L’absence de sanction des règles de l’autorité parentale conjointe.

Par Brigitte Bogucki, Avocat.

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Explorer : # autorité parentale conjointe # décisions parentales # conflits parentaux # conséquences psychologiques

Alors que l’on parle sans cesse de la "loi famille" et des modifications à apporter à l’autorité parentale, il m’a paru nécessaire de rappeler quelques vérités pratiques de la "vraie vie des parents séparés" et des nécessités de réforme qui, malheureusement ne semblent pas à l’ordre du jour.

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Définition et contenu

L’article 372 du Code civil prévoit que l’autorité parentale conjointe est la règle.
Le principe semble simple, les décisions importantes de la vie de l’enfant doivent être prises conjointement par les deux parents.

Par contre les décisions usuelles peuvent être prises par un parent seul.

La question est de savoir ce que sont les décisions importantes et les décisions usuelles.

Il n’existe pas de liste, c’est au cas par cas que la jurisprudence le décide et, malheureusement, les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires ne sont pas toujours d’accord...

Mais de toute façon, la frustration de se voir imposer une décision peut être considérable et il est difficile de déterminer ce qui est usuel ou pas tant cela peut différer d’une famille à l’autre.

Ainsi par exemple, l’inscription des enfants à des activités para-scolaires est souvent considérée comme une décision usuelle. Pourtant cette inscription peut avoir des conséquences non négligeables en empêchant l’enfant d’être disponible pour voir son autre parent ou en arrêtant une activité compétitrice considérée comme extrêmement importante par l’un des parents.

Au demeurant, il est toujours frustrant d’être exclut de fait des décisions concernant son enfant, fussent-elles usuelles.

Principales difficultés

Il arrive fréquemment que les parents soient discordants concernant l’éducation de leurs enfants et plus encore une fois qu’ils se sont séparés.

Il est notamment courant que des parents soient en désaccord sur un élément qui leur semble fondamental concernant leur enfant (par exemple l’éducation religieuse, la communion, la circoncision, le choix de l’école publique ou privée, changement d’école, traitement médical, suivi psychologique, choix du médecin...).

Dans ce cas, l’un des parents doit saisir le juge aux affaires familiales du lieu de résidence de l’enfant pour lui demander de trancher.

Mais il arrive aussi, trop souvent, que l’un des parents prenne la décision unilatéralement, sans tenir aucun compte de l’avis de l’autre parent, qui se trouve ainsi mis devant le fait accompli.

Encore plus courant, le parent avec lequel l’enfant réside agit comme s’il était seul à être titulaire de l’autorité parentale et prend toutes les décisions concernant l’enfant sans concerter l’autre parent et parfois même sans l’en informer de sorte que c’est par hasard, souvent au détour d’une conversation ou à la réception d’un document administratif que le malheureux parent apprend que telle ou telle décision a été prise concernant son enfant .

Parfois le parent ainsi bafoué pourra agir avec efficacité en interdisant au tiers concerné d’agir en s’appuyant sur l’autorité parentale conjointe (par exemple en interdisant à un médecin de traiter son enfant, au curé de faire la communion ou à l’école d’accepter la radiation ou l’inscription de son enfant sans son accord préalable, de choisir les options scolaires).

Si la décision concernée dépasse clairement l’acte usuel d’autorité parentale, le parent aura la possibilité d’agir judiciairement contre le tiers si celui-ci ne se conforme pas aux règles légales à savoir l’accord express des deux parents pour tous les éléments qui ne sont pas de l’ordre des actes usuels.

En pratique, un simple courrier recommandé avec accusé de réception suffit la plupart du temps à obtenir gain de cause.

A noter, le Ministère de l’Education Nationale a publié un petit livret sur l’exercice de l’autorité parentale à l’école, [téléchargeable sur le site du Ministère,] qui peut s’avérer très utile pour rappeler aux écoles leurs obligations.

Encore faut-il évidemment que le parent bafoué soit prévenu à temps et que l’acte ne soit pas déjà fait (par exemple, opération chirurgicale, saut en parachute...). Sinon il pourra toujours attaquer le tiers en responsabilité mais la décision sera devenue par sa nature même irrévocable.

Bien souvent quand le parent l’apprend il est trop tard et il ne peut plus exiger de revenir en arrière car se serait contraire à l’intérêt de l’enfant.

Malheureusement, il n’existe aucune sanction contre le parent qui prend ainsi l’ascendant et se comporte comme s’il était seul à avoir le droit de décider.

