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Responsabilité parentale : impact de la résidence habituelle de l’enfant.

Par Agathe Gaume-Bertier, Juriste.

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Explorer : # responsabilité parentale # résidence habituelle de l’enfant # autorité parentale conjointe # principe d’égalité

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 mars 2023 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité.
La question portait sur la conformité à la constitution du 4ème alinéa de l’article 1242 du Code civil lequel énonce : « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitants avec eux ». La résidence habituelle de l’enfant comme critère déterminant de la responsabilité de plein droit d’un des parents est le sujet central de cette question prioritaire.

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Dans cette affaire, un enfant mineur est l’auteur d’un incendie et la responsabilité civile de ses parents est donc engagée conformément à l’article cité en préambule. Les parents de l’enfant sont séparés mais bénéficient tous les deux de l’autorité parentale.

Cependant la résidence habituelle de l’enfant est fixée par le juge chez un des deux parents.

La question était donc de savoir si la condition relative à la résidence habituelle de l’enfant pouvait remettre en cause la responsabilité solidaire des parents investis de l’autorité parentale sans contrevenir à certaines exigences constitutionnelles et notamment le principe d’égalité.

Le Conseil constitutionnel examinera aussi les alinéas 10 et 11 de la constitution de 1946 relatifs au droit de mener une vie familiale normale et mettant en place la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

I. Deux éléments nécessaires à la responsabilité solidaire : autorité parentale conjointe et cohabitation des deux parents avec l’enfant.

Pour que les conditions de la responsabilité solidaire des parents puisse jouer, deux éléments doivent être réunis. Les parents doivent tous les deux être investis de l’autorité parentale et cohabiter avec l’enfant sous le même toit.

La jurisprudence de la Cour de cassation en la matière est constante. Pour déterminer la responsabilité de l’un et/ou l’autre des parents, la cour se focalise sur l’élément matériel qu’est la résidence habituelle de l’enfant dans le cadre d’une séparation ou d’un divorce et non sur les obligations relatives à l’autorité parentale lorsque les deux parents en sont investis.

On peut se demander si la décision serait identique dans le cas où les parents ne seraient ni séparés, ni divorcés mais où les circonstances de la vie les amèneraient pendant un temps long ou récurrent à ne pas habiter ensemble. En effet, dans cette situation, les éléments matériels auxquels semblent s’attacher le juge seraient réunis pour ne plus faire jouer la solidarité. Au regard de la jurisprudence, il semble cependant que la solidarité persiste en cas de séparation de fait [1].

On peut encore s’interroger sur la situation où les parents divorcés ou séparés pour un temps sont obligés d’habiter ensemble pour des raisons économiques. L’enfant aurait donc sa résidence habituelle chez un des parents mais l’autre parent serait hébergé par son ex-conjoint. Ils seraient donc tous les trois sous le même toit. La solidarité subsisterait elle ?

Est-ce le lien juridique entre les parents qui détermine si l’enfant habite avec les deux ou avec un seul ? Est-ce la seule décision du juge fixant la résidence habituelle de l’enfant qui décide pour l’avenir de la responsabilité civile des parents ?

Il semble que, pour l’heure, ce soit la décision du juge fixant la résidence habituelle de l’enfant qui détermine la responsabilité civile de l’un ou l’autre parent puisqu’il a été jugé que le fait que l’enfant soit aux côtés de l’autre parent au moment du drame dans le cadre d’un droit de visite ou d’hébergement ne changeait rien au fait que le responsable de plein droit est le parent au domicile duquel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée [2]. Seule la faute du parent ne résidant pas quotidiennement avec l’enfant pourrait engager sa responsabilité.

II. Une différence de traitement justifiée par la différence de situation.

Pour le Conseil constitutionnel, le principe d’égalité n’est pas mis à mal car la différence de traitement se justifie par la différence de situation dans laquelle se trouve le parent chez qui la résidence habituelle de l’enfant est fixée. Par conséquent, il estime que la différence de traitement est en accord direct avec l’objet de la loi.

Le Conseil constitutionnel estime que ces dispositions n’entrainent aucune inégalité de traitement entre les victimes. Cependant, on peut noter que cette règle empêche les victimes d’engager la responsabilité de plein droit de l’autre parent puisqu’il leur faudra rechercher sa faute.

Cette vision des choses est certes critiquable mais quel système plus juste pourrait être mis en place ? La responsabilité de plein droit des deux parents au-delà du critère de la résidence de l’enfant à partir du moment où ils ont tous les deux l’autorité parentale serait-elle souhaitable ?

On peut légitimement se poser la question dans la mesure où chacun des parents dans ce cas a les mêmes droits et qu’il peut intervenir dans l’éducation et le cadre de l’enfant.

Agathe Gaume-Bertier
Juriste/DPO

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Notes de l'article:

[1CA Lyon, 12 juin 2018 n° 17/06238.

[2Cass.crim., 29 avril 2014 n°13-84.207.

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