La résidence alternée se développe en France. Dans cet article (La résidence alternée : avantages/inconvénients), j’ai présenté les avantages et inconvénients de ce mode d’organisation. Une question qui est souvent posée aux avocats concerne l’entente entre les parents : est-elle un prérequis à la résidence alternée ? En d’autres termes, un conflit parental peut-il ou doit-il faire échec à la mise en place ou au maintien de ce système ?
Le conflit parental n’est pas un critère légal d’éviction de la résidence alternée. Il n’est pas davantage un critère jurisprudentiel, comme l’illustrent plusieurs décisions :
- « Le conflit qui oppose les parents ne peut servir utilement à faire échec à la demande de résidence alternée sauf à ce qu’il ne soit jamais fait droit à une telle demande et à nier tout droit à la mise en place d’une telle résidence, dans la mesure où, portée devant le juge, cette demande résulte nécessairement de l’existence d’un conflit » [1] ;
- « La mésentente des parents ne peut à elle seule faire obstacle à la résidence alternée » [2] ;
- « La mésentente pouvant exister entre deux parents ne constitue cependant pas un obstacle à la mise en place d’une résidence alternée sauf à conférer à l’un des parents, hostile par principe à ce mode de résidence et qui entretiendrait dans ce but le conflit parental, un droit de veto inacceptable et contraire aux droits et aux intérêts des enfants » [3] ;
- « La seule absence de dialogue constructif entre les parents ne saurait faire obstacle au droit des enfants d’entretenir avec chacun d’eux des relations régulières et apaisées » [4] ;
- « Le désaccord entre les parents sur ce mode de résidence se double d’un conflit relationnel très important entre eux qui ne peut que nuire à l’intérêt de leur enfant. Toutefois, ce conflit entre adultes ne doit pas empêcher de vérifier si la résidence en alternance est un mode de résidence plus conforme ou non à l’intérêt de XX » [5].
Dans certains cas, les juges formulent même l’hypothèse que l’un des parents nourrit le conflit artificiellement pour faire échec à la résidence alternée : « la cour s’interroge sur la réalité du conflit et s’il n’est pas volontairement mis en exergue et alimenté par Mme P. pour faire obstacle à la résidence alternée » [6].
Certaines décisions de justice soulignent que la résidence alternée est, au contraire, de nature à pacifier les relations entre les deux parents :
- « L’alternance est de nature à réduire les conflits liés à l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement » [7] ;
- « Ce mode de résidence est adapté pour l’enfant qui doit se sentir protégé dans sa sécurité intérieure et permet de reconnaître la place de l’autre parent auprès de l’enfant » [8].
La résidence alternée peut donc être regardée comme une organisation susceptible de pacifier certains conflits parentaux par sa simplicité, sa prévisibilité et la reconnaissance de la place de chaque parent dans l’éducation de l’enfant. Elle leur permet aussi de bénéficier, à tout de rôle, de temps pour leurs activités professionnelles et personnelles.
Il n’en demeure pas moins qu’il est évidemment préférable que la résidence alternée se mette en place - et se poursuive - dans un climat serein, marqué par des relations apaisées et un dialogue constructif entre les parents pour la bonne organisation de la vie de l’enfant. Les avocats ont un rôle éminent à jouer pour préserver - ou rétablir - ce climat, ô combien essentiel pour le bien-être de l’enfant et sa construction future.
Il est pour cela essentiel qu’ils se forment aux MARD et, pour les parents, de faire appel à un professionnel qui pourra les orienter vers la construction d’un schéma parental le moins destructeur possible pour l’enfant.
Divers outils sont à la disposition des justiciables vers lesquels les avocats formés peuvent orienter leurs clients et notamment la médiation.
Celle-ci peut toujours être proposée aux parents quel que soit le stade du dossier, qu’il en soit à ses balbutiements (avant de saisir le juge), qu’une procédure de première instance ou d’appel soit en cours, et même après une décision définitive puisque la médiation dite « post sentencielle » peut être ordonnée par le juge après le procès ou simplement être mise en place entre les parents à titre conventionnel. Son objectif, outre la pacification des relations, peut-être de modifier la décision rendue qui ne satisfait, trop souvent, personne.
Dans tous les cas, il faut souligner que ce qui préserve l’enfant, ce qui lui permet de grandir dans de bonnes conditions, c’est la communication et le respect entre ses parents bien plus encore qu’un mode de résidence. Chaque famille doit trouver le système qui est le plus adapté, tout à la fois respectueux du rythme et des besoins de l’enfant, et de celui des parents car s’ils sont mal, l’enfant le sera aussi. Il est indispensable de penser à rebâtir une harmonie collective bien plus que de chercher à nuire à l’autre.