Audience de contestation de saisie chez l’avocat : droit à un avocat + notification du droit de se taire.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.

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Explorer : # droit de se taire # droit à l'assistance d'un avocat # perquisition # saisie

Ce que vous allez lire ici :

Dans cet article, il est question d'une perquisition dans le cabinet d'un avocat, qui a entraîné la saisie de son téléphone portable. L'avocat et le bâtonnier ont contesté cette décision en se basant sur l'article 56-1 du Code de procédure pénale.
Description rédigée par l'IA du Village

Par un arrêt rendu le 5 mars 2024 (n° 23-80.229) publié au bulletin, la chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur la validité d’une ordonnance rendue par le président de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Fort-de-France au sujet de l’audience de contestation de saisie suite à une perquisition chez un avocat, sans que celui-ci ait pu exercer son droit à l’assistance par un confrère.

-

Il résulte de l’article 56-1 du Code de procédure pénale que la perquisition dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile justifiée par sa mise en cause suppose l’existence de raisons plausibles de sa participation à une infraction.

Lors de l’audience de contestation de saisie d’une part, le droit de se taire doit lui être notifié, le défaut d’une telle notification ayant cependant pour seule conséquence que ses déclarations sur les faits demeurant à la procédure ne pourraient être utilisées contre lui pour prononcer son renvoi devant une juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité.

D’autre part, cet avocat ne peut être privé du droit d’être assisté d’un avocat.

Pour rappel, il y a une quarantaine de perquisitions en cabinet d’avocats à Paris chaque année.

I. Faits et procédure.

Un avocat mis en cause dans le cadre d’une enquête préliminaire et d’une information ouverte, a fait l’objet d’une perquisition à son cabinet, qui a donné lieu à la saisie du contenu de son téléphone portable.

L’avocat perquisitionné et le bâtonnier ont formé un recours contre la décision du juge des libertés et de la détention, de verser les éléments saisis à la procédure.

Par ordonnance en date du 19 décembre 2022, le président de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Fort-de-France rejette le recours formé par l’avocat et le bâtonnier, et lors de l’audience, il a invité l’avocat assistant de l’avocat perquisitionné, à quitter la salle d’audience aux motifs que l’article 56-1 du Code de procédure pénale ne prévoit pas qu’un avocat quand bien même il solliciterait d’assurer la défense de son confrère au domicile ou au cabinet duquel la perquisition a été effectuée, puisse participer ou assister aux débats tenus en chambre du conseil ou en audience de cabinet et que la présence du Bâtonnier ou de son délégué permet de veiller à la régularité de la procédure.

L’avocat et le bâtonnier se pourvoient donc en cassation sur le fondement des articles 56-1 alinéa premier du Code de procédure pénale et 56-1 alinéa 8 de ce même code, selon lesquels respectivement :

« Les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées que par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, à la suite d’une décision écrite et motivée prise par le juge des libertés et de la détention saisi par ce magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, l’objet de celle-ci et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits. Le contenu de cette décision est porté à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué dès le début de la perquisition par le magistrat effectuant celle-ci.
Celui-ci et le bâtonnier ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents ou des objets se trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d’autres infractions que celles mentionnées dans la décision précitée. Lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut être autorisée que s’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203.
Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité
 ».

et

« la décision du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures, formé par le procureur de la République, l’avocat ou le bâtonnier ou son délégué devant le président de la chambre de l’instruction. Celui-ci statue dans les cinq jours suivant sa saisine, selon la procédure prévue au cinquième alinéa du présent article ».

II. Moyens.

En effet, l’avocat demandeur au pourvoi en cassation soutient, sur le fondement de l’article 56-1 alinéa 8 du Code de procédure pénale, son droit à l’assistance d’un avocat lors d’un recours formé contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention, devant le président de la chambre de l’instruction.

L’avocat soutient que le président de la chambre de l’instruction a violé ses droits de défense et son droit à l’assistance d’un avocat, en invitant son avocat à quitter la salle d’audience aux motifs que l’article 56-1 du Code de procédure pénale ne prévoirait pas qu’un avocat puisse participer ou assister aux débats tenus en chambre du conseil, quand bien même il solliciterait d’assurer la défense de son confrère, et que la présence du bâtonnier permettrait de veiller à la régularité de la procédure.

III. Solution.

Un avocat mis en cause ou concerné par une saisie, peut-il être assisté par d’un avocat lors d’un recours formé contre une décision d’un juge des libertés et de la détention, devant le président de la chambre de l’instruction ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation répond par la positive sur le fondement des articles 6§1 et §3 c) de la Convention européenne des droits de l’homme et des articles préliminaires du Code de procédure pénale, selon lesquels il se déduit que toute personne suspectée ou poursuivie, qui ne souhaite pas se défendre elle-même, a droit à l’assistance d’un défenseur de son choix.

Selon la Cour de cassation, quand bien même l’article 56-1 du Code de procédure pénale ne prévoit pas qu’un avocat puisse assister et participer aux débats tenus en chambre du conseil ou en audience de cabinet, il ne saurait pour autant exclure ce droit.

De plus, si le bâtonnier est chargé d’une mission générale de protection des droits de la défense, cette mission ne se confond pas avec la défense des intérêts de l’avocat mis en cause, concerné par la saisie.

Ainsi, la Cour de cassation casse et annule l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Fort-de-France.

En pratique, lors des audiences de contestation de saisie chez l’avocat, devant le JLD ou la Chambre de l’instruction de la cour d’appel, le droit à un avocat est (heureusement) très rarement contesté par les magistrats.

En revanche, la notification du droit de se taire de l’avocat lors de cette même audience est une nouveauté.

Cet arrêt du 5 mars 2024 fait écho à la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1074 du 8 décembre 2023 qui a jugé que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.

Source :

Cour de cassation, 5 mars 2024, Pourvoi n° 23-80.229
Conseil constitutionnel n° 2023-1074 du 8 décembre 2023
Perquisitions en cabinet d’avocats : guide de survie à l’usage des consœurs et confrères

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
Sarah Bouschbacher, juriste M2 propriété intellectuelle Paris 2 Assas
Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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