Les opportunités de la blockchain en droit des sociétés.

Par Omar Attia, Elève-Avocat.

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Explorer : # blockchain # droit des sociétés # smart contracts # financement des entreprises

Apparue en janvier 2009, la Blockchain fait instantanément écho au bitcoin et aux crypto actifs. Or, cette technologie révolutionnaire a des applications bien plus diverses et notamment en droit. Souhaitant devenir pionnière dans ce domaine, la France multiplie les textes afin de consacrer et d’encadrer l’utilisation de la Blockchain. L’ordonnance du 8 décembre 2017 étant la plus récente [1].

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Les opportunités de la Blockchain en Droit des Sociétés.

Qu’est-ce que la blockchain ?

Selon l’article L223-12 du Code monétaire et financier, relatif aux bons de caisse, la Blockchain est

« un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations, dans des conditions, notamment de sécurité ».

Pour Blockchain France, la Blockchain est

« une technologie de stockage et de transmission d’information, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle ».

La blockchain est similaire à un grand registre numérique distribué. Au sein de ce grand registre numérique sont alors inscrits l’intégralité des transactions entre les personnes appartenant à un réseau. L’objectif de la blockchain est de supprimer et faire disparaître les organes de contrôle ou un quelconque tiers de confiance, afin de faciliter les transactions qui peuvent avoir lieux.

De ce fait, les utilisateurs de la blockchain peuvent modifier cette dernière, c’est à dire, ajouter de nouvelles transactions. Etant donné que la blockchain ne permet pas de supprimer les précédentes inscriptions validées par les utilisateurs, elle ne peut, en principe, pas être falsifier, ni modifier, par un utilisateur. Chose qui permet d’effectuer des transactions parfaitement sécurisées.

La blockchain a la capacité de retracer les transactions, ces dernières étant validées à la manière de blocs, par le réseau lui-même. Les bases de données classiques sont présentes sur un seul serveur informatique. Or, avec la blockchain les utilisateurs pourront aussi bien accéder aux données, qu’aux modifications afférentes.

Mais comment cette blockchain est-elle sécurisée ? Il est important de souligner que la blockchain connaît un système de sécurité grâce au consensus de validation. Ce dernier permet de contrôler et de valider une nouvelle transaction effectuée. Ce nouveau bloc alors validé, sera ajouté à la chaîne des blocs déjà présents. Cela créé une chaîne de blocs validés par les utilisateurs. La blockchain est indépendante et peut se passer d’un tiers.

C’est donc ce processus de validation qui permet d’effectuer des modifications tout en garantissant une forte confiance et une forte véracité des données.

Avec la blockchain les utilisateurs sont dits « interconnecter », c’est-à-dire qu’ils sont liés les uns aux autres à travers le système peer-to peer. Les utilisateurs font eux-mêmes office de serveurs, en ce sens où ils émettent et transmettent les données, tout en étant clients de cette blockchain. Les utilisateurs communiquent directement ! Ils n’ont plus besoin d’intermédiaires ou d’organes de contrôles.

Si la blockchain est privée, le secret est garanti. De plus, les opérations sont facilement consultables et traçables. Fini les intermédiaires ! Ce qui signifie des économies quant à la sollicitation de leurs services.

Le législateur a souhaité faire de la France un acteur de premier plan dans l’avènement de la blockchain au sein des différents secteurs de l’économie et de la société. Notamment, en introduisant le dispositif d’enregistrement électronique partagé, concernant les processus d’émissions et de cessions de minibons ainsi que dans la représentation et la transmission de titres financiers.

Les nouvelles technologies façonnent et changent nos habitudes et les manières de faire. Les possibilités offertes sont continuellement nouvelles et favorisent l’innovation et l’ingéniosité.

Aux Etats-Unis, l’Etat du Delaware, connu pour l’immatriculation de très grandes sociétés, souhaiterait pouvoir permettre l’utilisation de la blockchain concernant les opérations liées à la constitution de la société, ainsi que le vote des actionnaires au sein des assemblées, l’enregistrement et la tenue des mouvements sur titres [2].

