Cette obligation a donc pour particularité de ne prendre effet qu’au moment de la rupture du contrat de travail, c’est-à-dire quand le support juridique même de la clause est rompu.
Le Code du Travail ne définit pas les conditions de validité et d’application des clauses de non-concurrence et la jurisprudence en ce domaine est ainsi très abondante, les Juges ayant eu à définir le périmètre juridique applicable.
Il faut donc faire preuve d’une extrême vigilance dans la rédaction d’une clause de non-concurrence, en ce qui concerne ses conditions d’existence, d’exécution ou de renonciation.
1/ La clause de non-concurrence doit être expressément acceptée par le salarié.
Pour être valable et opposable au salarié, ce dernier doit avoir accepté de manière claire et non équivoque la clause de non-concurrence.
Ainsi, lorsque le salarié n’a pas signé son contrat de travail comportant une telle clause, celle-ci lui est inopposable, et ce, quand bien même il aurait perçu la contrepartie pécuniaire afférente.
Par un arrêt du 1er avril 2020, la Cour de cassation a estimé qu’une telle application volontaire n’était pas suffisante pour démontrer une acceptation claire et non équivoque de la clause de non-concurrence [1].
2/ La clause de non-concurrence doit être équilibrée entre les sujétions qu’elle impose au salarié et à l’employeur.
Pour être valable, la clause de non-concurrence doit répondre à plusieurs conditions cumulatives :
être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
être limitée dans le temps et dans l’espace ;
tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié ;
comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière [2].
Ces conditions ont pour but de préserver un équilibre entre les intérêts de l’entreprise et la liberté de travailler du salarié.
La contrepartie financière ne doit donc pas être dérisoire, puisque cela reviendrait à l’absence de toute contrepartie. La clause serait alors jugée illicite et le salarié pourrait se voir accorder des dommages et intérêts [3].
A l’inverse, l’illicéité de la clause de non-concurrence peut également être reconnue en faveur de l’employeur. Il s’agit de cas de figure assez rares, notamment lorsque la contrepartie financière est exorbitante, venant alors rompre cet équilibre contractuel au détriment de l’employeur.
La Cour de Cassation en donne une illustration dans un arrêt du 4 novembre 2020 [4]. En l’espèce, la contrepartie financière de la clause a été jugée démesurément importante au regard des sujétions imposées au salarié (une étendue géographique limitée à 2 départements, une durée raisonnable et des fonctions non-spécifiques exercées par le salarié (cadre commercial)). Ont été également prises en compte par les Juges les difficultés financières importantes de la société au moment de la conclusion de la clause.
Outre une contrepartie financière démesurée, le salarié bénéficiait d’autres avantages estimés exorbitants par les Juges : l’obligation pour l’employeur de verser cette contrepartie en une seule fois et l’absence de possibilité pour l’employeur de lever ladite clause.
Il importe donc, au moment de la rédaction de la clause de non-concurrence, de s’assurer du respect de l’équilibre contractuel, déterminé au jour de sa signature.
3/ La clause de non-concurrence doit être levée conformément aux conditions qu’elle prévoit.
Ne prenant effet qu’à la rupture du contrat de travail, l’employeur peut toujours décider, le moment venu, de renoncer à l’application de cette clause, s’exonérant ainsi du paiement de la contrepartie financière.
Toutefois, la levée de la clause de non-concurrence obéit à une procédure stricte :
être expressément prévue par la clause (en cas contraire, la levée ne pourra se faire qu’avec l’accord du salarié) ;
être réalisée dans un délai prédéfini, par la convention collective ou le contrat de travail. Mais attention, elle ne pourra jamais avoir lieu avant la rupture du contrat de travail, puisque nul ne peut renoncer à un droit non encore acquis ;
être individuelle ;
être écrite, expresse et précise.
Il convient donc d’appliquer avec attention les mentions prévues par la convention collective ou le contrat de travail ; d’où l’importance de la rédaction de la clause de non-concurrence. La jurisprudence en fait en effet une stricte lecture et appréciation.
Ainsi, lorsque le contrat de travail impose à l’employeur de renoncer à la clause de non-concurrence par l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception, l’envoi d’un simple courriel ne suffit pas.
Peu importe donc que le salarié ait eu connaissance de la renonciation par l’employeur à la clause de non-concurrence dès lors que la renonciation n’a pas été faite conformément aux stipulations contractuelles [5].
Ainsi, il ressort de ces derniers arrêts que la Cour de cassation cherche à conférer à la clause de non-concurrence toute sa place au sein du contrat de travail, tout en lui appliquant la rigueur du droit des contrats : la clause doit être acceptée, équilibrée et réalisée conformément aux stipulations contractuelles convenues entre les parties.
La clause de non-concurrence n’en reste donc pas moins une clause contractuelle comme les autres.
C’est en tout cas ce que confirme la Cour de cassation. La Haute juridiction est en effet venue juger très récemment que les obligations réciproques de la clause de non-concurrence sont comprises dans la clause générale de renonciation à toute action insérée dans une transaction par laquelle les parties déclarent être remplies de tous leurs droits, mettre fin à tout différend né ou à naître et renoncer à toute action relative à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail [6].