Cadres au forfait-jours et horaires de travail : autonomie, oui, liberté absolue non.

Par Myriam Adjerad et Clara Galdeano, Avocats.

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Explorer : # autonomie des salariés # forfait-jours # organisation du travail # licenciement pour faute grave

La Cour de cassation s’est clairement prononcée : « une convention individuelle de forfait annuel en jours n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction » [1].

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D’un point de vue strictement juridique, peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, les salariés qui disposent notamment d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps [2]. Les cadres concernés occupent des fonctions ne les amenant pas à suivre l’horaire collectif applicable.

La Cour de cassation considère que les cadres au forfait jours ne disposent pas d’une liberté absolue de fixer leurs horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction.

En l’espèce, une salariée occupant le poste de vétérinaire dans une clinique vétérinaire, cadre autonome, était soumise à une convention de forfait jours qui avait été réduite à 198 jours travaillés, deux ans avant son licenciement.

L’employeur avait défini un planning avec des jours de présence pour cette salariée, organisé en journées et demi-journées de travail. La salariée ne le respectait pas, obligeant l’employeur à le lui rappeler.

La salariée s’est vue reprocher de ne pas avoir respecté ce planning déterminé unilatéralement par l’employeur, et donc ses absences injustifiées : elle a été sanctionnée, puis licenciée pour faute grave pour ces faits.

Elle contestait son licenciement, aux motifs que sa qualité de cadre autonome au forfait jours lui permettait une liberté totale dans l’organisation de son travail, et qu’aucune faute ne pouvait lui donc être reprochée.

La Cour d’appel a considéré que le licenciement pour faute grave était justifié car la salariée ne respectait pas les jours de présence fixés dans son emploi du temps, se présentait à son poste selon ses envies et le quittait sans prévenir ses collaborateurs, alors que le planning tenait compte des contraintes liées à l’activité de la clinique vétérinaire pour les rendez-vous donnés aux propriétaires des animaux soignés. La clinique était ainsi dans l’impossibilité de fixer des rendez-vous à la patientèle, du fait de son comportement.

En dehors de ces contraintes, la salariée pouvait organiser ses journées de travail comme bon lui semblait, fixer librement ses horaires et organiser ses interventions à sa guise.

Solution approuvée par la Cour de cassation : la convention individuelle de forfait jours n’instaure pas au profit du salarié le droit de fixer librement ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction.

Les salariés doivent certes bénéficier d’autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, mais celle-ci ne peut être totale. Plus les contraintes liées à l’organisation du travail sont importantes - en l’occurrence la prise de rendez-vous par la patientèle - plus la liberté d’organisation par le salarié de son emploi du temps semble s’amenuiser.

A notre sens, ce principe doit être appliqué avec prudence et tenir compte des spécificités réelles de l’activité de l’entreprise.

Et dans cette affaire, était en jeu la question du bienfondé du licenciement pour faute grave, et non la validité de la convention de forfait-jours de la salariée.

Sur ce point, la Cour de cassation considère que l’obligation de respecter un planning est incompatible avec le forfait-jours. Par exemple, la jurisprudence a pu retirer la qualité de cadre autonome au sens du forfait-jours, à un salarié soumis à un planning contraignant imposant sa présence au sein de l’entreprise à des horaires prédéterminés [3].

Un juste équilibre doit donc être trouvé par l’employeur, entre le bon fonctionnement de son entreprise et l’autonomie du salarié, sans l’annihiler. Le salarié doit quant à lui veiller à ne pas désorganiser l’entreprise, tout en bénéficiant d’autonomie.

Myriam Adjerad
Clara Galdeano
Adjerad Avocats, Avocats au Barreau de Lyon
contact chez adjeradavocats.fr
https://www.linkedin.com/company/adjerad-avocats/

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc., 2 fév. 2022, n° 20-15.744.

[2Art. L3121-58 c. trav.

[3Cass. soc., 15 déc. 2016, n° 15-17.568.

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  • par Martin , Le 13 mai 2022 à 18:51

    Bonjour, merci pour cet article très intéressant .
    Est ce qu’un cadre autonome au forfait jours à un nombre d’heures minimum à effectuer par jour ?
    L’employeur peut il imposer des horaires de bureau ?

    Merci bonne journée

    SMartin

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