I. Sur les faits.
Une société bailleresse a signifié à son preneur un commandement visant la clause résolutoire, pour défaut d’exploitation du local commercial à usage de restaurant. La clause stipulait que les lieux devaient toujours rester exploités. Le preneur a sollicité la suspension des effets de la clause résolutoire.
II. Sur la procédure.
Après avoir fait constater la fermeture du restaurant, la bailleresse a délivré au preneur un commandement de reprendre l’exploitation du fonds, visant la clause résolutoire prévue au bail.
La bailleresse a assigné le locataire en constatation de la résiliation du bail. Le preneur a formé une demande de délai avec suspension des effets de la clause résolutoire.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la demande de suspension au motif que l’article L145-41 du Code de commerce ne s’appliquerait qu’en cas de défaut de paiement, et non pour les obligations de faire.
Le preneur s’est pourvu en cassation.
III. Sur la problématique.
Le juge peut-il suspendre les effets d’une clause résolutoire lorsque le manquement du locataire porte non pas sur un impayé de loyer, mais sur une obligation de faire ?
IV. Sur la Solution de la Cour de cassation.
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel :
« La suspension des effets d’une clause résolutoire peut être décidée par le juge, quel que soit le manquement à ses obligations reproché au locataire ».
Elle étend ainsi l’application de l’article L145-41 du Code de commerce à tous types de manquements (paiement, exploitation, entretien...), renforçant ainsi la protection du preneur.
V. Sur la portée de cet arrêt.
Le champ d’application de l’article L145-41 est général : il ne se limite pas aux impayés.
Le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire, y compris en cas de manquement à une obligation de faire.
Si le juge peut suspendre les effets de la clause résolutoire quel que soit le manquement reproché au locataire, il doit également pouvoir accorder des délais dans les mêmes conditions, qu’il s’agisse d’un défaut de paiement ou d’une obligation de faire.
VI. Sur l’encadrement de la clause résolutoire.
La clause résolutoire en matière de bail commercial, prévue à l’article L145-41 du Code de commerce, est une clause de résolution automatique du bail en cas d’inexécution par le locataire d’une obligation contractuelle.
Mais cette automaticité est tempérée par plusieurs garanties procédurales et pouvoirs laissés au juge.
Toute clause contraire à ce régime est réputée non écrite [1].
L’action tendant à faire constater l’illicéité d’une telle clause est imprescriptible [2].
Le juge ne peut empêcher la clause de produire ses effets si les conditions légales sont réunies, mais il peut :
- Accorder des délais de paiement ou d’exécution [3],
- Suspendre les effets de la clause dans ce même délai,
- Refuser de constater la résiliation si la clause est mise en œuvre de mauvaise foi [4].
La clause résolutoire est finalement loin d’être une sanction automatique et irrémédiable. Elle est encadrée par le juge, qui en contrôle la mise en œuvre et peut la neutraliser temporairement.