Tout au plus au cas ou une procédure interviendrait ultérieurement concernant la résidence de l’enfant, le parent malheureux pourra en faire un argument puisque le juge est censé, dans sa décision prendre en compte la capacité de chaque parent à respecter les droits de l’autre. Mais il ne faut pas se leurrer, c’est un argument qui sera loin d’être fondamental sauf cas particulièrement grave et exceptionnel.

Les conséquences de cette absence de sanction

Comme toujours lorsqu’une loi n’est pas appliquée et que la puissance publique ne fait rien pour son application, les conséquences psychologiques sont considérables et dans ce cadre particulier ce sont toujours les enfants qui en souffrent.

En effet, mis en situation de contrôle total pour l’un ou d’impuissance frustrante pour l’autre, les parents vont se livrer une guerre sans merci dont l’enfant sera le centre et donc la victime.

Selon leur situation et leur caractère, certains parents vont purement et simplement démissionner de leurs devoir d’éducation, lassés de se battre pour rien et de se voir systématiquement bafoué, l’enfant peut alors se sentir abandonné.

D’autres au contraire vont entrer dans une véritable guerre de tranchées, mettant souvent l’enfant en conflit de loyauté, ce qui peut amener des troubles psychologiques graves.

Pas de solution facile donc pour le malheureux parent que l’on n’écoute pas et qui pourtant voudrait simplement jouer réellement son rôle parental.

Rester présent sans être harcelant, être attentif sans être suspicieux, garder l’esprit ouvert, toutes choses bien difficile quand la colère (légitime mais mauvaise conseillère) est présente et que l’autre parent caracole dans ses choix unilatéraux.

Pourquoi ne pas demander de dommages intérêts à l’encontre du parent qui agit de la sorte, c’est une solution à envisager, mais encore faut-il prouver le dommage moral et l’évaluer...

Je ne peux que regretter que le législateur n’ait pas pris la mesure de la difficulté en agissant avec :
- vigueur contre les tiers (notamment les établissements scolaires et médicaux) qui agissent sans l’autorisation des deux parents et ne savent visiblement pas ce que veut dire autorité parentale conjointe.
- intelligence pour contraindre les parents à se respecter dans les décisions concernant leurs enfants communs.

Me Brigitte BOGUCKI, spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, Professionnel collaboratif
Avocat à Paris et Lille http://www.adr-avocats.com

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Discussions en cours :

  • par Didine , Le 15 avril 2023 à 14:10

    Il y a aussi des parents dont on attend désespérément l’avis et dont le silence bloque toute décision pendant des mois. On ne peut pas saisir la JAF plusieurs fois par an pour des soins orthodontiques puis un suivi psychologique etc...
    Il faudrait associer les droit à des devoirs de réponse dans des délais raisonnables.

  • Curieusement, la responsabilité des juges n’est jamais engagée ! Ce sont pourtant eux qui fixent la résidence principale des enfants chez ce parent qui ne respecte pas l’autre parent. Ce sont encore eux qui ne prennent aucune mesure, telle qu’une astreinte financière, pour que les droits de visite ou d’hébergement ne soient pas violés sans aucune conséquence. Ce sont encore eux qui prévoient une autorité parentale conjointe sans donner les moyens de l’exercer.
    Comment peuvent-ils agir ainsi et prétendre dans le même temps se prononcer dans l’intérêt de l’Enfant ?
    Tant que les décisions des affaires familiales seront rendues par des irresponsables, ces juges continueront d’imposer, en toute impunité, leurs a priori sexistes selon lesquels un enfant devrait être élevé par sa mère et le père devrait être réduit au rôle de pourvoyeur de pension alimentaire.

    • par bernabé , Le 23 août 2014 à 15:12

      oui parfaitement meme le pere tout en étant le géniteur dois meme au rsa donner une pension alimentaire suivant ses revenus a part quand la femme sest remarier fiancer ou pascer

    • par Papaparisien , Le 23 mars 2016 à 15:50

      Je confirme ! Lors de mon divorce en 2015, je n’avais d’autres ressources que le RSA (452,21€). La mère de mon enfant disposait, elle, de revenus mensuels (déclarés) nettement plus conséquents : 3.500€... Elle a demandé à la JAF une pension alimentaire de 150€/mois et a obtenu 100€ !!! (Tribunal de Nanterre, 92).

    • par Emvri , Le 29 mars 2016 à 10:39

      Bonjour je souhaiterais vous demander dans le cas ou le père doit une pension alimentaire et que celui ci est au RSA, peut il payer en espèce ? Et peut on déclarer l’espèce ?

