Code de la famille au Maroc : les voies de la réforme.

Par Salma El khattabi, Étudiante.

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Explorer : # filiation paternelle # droits des femmes # mères célibataires # avortement

Lors d’une séance de travail présidée par le roi Mohammed VI le lundi 23 décembre au Palais royal à Casablanca, Ahmed Toufiq, ministre des Habous et des Affaires islamiques, a présenté les principales propositions de l’Instance chargée de la révision du Code de la famille. Ces propositions, en lien avec la Charia, ont reçu un avis favorable du Conseil supérieur des Oulémas.
Conformément à la demande du roi, qui souhaitait obtenir un avis légal sur 17 questions, le Conseil supérieur des Oulémas a majoritairement validé ces interrogations, tout en précisant les modalités d’adaptation des autres aux règles de la Charia.

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Trois de ces questions concernent des textes formels qui ne permettent pas l’Ijtihad.
Elles portent sur :

  • L’utilisation de l’expertise génétique pour établir la filiation paternelle ;
  • L’abrogation de la règle du Taâsib ;
  • La question de la successibilité entre un musulman et un non-musulman.

Au Maroc, le Code de la famille précise que les enfants nés hors mariage n’ont pas de droits de filiation vis-à-vis de leur père, ce qui les place dans une situation précaire. Les mères célibataires, souvent stigmatisées, peuvent avoir du mal à revendiquer leurs droits et ceux de leurs enfants. L’expertise génétique pourrait offrir une solution pour établir la paternité, mais son utilisation soulève des questions éthiques et juridiques.

1. Contexte de l’opposition.

L’opposition à l’établissement de la filiation par ADN dans le projet de loi peut être expliquée par plusieurs facteurs, notamment des valeurs culturelles, religieuses et des préoccupations éthiques.
- La reconnaissance de la filiation par ADN peut être perçue comme une remise en question des structures familiales traditionnelles. En rejetant l’usage de l’ADN pour établir la filiation, le projet de loi cherche à promouvoir et protéger les valeurs familiales perçues comme fondamentales dans la société marocaine, en évitant de légitimer des situations qui pourraient contrecarrer cette vision.
Le nouveau projet de loi vise à conserver et renforcer le noyau de la famille marocaine musulmane, défini comme un couple marié avec leurs enfants.
- La filiation n’est pas uniquement biologique ; elle englobe également des dimensions émotionnelles et sociales. Et aussi des obligations et droits légales.

2. Mères célibataires et viol.

Les mères célibataires victimes de viol se retrouvent dans une situation d’extrême vulnérabilité, exacerbée par un cadre juridique qui ne les protège pas adéquatement.
Elles font face à une stigmatisation sociale profonde, où les normes culturelles et religieuses pèsent lourdement sur leur statut, entraînant souvent l’isolement et réduisant leur accès à des ressources et à un soutien émotionnel. De plus, en vertu de la législation marocaine, elles peuvent être accusées de délit d’adultère, même si l’enfant est le résultat d’un viol, plaçant ces femmes sous une pression immense et les empêchant de recevoir la protection et le soutien dont elles ont besoin. Le système judiciaire, bien que reconnaissant le viol, le traite souvent de manière défaillante, laissant les victimes face à des obstacles lors de la dénonciation et les coupables impunis.
L’absence de reconnaissance légale de la paternité prive également l’enfant de droits fondamentaux, tels que l’accès à une identité légale, à des soins de santé et à une pension alimentaire. Dans ce contexte, l’expertise génétique pourrait jouer un rôle crucial en permettant aux mères célibataires de prouver la paternité de leur enfant de manière formelle et incontestable, leur offrant ainsi une protection juridique contre les poursuites pour adultère et la possibilité de revendiquer des droits, notamment en matière de soutien financier. En outre, cette reconnaissance pourrait faciliter l’accès à des ressources et à des aides sociales, améliorant ainsi leur situation économique et leur qualité de vie.

3. Avortement et dilemmes éthiques.

Au Maroc, l’avortement est illégal, sauf dans des cas spécifiques mettant en danger la vie de la mère, ce qui laisse peu de place aux choix des femmes face à des grossesses non désirées. Cette situation crée un véritable dilemme éthique pour les mères célibataires, qui doivent naviguer dans un système juridique et social qui ne leur offre pas d’options. Elles se retrouvent souvent face à des décisions impossibles, devant choisir entre la continuation d’une grossesse non désirée et l’absence de soutien pour élever un enfant dans un environnement stigmatisant. Les pressions sociales et familiales peuvent exacerber cette situation, rendant le choix encore plus complexe.
Les conséquences de cette législation restrictive sont multiples et profondément ancrées dans la réalité quotidienne des mères célibataires. Sur le plan psychologique, ces femmes peuvent éprouver des sentiments de culpabilité, de honte et de désespoir, qui peuvent conduire à des troubles mentaux tels que la dépression et l’anxiété. L’angoisse de devoir porter une grossesse non désirée peut également entraîner des complications sur la santé mentale, augmentant le risque d’isolement social.

L’absence de reconnaissance légale de leur situation, tant pour elles que pour leurs enfants, aggrave encore les problèmes. Elles peuvent se sentir invisibles, sans droits ni protections, ce qui renforce leur sentiment d’isolement et de vulnérabilité. Cette situation est d’autant plus préoccupante lorsque l’on considère le manque de soutien psychologique et social qui pourrait les aider à faire face à ces défis. De plus, les mères célibataires peuvent également faire face à des difficultés économiques, car elles doivent jongler entre le travail, l’éducation de l’enfant, et les stigmates associés à leur statut.
Enfin, le cadre législatif actuel, qui criminalise l’avortement, ne tient pas compte des réalités vécues par ces femmes. Cela soulève des questions éthiques importantes sur le droit des femmes à disposer de leur corps et à prendre des décisions concernant leur santé reproductive.

Salma El khattabi
Étudiante au Master Sciences Juridiques à la FSJES Agdal - Rabat
UM5
MAROC

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