1) Faits et procédure.
Par deux ordonnances des 29 novembre 2022 et 2 décembre suivant, le juge des libertés et de la détention a autorisé le juge d’instruction chargé de la procédure à réaliser une perquisition dans les locaux professionnels où MM. [W] [Y] et [G] [X] exercent la profession d’avocat.
À l’occasion de cette perquisition, effectuée le 5 décembre 2022, le représentant du bâtonnier de l’ordre s’est opposé à la saisie de certains éléments, qui ont été placés sous scellé fermé.
Le magistrat instructeur a saisi, le 8 décembre 2022, le juge des libertés et de la détention pour qu’il prononce sur cette opposition.
Par ordonnance du 29 mars 2023, ce magistrat a ordonné le versement à la procédure du contenu du scellé concerné.
MM. [Y] et [X] ont relevé appel de cette décision le 30 mars suivant.
2) Moyen.
Le moyen critique l’ordonnance attaquée notamment en ce qu’elle a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant ordonné le versement à la procédure du contenu du scellé fermé « JI/CAB/1 » constitué lors de la perquisition du cabinet de MM. [Y] et [X], alors :
« 1°/ d’une part que le délai de 5 jours ouvert au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la contestation de la saisie d’un document à l’occasion d’une perquisition dans le cabinet d’un avocat est prescrit à peine de nullité et de restitution à l’avocat de la pièce en cause ; qu’en affirmant, pour dire la procédure suivie en l’espèce régulière même s’ « il est constant que le délai de cinq jours pour statuer n’a pas été respecté par le juge des libertés et de la détention », « le délai n’est pas prévu à peine de nullité », le Président de la Chambre de l’instruction a violé les articles 56-1, 591 et 593 du Code de procédure (…) ».
3) Réponse de la cour.
Pour rejeter le moyen pris du caractère tardif de la décision du juge des libertés et de la détention, rendue le 29 mars 2023, soit plus de cinq jours après réception des pièces transmises le 8 décembre 2022, l’ordonnance attaquée constate que ce délai imparti par l’article 56-1 du Code de procédure pénale au juge des libertés et de la détention pour statuer n’a pas été respecté.
Le président de la chambre de l’instruction relève que, néanmoins, seules les dispositions du premier alinéa de ce texte sont prescrites à peine de nullité.
Il en conclut que le dépassement dudit délai ne peut constituer une cause d’annulation, ni d’infirmation.
En se déterminant ainsi, le président de la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des textes visés au moyen, dès lors que le respect du délai de cinq jours imposé au juge des libertés et de la détention par l’article 56-1, alinéa 4, du Code de procédure pénale, n’est prescrit à peine de nullité ni par ce texte ni par l’article 59 dudit code.
4) Analyse.
Le bâtonnier ou son délégué peut s’opposer à la saisie d’un document ou d’un objet s’il estime que cette saisie serait irrégulière.
Le document ou l’objet doit alors être placé sous scellé fermé.
Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal mentionnant les objections du bâtonnier ou de son délégué, qui n’est pas joint au dossier de la procédure.
Si d’autres documents ou d’autres objets ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l’article 57.
Ce procès-verbal ainsi que le document ou l’objet placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure.
Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée.
S’il estime qu’il n’y a pas lieu à saisir le document ou l’objet, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document, à son contenu ou à cet objet qui figurerait dans le dossier de la procédure.
Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure.
En pratique, les JLD respectaient scrupuleusement ce délai de 5 jours (par crainte d’une annulation de la procédure) ou demandaient aux parties leur accord pour que ce délai de 5 jours soit prorogé.
Désormais, suite à cet arrêt du 10 janvier 2024, les JLD pourront prendre leur temps pour statuer, sur la validité de la saisie, sachant qu’ils n’encourront pas de nullité de leur ordonnance.
Concernant la convocation à l’audience de la chambre de l’instruction, l’arrêt du 10 janvier 2024 précise que
« les convocations adressées à l’avocat, au cabinet ou au domicile duquel la perquisition a été effectuée, au bâtonnier ou son délégué, peuvent l’être par tout moyen ».
La Cour de cassation motive sa décision par
« l’absence de toute disposition expresse sur la convocation des parties et en considération du très bref délai imparti à ce magistrat pour se prononcer ».
Sources :
Cass. crim. 10 janvier 2024 (n° 23-82.058)
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