La blockchain est en mesure d’apporter des avancées et des modifications concernant le droit des sociétés.

Les Smart Contracts.

Lorsqu’une transaction est ajoutée à la chaîne, elle est validée par les utilisateurs. Une fois la certification effectuée, elle rejoint la chaîne, et se retrouve inscrite au sein de ce grand livre. Néanmoins, sa mise en œuvre n’est pas immédiate, elle peut n’être qu’hypothétique. C’est là que les smart contracts entrent en jeu.

Ce ne sont en réalité pas des contrats. Il s’agit de programmes créés dans l’optique de faire exécuter directement et automatiquement certaines actions.

Les smarts contracts repose sur un système simple. Imaginons la réalisation d’une condition ou la réunion d’éléments nécessaires pour réaliser une action ou un résultat. Par exemple, un transfert de propriété ou bien un paiement, ces éléments alors nécessaires, seront conditionnels : il s’agira du « si ». Si cette condition, le « si », se réalise le programme exécutera à travers la fonction « alors », directement et automatiquement ce qui a été convenu et validé par les utilisateurs.

La blockchain, outil de constitution de sociétés.

Afin de constituer une société, le législateur français permet d’ores et déjà de pouvoir recourir à l’informatique. En effet, lors de l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, il est possible de pouvoir transmettre les documents de manière dématérialisée. La blockchain pourrait donc favoriser ces efforts déjà effectués afin de permettre la constitution d’une société de façon plus simple et plus rapide.

L’objectif avec la blockchain, est d’automatiser les formalités nécessaires à la constitution d’une société. Plus simple et plus rapide, la production des actes nécessaires deviendrait automatisée et disponible.

L’utilisation de la blockchain permettrait la réduction du temps de constitution d’une société, ainsi que les coûts imputables. Les statuts pourraient alors être produits de façon plus rapide et plus simple, il en va de même pour les actes annexes s’y rapportant. Les documents nécessaires ou les publicités seraient disponibles directement. De plus, dans le cas d’une société comportant plusieurs associés, le transfert des actes essentiels serait sécurisé, secret et rapide. Ce sont tous ces avantages qui ont, notamment, poussés le Conseil National des greffiers des tribunaux de commerce à s’y intéresser [3].

Au-delà des formalités relatives à la constitution de la société, la mise en œuvre des statuts et des pactes d’actionnaires pourrait également être facilitée par l’utilisation des smarts contracts évoqués précédemment.

La mise en œuvre automatique des stipulations des statuts.

La blockchain pourrait être utilisée afin de mettre en œuvre les différentes stipulations contenues au sein des statuts et également des pactes extra-statutaires, ou encore les contrats d’émission de titres. Les smarts contracts évoquées précédemment pourraient être utilisées.

Si une clause d’inaliénabilité est stipulée, la blockchain permettrait qu’un programme neutralise les mouvements qui pourraient être effectués durant la période préalablement convenue. A l’inverse, le respect des clauses de préemption ou d’agrément pourrait être efficient, le programme informant directement du projet de cession.

L’exécution forcée étant souvent difficile à obtenir, la blockchain permettrait d’avoir une certaines fiabilité et sécurité. De plus, une telle automatisation permettrait de faciliter l’exécution des contrats et la faculté d’en connaître les prérogatives. Les opérationnels chargés de leur exécution connaissant souvent mal leur contenu et les prérogatives contenues. Il est envisageable de prévoir à travers une blockchain, la possibilité de versement automatique des plus-values ou bien encore le paiement des dividendes.

Néanmoins, prévoir des mises en œuvre totalement automatisées ne permet pas d’apporter une appréciation subjective, tels que la proportion ou le caractère raisonnable cher aux pactes d’actionnaires. Cela pourrait rendre les statuts et les pactes plus rigides aux modifications. Il serait alors nécessaire de prévoir la possibilité de pouvoir supprimer ou modifier des clauses.

La blockchain, outil de participation des actionnaires aux assemblées générales.

