En l’espèce, un salarié demandait l’organisation d’élections professionnelles dans son entreprise. Il est convoqué le mois suivant pour un entretien préalable au licenciement, puis est licencié.
Le salarié saisit le conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement, et sollicite des dommages et intérêts au titre de l’absence « d’institutions représentatives du personnel » dans entreprise.
Pour rappel, toute entreprise dont les effectifs atteignent le seuil de onze salariés pendant une période de douze mois consécutifs sont tenues d’organiser des élections professionnelles, afin d’élire les membres du Comité Social et Économique (CSE) [1].
Un salarié ou un syndicat peut demander à l’employeur que soient organisé des élections professionnelles au sein de l’entreprise. L’employeur doit engager le processus électoral dans le mois qui suit la réception de la demande. En l’absence de candidat, l’employeur informe les salariés que le CSE ne sera pas constitué, il est tenu d’établir un « procès-verbal de carence », qui doit être adressé à l’inspection du travail [2]. Ce procès-verbal permet à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de ses obligations électorales.
Saisie par la déclaration d’appel du salarié, la Cour d’appel de Paris estime que cette demande de dommages et intérêts du fait de l’absence d’institutions représentatives du personnel ne peut être accueillie car le salarié ne justifie d’aucun préjudice consécutif à cette absence.
Les juges d’appel attendaient du salarié qu’il rapporte la preuve de son préjudice afin d’en demander la réparation, conformément à la jurisprudence établie depuis le revirement opéré en 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation [3].
La décision de la cour d’appel retenait ainsi que :
« Sur l’indemnité pour absence d’institution représentative du personnel, M. Z. ne justifie d’aucun préjudice consécutif à l’absence d’institution représentative du personnel. Sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée ».
Le salarié conteste la décision rendue par les juges de la cour d’appel et se pourvoit en cassation.
La chambre sociale casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et affirme l’existence d’un préjudice nécessaire du fait de l’absence d’institutions représentatives dans l’entreprise.
Les juges de la Cour de cassation soulignent que :
« L’employeur qui n’a pas accompli, bien qu’il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts ».
Dans la continuité d’une décision du 17 octobre 2018 [4], la chambre sociale confirme, par cet arrêt publié au bulletin, que la carence dans l’organisation d’élections professionnelles permet aux salariés concernés d’obtenir une indemnisation sans avoir à démontrer l’existence d’un préjudice personnel.
En effet, la preuve d’un tel préjudice peut être délicate à rapporter pour le salarié qui, par hypothèse, n’a pas été mis en situation de bénéficier de la présence d’un Comité social et économique.
La dispense de démonstration d’un préjudice rappelé par cet arrêt du 28 juin 2023 n’interdit naturellement pas de démontrer concrètement l’existence d’un préjudice personnel, afin de justifier la demande d’une indemnisation individuelle.