famille est prévue au sein des dispositions de l’article 227-3 du Code pénal.

Cet article dispose que :

« Le fait, pour une personne, de ne pas exécuter une décision judiciaire ou l’un des titres mentionnés aux 2° à 5° du I de l’article 373-2-2 du Code civil lui imposant de verser au profit d’un enfant mineur, d’un descendant, d’un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le Code civil, en demeurant plus de deux mois sans s’acquitter intégralement de cette obligation, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Les infractions prévues par le premier alinéa du présent article sont assimilées à des abandons de famille pour l’application du 3° de l’article 373 du Code civil ».

Attention ! Si ce délit est souvent envisagé dans le cadre de relation parents/enfants, il serait faux de le circonscrire à cette seule situation.

En effet, l’abandon de famille peut être retenu lorsqu’une personne ne verse pas une somme d’argent à l’égard de l’un de ses ascendants (un parent ou autre…), de son conjoint, de ses petits-enfants ou de toute autre personne également mentionnée dans une décision de justice.

II- Quels sont les éléments constitutifs du délit d’abandon de famille ?

A- La condition préalable : un titre exécutoire.

Pour poursuivre un individu du chef d’abandon de famille, il doit préalablement exister une décision de justice civile exécutoire (un Jugement, une convention homologuée par le juge, une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du Code civil = un acte sous signature privée de divorce par consentement mutuel contresigné par avocats et déposé aux rangs des minutes d’un notaire, un acte reçu en la forme authentique par un notaire, une convention à laquelle l’organisme débiteur des prestations familiales a donné force exécutoire) mentionnant et définissant l’obligation de famille mise à la charge de l’infracteur (une contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, un devoir de secours, une prestation compensatoire – même en capital, des subsides, etc.).

Par ailleurs, le jugement ou la convention peut émaner d’une juridiction étrangère, à la condition d’être exécutoire en France.

B- L’élément matériel.

Le délit est caractérisé lorsque le débiteur s’abstient de procéder au règlement total de la somme mise à sa charge pendant plus de deux mois consécutifs.

En outre, un règlement simplement partiel peut caractériser l’élément matériel de l’abandon de famille.

Par ailleurs, l’infracteur ne peut invoquer aucune compensation entre la somme légalement due et d’autres versements qu’il aurait pu faire par ailleurs.

Toutefois, rien n’interdit au débiteur d’effectuer un paiement anticipé pour se libérer de l’intégralité de sa dette.

Enfin, le paiement ultérieur de la dette laisse subsister l’infraction [1]

C- L’élément intentionnel.

L’abandon de famille est une infraction intentionnelle. Les juges doivent caractériser expressément cet élément.

L’élément intentionnel suppose que soit établis la volonté de l’infracteur de se soustraire au paiement et sa connaissance préalable du titre créant une obligation alimentaire mise à sa charge, laquelle résultera notamment de la notification de la décision qui aura pu en être faite, voire de l’exécution temporaire de l’obligation avant interruption.

Attention ! L’élément intentionnel ne saurait être déduit du seul défaut de paiement [2].

Toutefois, cette seule connaissance n’est pas suffisante et ne fait pas présumer le caractère volontaire du défaut de paiement.

Sauf cas de force majeure (maladie, accident), la bonne foi du débiteur sera difficile à établir.

Exemples :

Ne peut être condamné pour abandon de famille celui qui, atteint d’une affection cardiaque l’obligeant à un repos complet, et dépourvu de toute ressources personnelles, se trouve à la charge de ses parents, une telle situation constituant un cas de force majeure [3].

A ainsi été relaxé le prévenu, qui n’ayant versé qu’une partie de la pension alimentaire qu’il devait à son ex-épouse au titre de sa contribution à l’entretien des enfants, justifie cette situation par une diminution significative de ses revenus et par l’accomplissement de démarches judiciaires tendant à voir supprimer cette pension alimentaire compte tenu de sa situation de précarité, ce qui lui a été accordé ultérieurement [4].

En tout état cause, il convient de rappeler que le débiteur doit s’acquitter prioritairement de cette somme mise à sa charge par rapport aux autres dettes lesquelles doivent être considérées comme secondaires (crédit, etc.).

III- Comment est réprimé le délit d’abandon de famille ?

La juridiction compétente pour connaître de cette infraction est le Tribunal correctionnel :
- du lieu de commission de l’infraction ou,
- du lieu de résidence du prévenu ou,
- du lieu d’arrestation ou de détention ou,
- du domicile ou de la résidence de la personne qui devait recevoir les sommes dues.