    • par Une maman qui a fait son possible , Le 14 février 2017 à 17:30

      Bonour,
      J’ai élevée seule mes enfants pendant 20ans.Je me suis privée, aujourd’hui ils font des études supérieures et l’autre parent est dans l’impunité totale malgré 7 passages au tribunal (correctionnel et civil), 4 plaintes pour non paiement de pension.
      Je ce que je dire : payer quelque chose, même symbolique quand on n’a pas les moyens c’est important ; si on a que le rsa, on peut donner 20 euros et participer d’autres façons (garder le soir après l’école 30minutes, ce qui fait faire des économies de garderie à la mère, l’enfant est content de voir son père...emmener à la piscine, payer une activité ou un atelier artistique un mercredi, acheter une paire de chaussure,...) Il y a pleins de choses qui peuvent être faites qui ne coûtent rien, juste du temps ou de la volonté qui font plaisir à l’enfant et aide la mère.

  • ma requête jaf sur ce sujet n’a eu comme seul effet la suppression de mes droits et devoirs de visite et d’hébergement sur mes 2 enfants accompagner de lourds frais judiciaires ( avec saisi de mon seul et unique véhicule..... vue que mes moyens financiers ne me permettez pas de payer .....pourtant je bénéficier de l’AJ ..... mais l’article 700 a était sollicitée et accepter....) .

    mon tgi, mon jaf ne tranche pas ce genre de demande ( actes non usuel, ) , votre article correspondant pil poile a ma situation la situation (radiation et inscription scolaire+ mon éloignement de la communauté éducative ( sans ordonnance du parquet), +++ ( santé de mes enfants pris en otage par la psychiatrie (prétextant remplacer et ce substituer a mon rôle au yeux de mes enfants) . etc , etc

    • par Chazel , Le 27 août 2014 à 22:13

      Quel drame faudra t il pour que le systeme change ?
      Groupons nous avec l appui d avocats motives et soucieux de l interet des enfants, comme Maitre B et agissons dans la legalite mais en utilisant tous les ressorts et defauts du système judiciaire ( lenteur , mediocrite des jugements, peur des jaf pour leur carriere, faveur a priori addiction aux versions des meres encouragees a mentir pour se venger d avoir ete larguees...Comment leur faire prendre conscience du mal quelles font a leur enfant !...)

  • par mike , Le 21 septembre 2018 à 12:30

    voila moi je suis entrain de vivre la même chose mes droit sont bafouer . mon ex compagne a décidé de déménager en septembre 2015 en me prévenant par téléphone qu elle déménager sans le faire dans la légalité même au niveau de l’école de mes enfants je n’es jamais signer la papiers de radiation en sachant que nous avons les parentaux en commun et depuis 2015 mes enfants ont changer 3 fois d’école dans l année 2015/2016 et je n’es jamais signer aucun papiers pour la radiation ou encore pour les inscriptions dans les nouvelles école. au jour d’aujourd’hui j’ai appris par mes enfants qu’ils allaient encore déménager et encore changer d’école et encore sans me demander mon avis ou quoi que soit. de plus les enfants veulent vivre avec moi mais leur mère n en fait qu a sa tête et ne veut pas écouter le souhaits des enfants. et depuis qu’ elle déménager de Caen pour vivre a Béziers j ai du faire et refaire des requête auprès du JAF même encore cette année j ai du refaire une requête et j avoue que psychologiquement j ai du mal à en voir le bout surtout rester dans l’attente que le JAF se décide a donner satisfaction a mes requête surtout que depuis qu ’elle déménager sur Béziers les enfants sont pas en sécurité livré a eux même mais surtout qu’ elle a une mesure éducatif sur le dos mais encore la avec tout ça on lui laisse encore les enfants. et ça devient de plus en plus dur pour moi et pour les enfants aussi surtout que mes enfants je les voit que pour les vacances

  • par Julien , Le 20 février 2018 à 10:07

    Bonjour à tous,

    Je suis exactement dans ce cas.
    Toutes les décisions concernant les enfants sont prises sans que j’en sois un minima informé.
    Je découvre par exemple que les enfants ont appareil dentaire dans le pièces du divorce en cours. Pas que j’aurais souhaité m’y opposer mais la manière est tout simplement scandaleuse.
    Cela fait donc 4 ans que cette situation perdure et je ne trouve pas de solution.
    Les enfants ont font les frais et ma fille de 8 ans en souffre. Il nous été conseillé de la faire suivre et j’ai donc pris un RDV avec un psy et j’ai pris la peine d’avertir l’autre parent. Grosse erreur puisque le psy m’a informé 2 jours avant le RDV que l’autre parent s’y était opposé.

    A ce jour j’ai effectivement envie de laisser tomber, j’ai bien conscience que les enfants en souffriront aussi mais aujourd’hui aussi. Entre 2 maux quel est le moindre ?

    Bonne journée

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