Clause pénale et clause de dédit : différences et conséquences.

Par Arnaud Lucien, Avocat et Mégane Gorzerino, Juriste.

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Explorer : # clause pénale # clause de dédit # indemnité contractuelle # modération judiciaire

Clauses pénales et les clauses de dédit sont fréquemment employées au sein des contrats commerciaux. Les indemnités qui en découlent permettent entre autres de compenser l’obligation faite au cocontractant d’assumer les conséquences d’une résiliation anticipée du contrat et participent à l’économie globale du contrat commercial.

Il peut toutefois s’avérer difficile de distinguer ces clauses d’apparence particulièrement semblable.

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La clause pénale est définie depuis l’ordonnance du 10 février 2016 à l’article 1231-5 du Code civil :

« Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre ».

Ainsi, elle permet de fixer contractuellement, par avance, la somme indemnitaire versée par le cocontractant défaillant.

La clause de dédit, quant à elle, a pour but de conférer à l’une des parties au contrat la faculté de rompre unilatéralement le contrat, moyennant une somme à titre de compensation.

On comprend donc la confusion qui peut exister entre ces deux notions, les deux ayant pour conséquence le versement d’un montant prédéfini par les parties au contrat.

Outre l’aspect purement théorique, l’enjeu de la distinction est conséquent, la qualification de clause pénale permettant en effet au juge d’exercer sa faculté de modération à la hausse ou à la baisse du montant défini par cette dernière au visa du deuxième alinéa de l’article 1231-5 du Code civil.

Par un arrêt du 10 juin 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle la distinction entre clause de dédit et clause pénale qui n’est pas sans conséquence puisque rappelons que la faculté de modulation de la clause pénale permise au juge peut être exercée d’office, et ne peut être écartée par le contrat.

I. Le caractère comminatoire de la clause comme critère déterminant à la qualification.

En l’espèce, une société d’aménagement de piscines avait conclu un contrat d’entretien et de fourniture d’une durée de 5 années s’agissant d’un copieur multifonctions. Ladite société avait mis un terme au contrat de façon anticipée. Le prestataire avait pris acte de cette résiliation et sollicité le paiement à titre indemnitaire d’une somme égale à 130% du montant des forfaits restants à courir jusqu’au terme du contrat.

Par un premier jugement, le Tribunal de Commerce avait estimé que l’indemnité de résiliation doit être qualifiée en indemnité de dédit et avait par conséquent rejette la demande en requalification de l’indemnité en clause pénale.

Le débat portait sur la qualification des clauses en l’espèce, le prestataire soutenant que cette clause n’était qu’une simple clause d’indemnité tandis que la société exploitante avançait que cette dernière devait être requalifiée en clause pénale.

Par cet arrêt, les juges du fond, après avoir rappelé la définition d’une clause pénale, retiennent la requalification en se fondant notamment sur le caractère comminatoire de la clause.

La Cour, afin de requalifier la clause litigieuse, érige en principe la fonction comminatoire classique et rappelle les critères de contrôle de qualification d’une clause de résiliation unilatérale des contrats de prestations de services à durée déterminée.

Les juges du fond se fondent sur la différence entre le montant prévu par la clause et les sommes qui auraient été versées dans le cas où le contrat aurait été exécuté jusqu’au terme convenu par les parties. Lorsque ce montant est identique, la clause doit manifestement être requalifiée en clause pénale.

La Cour de cassation avait déjà consacré que le caractère comminatoire de la clause pénale [1].

L’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence s’inscrit donc dans la continuité jurisprudentielle de longue date s’agissant de la fonction comminatoire des clauses pénales.

II. Le caractère manifestement abusif : la voie ouverte par la clause pénale.

La requalification en clause pénale emporte des conséquences importantes puisqu’elle permet de solliciter une modération ou une augmentation de la somme demandée au juge.

Dans le cas d’espèce, le client débiteur d’une obligation de payer arguait de cette requalification afin de réduire la somme demandée de 4 947,12 euros à la somme de 500 euros.

Les juges du fond, dans leur libre pouvoir d’appréciation ont finalement appliqué la réduction des indemnités à la somme de 1 000 euros.

Ces derniers se sont fondés sur le caractère manifestement abusif de la clause considérant également que le préjudice réellement subi par le fournisseur devait être diminué.

La Cour rappelle également qu’afin d’apprécier le montant alloué, il convient d’évaluer les coûts engagés par le prestataire dans le but d’assurer le service objet du contrat, ainsi que l’économie de coût de ne pas l’exécuter. Ainsi, le fait de maintenir du personnel qualifié et l’obligation d’avoir un stock conséquent peuvent être des critères pouvant faire varier le montant potentiellement alloué au prestataire lésé.

Elle retient également en faveur de la réduction du montant demandé, que le prestataire n’aura pas à fournir pour le reste du contrat - 3 ans en l’espèce - un quelconque service et que, ce faisant, que ce dernier réalise une économie de coût importante.

Une nouvelle fois, la Cour d’Appel d’Aix en Provence s’inscrit dans le sillage de la Haute Juridiction, laquelle avait également précisé les critères relatifs à l’appréciation du préjudice effectivement subi par la partie lésée [2].

Il ne fait aucun doute qu’avec cet arrêt, le contentieux relatif à la qualification de la clause pénale a de beaux jours devant soi.

Mégane GORZERINO, juriste
Maître Arnaud LUCIEN, Avocat au Barreau de TOULON
contact chez adl-avocat.fr
https://barreautoulon.fr/avocat/lucien-arnaud/

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Notes de l'article:

[1Cass, Com, 5 juillet 1994, n°92-19.106.

[2Cass, Com, 11 février 1997, n°95-10.851.

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