En outre, l’infraction d’abandon de famille est un délit, de sorte que le délai de prescription de 6 ans commence à courir à compter de la commission de l’infraction (= le jour de l’absence du second paiement sur les deux mois consécutifs).
Enfin, les personnes physiques reconnues coupables de cette infraction encourent une peine de 2 ans d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

De même, elles encourent les peines complémentaires de l’article 227-29 du Code pénal (à savoir l’interdiction des droits civils, civiques et de famille, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs, etc.).

Attention ! Lorsque le débiteur d’une obligation familiale change de résidence, ce dernier a alors l’obligation de communiquer sa nouvelle adresse au créancier.

À défaut, il s’expose à une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Gauthier Lecocq
Avocat au barreau de Versailles
Cabinet Bariseel-Lecocq & Associés Aarpi Inter-Barreaux

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Notes de l'article:

[1Cass., Crim., 23 mars 1981.

[2Cass., Crim., 26 novembre 1997.

[3Cass., Crim., 24 avril 1937 1997.

[4CA Rennes, 11 avril 2008.

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Discussions en cours :

  • Bonjour Maitre, merci pour votre article. Concernant le début du délai de prescription, je lis sur le site du service public que l’abandon de famille est cité en exemple des cas particuliers d’infraction continue, celle qui dure dans le temps. Dans ce cas le délai de prescription commencerait le dernier jour où l’infraction est commise. Mon interprétation est-elle correcte ? Par exemple : si la pension alimentaire pour un enfant mineur a été versée intentionnellement partiellement pendant 10 ans, et que l’infraction s’arrête en janvier 2020 car le jugement a été modifié et remplacé par une autre décision. Alors, faute de règlement amiable accepté, le délai de prescription pour ce délit pénal d’abandon de famille commencerait donc à la date du dernier impayé, en janvier 2020 avec restant dus tous les impayés précédents, sur 10 années ?

    Merci beaucoup si vous trouvez le temps d’éclairer ce point, je n’avais entendu parler d’infraction répétée et d’infraction continue.

    • par Me LECOCQ , Le 13 juin 2022 à 18:17

      Bonjour,

      Merci vivement de votre message.

      Pour vous répondre, je vous précise que la Jurisprudence en la matière retient que le délit d’abandon de famille se renouvelle chaque fois que son auteur manifeste par son comportement sa volonté de persévérer dans son attitude délictueuse.

      Plus précisémeent, il s’agit d’une infraction à caractère successif qui se réitère tant que son auteur persiste dans son refus d’exécuter l’obligation mise à sa charge par décision du juge civil.

      Au plaisir de vous lire,

      Cordialement.

    • par Estelle , Le 27 décembre 2024 à 17:25

      Bonjour Maître, Merci beaucoup pour votre blog. Sur votre réponse concernant l’infraction continue indiquée par Pageur en 2022, elle est en effet indiquée comme telle sur le site gouvernemental et le décompte du délai de prescription du dernier jour du constat d impayé, donc 2020 + 6 ans il semble, si j’ai bien compris, que la dette n’ est pas prescrite avant 2026 pour Pageur. Ce que je n’ai pas saisi c’est si "infraction continue" signifie bien que la dette est donc due sur toute sa durée successive (ce qu’on comprend par infraction continue). Cela est important car la suite de la plainte en abandon de famille serait de se constituer partie civile pour demander réparation sur la période de créance non prescrite (infraction continue sur 10 ans, pour reprendre le cas de Pageur). Merci par avance si vous voulez bien préciser ce point, cette subtilité en matière pénale ne semble pas très connue et a son importance sur la prise en compte du préjudice et dommages.
      Sur quelle juridiction pouvez-vous intervenir en tant qu’avocat ? Le-la créancier peut-il-elle saisir le juge de l’ exécution de son domicile, ou cela doit-il être obligatoirement celui du domicile du débiteur ? Merci, et belles fêtes de fin d’année.

  • Bonjour Maître,
    Je lis dans votre article que le délai de prescription est de 6 ans mais j’ai lu d’autres articles dans lesquels il était indiqué 3 ans.
    Du coup je suis perdu. Avez vous un article de loi précisant 6 ans ?
    Merci

    • par G. LECOCQ , Le 12 mars 2024 à 13:47

      Bonjour,

      Avez-vous les dates de publication de vos articles mentionnant le délai de 3 ans ?

      Elles doivent assurément être antérieures à la réforme de l’article 8 du Code de procédure pénale.

      Au plaisir de vous lire,

      Cordialement.

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