Il existe une autre possibilité d’utilisation de la blockchain en droit des sociétés. Elle concerne la participation des actionnaires aux assemblées générales. La corporate governance, vise à faire évoluer la participation des actionnaires au sein des assemblées générales afin d’avoir un gouvernement des entreprises de meilleure qualité.

De nombreuses recommandations allant vers plus de numériques concernant les AG des entreprises ont été émises, notamment la possibilité de pouvoir retransmettre les assemblées générales sur internet et le vote à distance en direct.

En cette période de crise sanitaire, la possibilité de pouvoir participer aux décisions de la société à travers les assemblées générales s’avère complexe. L’article R225-97 du Code de commerce l’autorise. Le législateur a permis la prise de décision dématérialisée au sein des organes sociaux, des SA non cotées, ainsi que les SAS. Il est possible de participer et voter aux AG à travers l’utilisation des moyens de télécommunication, permettant l’identification des actionnaires à condition que les statuts le prévoient. Les conditions posées par le législateur sont que la participation des actionnaires doit être garantit par la transmission de leur voix ainsi que la retransmission continue et simultanée des délibérations.

Le manque de fiabilité et de sécurité de l’outil informatique est un des critères justifiant la réticence des entreprises d’utiliser le vote à distance.

La blockchain pourrait répondre à ce besoin de sécurité et de fiabilité. L’authenticité propre à la blockchain permettrait d’identifier les actionnaires, de surcroît, le résultat ne pourrait être modifié. La technologie blockchain offrirait une meilleure participation des associés à la vie de l’entreprise et aux décisions prises en assemblées générales.

La blockchain et la due diligence, dans le cadre d’opérations de fusions acquisitions.

La blockchain offre la possibilité de stocker des données informatiques de manière fiable, sécurisée et authentique. Dans le cadre d’une blockchain privée, comme précisé précédemment, l’accès est restreint, et peut être octroyé au fur et à mesure.

Lors d’une fusion-acquisition, des négociations préalables sont effectuées. Ces opérations sont encadrées par le droit des sociétés. Une data room est mise en place. La data room permet de stocker les informations nécessaires aux acquéreurs afin que ceux-ci puissent les consulter de manières confidentielles. Par la suite, l’acquéreur en fonction de son analyse des informations fournies, pourra transmettre une offre d’achat.

Avec la technologie blockchain, les données stockées pourront être sécurisées, confidentielles et échangées de façon fiable. L’inviolabilité qui fait notamment la réputation de la blockchain, permettait la conservation des informations et du secret. Authentiques, les informations, une fois validées, ne pourront pas être modifiées.

La blockchain permettrait également la comparaison des informations fournies à celles disponibles sur une blockchain publique qui contiendrait les informations sociales.

La blockchain afin de sécuriser les opérations sur le capital d’une société.

La conservation des titres non cotés présente de nombreuses difficultés. En effet, ces derniers ne sont pas conservés par un intermédiaire qui serait habilité. Les sociétés qui émettent des titres non cotés ont l’obligation de tenir un registre de leurs titres. Ce processus est essentiel afin que l’entreprise fonctionne de façon pérenne. Or, cela est effectué sur support papier, à la fois cher, peu sécurisé, peu fiable, sensible au vol ou encore à la falsification. Cela se complique encore plus lorsque la société compte énormément d’actionnaires. Surtout lorsqu’un gestionnaire d’actif est concerné, les actionnaires se multipliant en même temps que les intermédiaires.

A l’heure du tout numérique, un tel fonctionnement ne répond plus aux attentes des acteurs du marché économique.

Le législateur conscient de ces difficultés a souhaité, à travers l’ordonnance n°2017-1674 du 8 décembre 2017, et du décret n°2018-1226 du 24 décembre 2018, ouvrir la possibilité pour les entreprises de faire appel à un « dispositif d’enregistrement électronique partagé » concernant les titres des sociétés non cotés.

Le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017, précise que le terme de

« dispositif d’enregistrement électronique partagé » (DEEP), employé dans l’habilitation, correspond à la manière dont la technologie « blockchain », entre autres, est déjà désigné par les dispositions de l’article L223-12 du code monétaire et financier relatives aux minibons, introduites par l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse. Cette désignation demeure large et neutre à l’égard des différents procédés afin de ne pas exclure des développements technologiques ultérieurs. Cette dénomination recouvre les principales caractéristiques de la « blockchain » : sa vocation de registre et son caractère partagé ».

