Brexit : Paris nouvelle place forte de l’arbitrage international en matière commerciale et financière ?

Par Omar Attia, Juriste.

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Londres est considérée comme la capitale de l’arbitrage international en matière commerciale et financière.

Cependant, depuis le 1er février le Royaume-Uni est officiellement sorti de l’Union Européenne.

Cet événement historique est susceptible de remettre en cause l’hégémonie londonienne en faveur de Paris.

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I/ Une hégémonie londonienne en sursis.

L’arbitrage est un mode juridictionnel de règlement des différends qui aboutit à une décision juridictionnelle. Cette dernière a autorité de chose jugée. L’arbitrage est également un mode conventionnel de règlements des différends car il repose sur une convention d’arbitrage.
Deux entreprises issues de pays différents peuvent décider, lors d’un litige les opposant, d’avoir recours à un tribunal international.

Cet arbitrage international est singulier étant donné que les parties peuvent conventionnellement décider du tribunal ainsi que l’endroit où la sentence sera rendue. Elles peuvent également choisir la langue utilisée ainsi que le droit applicable.

Les parties sollicitent donc des pays où la justice est garantie et favorable l’arbitrage. Aujourd’hui, Londres fait office de capitale des arbitrages internationaux concernant les litiges commerciaux et financiers.

Tout d’abord la langue anglaise est un avantage conséquent étant donné sa place prépondérante dans le monde des affaires et dans la mondialisation. Par la suite les juges britanniques sont réputés pour leur qualité. Enfin, la présence du Royaume-Uni dans l’Union Européenne permettait aux décisions rendues de se passer de l’exequatur au sein des pays de l’Union et d’être directement applicables et reconnues.

La juridiction commerciale londonienne avait en effet accès à l’espace judiciaire commun mis en place par l’Union européenne. Cet avantage risque de disparaitre avec le Brexit. De nombreuses entreprises ayant leur siège européen au Royaume-Uni ont d’ores et déjà délocalisés leur siège ou une ouvert une filiale afin d’être toujours rattacher au marché commun.

II/ Le Brexit, événement historique porteur de changement.

Il est très difficile de déterminer avec certitudes la teneur des futures relations commerciales entre l’Union Européenne et la Grande Bretagne à la suite du Brexit. Une période dite de transition s’est ouverte. Si aucun accord spécifique n’est négocié, le risque est que les accords commerciaux européens ne soient plus applicables au Royaume-Uni. Les décisions des tribunaux publics britanniques risquent également de ne plus être automatiquement reconnues au sein de l’Union européenne.

Les jugements rendus au Royaume-Uni concernant des arbitrages pourraient alors se voir impacter. En effet afin d’être exécutées les décisions devront respecter la procédure de l’exequatur dans chacun des Etats membres de l’Union Européenne. Cela rentre en contradiction avec les exigences de rapidité propres au commerce et à la finance.

Des places juridiques telles que Francfort, Bruxelles ou encore Dubaï ont tentés de promouvoir leur juridiction. Néanmoins Paris est la ville la plus à même d’être la nouvelle capitale de l’arbitrage international.

III/ Pourquoi une telle attirance pour la ville lumière ?

Cette attirance pour Paris peut s’expliquer pour plusieurs raisons. Tout d’abord le siège de la chambre de commerce internationale se trouve à Paris, elle possède une Cour d’arbitrage en son sein depuis 1923. Par la suite le système juridique français est très développé et performant. Il est clairement adapté aux procédures de contentieux internationaux.

Le droit civiliste français est marqué par des procédures légères, efficaces et rapides.

La jurisprudence issue de la Cour de cassation ainsi que de la Cour d’appel de Paris est également très abondante. Le tribunal de commerce de Paris possède également une chambre internationale depuis 2010. La chambre avait la spécifié d’être la seule où les parties étaient autorisées à plaider en anglais.

IV/ La langue française, un éventuel obstacle à l’essor de Paris ?

De récentes réformes sont allées dans le sens d’un attrait de plus en plus important du système français. Le point culminant a été la mise en place de nouvelles chambres internationales au sein du tribunal de commerce de Paris et de la cour d’appel de Paris. La production de preuves ainsi que les plaidoiries peuvent y être effectuées en anglais. L’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 ne s’appliquant en effet qu’aux actes de procédures [1].

Des pièces en langue anglais pourront donc être versées au débat. Les débats pourront être traduit simultanément par un interprète. Les décisions seront rendues en langues française accompagnées d’une traduction en anglais. Ces chambres sont capables de juger les contentieux économiques et financiers tant en civil law qu’en common law [2].

Elles sont compétentes pour les litiges du commerce international et lorsqu’une clause attributive de compétence désigne une juridiction de son ressort.

V/ Une mobilisation de l’ensemble des acteurs du droit français.

Pour Guy Canivet, ancien premier président de la Cour de Cassation et actuel président du Haut Comité juridique de la place financière de Paris « Nos juristes d’entreprise doivent soutenir cette initiative en faisant élection du droit français et de la place de Paris pour leurs contentieux internationaux ». Pour la magistrate Fabienne Schaller : « Il faut sensibiliser tous les acteurs à l’existence de cette nouvelle chambre ».

La ministre de la Justice, Nicole Belloubet a affirmé : « Nous travaillons à rendre notre pays plus attractif économiquement et il me semble que notre droit, nos procédures mais également nos avocats et magistrats représentent des atouts que nous devons faire valoir ».

La France ainsi que Paris sont confrontées à une concurrence internationale de plus en plus forte sur le plan juridique et judiciaire. La mobilisation des acteurs du droit français et les réformes insufflées permettent à Paris de s’affirmer comme une place forte.

Les conséquences du Brexit restent pour l’instant très imprévisibles mais nul doute que Paris a toutes les clefs afin de devenir la nouvelle place forte de l’arbitrage international en matière commerciale et financière.

Omar Attia, Avocat

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Notes de l'article:

[1Voir en ce sens l’arrêt du 22 septembre 2016 rendu par la première Chambre civile de la Cour de cassation (n° 15-21.176).

[2Ces propositions ont été concrétisées par la signature, 7 février 2018, de protocoles relatifs à la procédure devant le tribunal de commerce et la cour d’appel de Paris, Ces protocoles sont applicables aux instances introduites à partir du 1er mars 2018.

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Discussion en cours :

  • par Albert Boiron , Le 22 février 2020 à 14:17

    Article pertinent et illustre bien le rôle que peut avoir la capitale française dans une Europe post-Brexit.

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