Un article du New York Times du 18 décembre 2011 dernier signé David Segal relance le débat du cout horaire élevé des avocats : "For Law Schools, the price to pay the ABA’s way". L’auteur démonte le mécanisme pervers qui rend l’accès au droit si cher aux US : les écoles de droit doivent être accréditées par l’American Bar Association (ABA) pour délivrer des diplômes reconnus. Les standards imposés par l’ABA sont élevés et donc coûteux : professeurs permanents, bibliothèques abonnées à une documentation étendue, diversité des enseignements, publications exigées des professeurs... Les écoles sont donc très chères (environ 40 000 dollars par an), ce qui oblige les étudiants à s’endetter.
Lorsqu’ils arrivent dans la vie professionnelles ils ne peuvent rembourser leurs prêts qu’en facturant leurs services à des taux horaires élevés. Ainsi la boucle est elle bouclée, au grand profit des professeurs de droit, très bien payés aux US, et de la profession d’avocat, jalousement protégée par l’ABA. C’est le client qui paye, mais les individus ne peuvent faire face au coût d’un divorce, d’une saisie, d’une expulsion, d’un procès...
On peut se demander pourquoi en France, où les études juridiques sont quasi gratuites à l’université, les taux horaires sont du même niveau qu’aux US ? L’une des causes est connue, c’est que les charges sociales pesant sur les honoraires sont plus importantes qu’aux US. Dans les deux pays le droit est donc cher. La question est donc de savoir si les avocats ne sont pas surqualifiés.
L’Angleterre et le Pays de Galles, en introduisant le "Legal Services Act », ont répondu par l’affirmative ; pour répondre à la demande de service de plomberie sans payer des honoraires de neurochirurgiens, la réforme permet la création de structures pluridisciplinaires proposant des services juridiques et non juridiques, et dont le capital peur être détenu par des non avocats ou des avocats exerçant ou non dans la structure. L’objectif de la réforme est clairement de faire baisser le prix des prestations les plus courants.
Ce mouvement préfigure l’évolution du marché vers une distinction de plus en plus nette entre les prestations à forte valeur ajoutée nécessitant une spécialisation poussée, et les "commodities".
Aujourd’hui les cabinets d’avocats généralistes ne sont pas structurés pour opérer cette distinction, et la pression constante à la baisse des honoraires les fait souffrir car leur structure de rémunération et de coûts n’est pas adaptée. Verra-t-on demain des supermarchés du droit arriver sur le marché, comme cela s’est déjà produit dans tant de domaines protégés, la pharmacie, les carburants, la culture, les services financiers ?