La blockchain est donc parfaitement adaptée à une telle problématique. Le législateur laisse également la possibilité à une autre technologie d’être utilisée. La blockchain est en mesure de pouvoir sécuriser, fiabiliser, simplifier la tenue des registres de titres non cotés.

Les titres de ces sociétés pourront alors être inscrits sur la blockchain. Ils pourront alors être transmis et même nantis comme le prévoit l’article L211-20 du Code monétaire et financier. La technologie permettra alors une inscription de façon intangible, immuable. L’identification des propriétaires de titre en sera également facilitée. L’ordonnance permet d’octroyer à cette inscription de titres dans une blockchain les mêmes effets qu’une inscription en compte de titres financiers.

« Sur le fond, l’ordonnance permet de conférer à l’inscription d’une émission ou d’une cession de titres financiers dans une « blockchain » les mêmes effets que l’inscription en compte de titres financiers. Elle ne crée pas d’obligation nouvelle, ni n’allège les garanties existantes relatives à la représentation et à la transmission des titres concernés ».

A travers les articles L223-1 à L223-12, le législateur a également souhaité permettre l’émission et la cession de minibons, qui sont des bons de caisses. Les bons de caisses sont des titres de créances émis soit par un état, soit par une banque. Ce placement permet à terme de recevoir un intérêt. Les minibons sont spécifiques au secteur du financement participatif. Les minibons peuvent donc permettre à des entreprises de pouvoir accéder à un financement faisant appel à un large public.

La blockchain, outil de financement des entreprises.

La blockchain a permis l’émergence d’un nouveau mode de financement avec les émissions de jetons, généralement appelées « Initial Coin Offering » ou « ICO » en comparaison à l’IPO (Initial Public Offering) qui désigne une introduction en bourse. L’ICO est plus simplement une levée de fonds sous forme d’actifs numériques, en crypto actifs. A l’inverse d’une IPO, l’ICO n’offre pas de droit sur la gouvernance ou les résultats financiers.

L’ICO permet de financer une idée au stade embryonnaire, de la recherche et le développement d’entreprise très récentes. Les ICO, représentent pour les entreprises la possibilité de ne pas diluer le capital, de pouvoir se financer de manière plus facile et de créer une certaine communauté autour du projet. Dès 2017 énormément d’ICO ont été effectués. Ce mouvement a connu des opérations à plusieurs centaines de millions de dollars. Néanmoins, depuis 2019 le marché des ICO connaît une chute brutale.

Il est vrai que les ICO présentent quelques désavantages. Très peu de droits sont attachés au porteur, tout au plus le partage des revenus escomptés. Ces levées n’étant pas centralisées, échappent de facto à une régulation et donc à un processus de contrôle. Elles peuvent alors être un outil au blanchiment d’argent. Par la suite, de nombreux projets se sont avérés n’être que des escroqueries. Enfin, la volatilité des cryptoactifs rend ces opérations difficiles en cas de baisse du cours, la valeur s’en trouvant amoindrie.

Dans le souci de protéger l’investisseur, et de faire de Paris la capitale des ICO, le législateur a souhaité apporter un cadre aux ICO à travers la Loi PACTE [4]. Un visa préalable a été créer, visant à mettre en place un régime d’autorisation optionnel. Afin de pouvoir jouir d’un visa fourni par l’AMF (autorité des marchés financiers), l’émetteur devra remplir plusieurs exigences. Les émetteurs n’ayant pas reçu de visa, ne pourront pas démarcher le public [5].

La Blockchain est une technologie, présentée par beaucoup comme, révolutionnaire. Ces applications au sein du droit sont multiples et peuvent représenter des leviers de développements ainsi que de simplifications pour les entreprises.

La technologie reste néanmoins peu connue. Cela dit, le législateur français semble réactif et porter par une volonté de faire de la France un lieu incontournable de la technologie blockchain.

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